Rentrée 2016 : Bande dessinée

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À surveiller

S’enfuir
Guy Delisle (Dargaud)

Avec ce nouvel ouvrage, Guy Delisle raconte les 111 jours de la prise d’otage d’un responsable d’ONG, survenue dans le Caucase, ainsi que la détention qui s’ensuivit. Chaque nouvel album de cet auteur est un incontournable, autant en raison de l’aspect documentaire qu’il apporte que pour la qualité et la fausse simplicité graphiques qui s’en échappent. Un nouveau coup de maître.

 

 

Zoothérapie
Catherine Lepage (Somme toute)

En quelques mots seulement, Catherine Lepage sait venir nous chercher là où ça fait mal. Grâce à des images plus qu’évocatrices (exemple : un paon dont les plumes majestueuses sont ornées de plusieurs yeux, accolé à la phrase « On vit constamment sous la pression du regard des autres »), elle nous pousse à réfléchir sur notre nature profonde, sur les valeurs qu’on souhaite maintenir. Une artiste sensible, dont l’œuvre intelligente est sans pareil.

 

Aujourd’hui,demain, hier

Roman Muradov (Dargaud)

Ce Russe qui demeure aux États-Unis est depuis peu la nouvelle coqueluche de l’illustration. Déjà, celui qui dessine entièrement à la main possède à son actif des couvertures du New York Times, du New Yorker, de livres chez Penguin Books, etc. Son trait a un petit quelque chose de l’éditorial et ses couleurs empruntent à l’expressionnisme allemand des années 20 : vives, chaudes, violentes. Dans ce one-shot, il présente six histoires, de quatre à soixante pages chacune, qui sont à la fois littéraires et ludiques, à la fois comiques et profondes. Les amateurs d’art adoreront.

 

Coquelicots d’Irak
Lewis Trondheim et Brigitte Findakly (Pow Pow)

Si Lewis Trondheim n’a plus besoin de présentation, on se surprend d’apprendre que la coloriste Brigitte Findakly (Le chat du rabbin) est son épouse. Ensemble, ils nous proposent Coquelicots d’Irak, un petit tour d’horizon de la vie de Findakly, née d’un père irakien et d’une mère française dans les années pré-Saddam Hussein. Grâce à de multiples saynètes, à quelques photos et à des parenthèses d’information culturelle, on assiste aux souvenirs parfois doux, parfois sombres de Findakly.


 

Pour les lecteurs au cœur d’enfant 
La BD sans texte L’enfant seule (Comme des géants), tout de noir et de blanc, semble emprunter au pointillisme pour son rendu graphique. Signée par Guo Jing, l’histoire de cette petite fille perdue qui rencontre un mystérieux cerf nous entraîne dans un univers étrange. Du côté de Cathon, on s’aventure avec Mimose et Sam (Comme des géants) dans la forêt afin de découvrir qui grignote les feuilles durant leur sommeil. Avec son dessin bon enfant, Cathon captive. Le duo Béka et Crip (« Studio Danse ») propose cette fois de revisiter, tout en humour, les contes de fées. Dans le premier tome, Traversine au bois dormant (Dargaud), on rencontre e autre que la fille de la Belle au bois dormant. Sinon, découvrir avec Nathalie Ferlut la vie de l’emblème littéraire du Danemark dans Les ombres de Monsieur Andersen (Casterman) est un plaisir pour l’esprit et les yeux. Qui était réellement le poète et le conteur? Misère, homosexualité, folie, ambition : sa vie sera jalonnée de plusieurs défis et c’est sous des dessins souples, éclatés et complets qu’on découvre le tout. Impressionnant.

À lire aussi : La Calanque. Les beaux étés (t. 2) de Zidrou et Jordi Lafebre (Dargaud)
Jérémi a le coeur qui tourne de Guillaume Demers (Espoir en canne)

 

Pour les lecteurs engagés
Dans un dessin noir et blanc au clair-obscur marqué, Catel et José-Louis Bocquet offrent le portrait de la première danseuse étoile noire du monde dans Joséphine Baker. Cette Afro-Américaine originaire du Mississippi, d’abord danseuse nue durant les Années folles, luttera contre le racisme aux côtés de Martin Luther King et s’engagera auprès de la Résistance, en plus d’adopter douze orphelins de nationalités différentes. Dans Sables mouvants (L’Agrume), Kitty Kahane nous entraîne dans les derniers jours du régime politique de Berlin de 1989, grâce au récit d’un reporter envoyé sur place. Avec le reporter Nicolas Henin et l’illustrateur Kyungeun Park, on plonge dans l’histoire vraie de Haytham, originaire de Syrie et fils d’un leader de la jeune révolution, qui, à 14 ans, devient réfugié en France. À lire dans Haytham, une jeunesse syrienne (Dargaud).

À lire aussi : Reporter (t. 1) de Garreta-Granier et Toussaint (Dargaud)
Weegee : Serial Photographer de Max de Radiguès et Wauter Mannaert (Sarbacane)

 

Pour les lecteurs à la fibre artistique
Enfin traduit, le roman graphique scénarisé par Anne Opotowsky frappe par la qualité des illustrations colorées sobrement signées Aya Morton, qui excelle par sa conception de l’espace et des angles de vues. His Dream of the Skyland (Urban China) n’est pas une histoire légère : on y parle de mystérieuses disparitions d’enfants dans la Chine coloniale du XXe siècle. Il s’agit du premier tome d’une trilogie. Avec Fin de la parenthèse (Rue de Sèvres), les amateurs d’art – principalement de Dali – seront servis. Cette fois, Joann Sfar invente l’histoire saugrenue de Seabearstein, un peintre qui entame une étrange expérience artistique : il s’enferme dans un hôtel avec quatre jeunes filles et tente, grâce à la mise en scène de ses tableaux, de décryogéniser Salvador Dali… Bien sûr, comme toujours avec Sfar, les réflexions sur la vie, l’amour et la philosophie sont au rendez-vous. Le lay et Horellou (Lyz et ses cadavres exquis et 100 maisons) récidivent avec Ralentir (Le Lombard), un roman graphique en forme de road movie qui aborde des thèmes profonds tels la décroissance, le choix de son mode de vie et l’épanouissement personnel. De plus, les magnifiques illustrations sont à la hauteur de l’histoire!

À lire aussi : Mei Lanfang. Une vie à l’opéra de Pékin de Ying Lin (Urban China)

 

Pour les lecteurs sensuels
Non, il ne s’agit pas d’une réédition ou d’un carnet : voici une toute nouvelle BD de Jimmy Beaulieu, le bédéiste québécois qui sait si bien rendre tendre l’amour érotique, et sexuelle la tendresse. On le retrouve donc dans Rôles de composition (Mécanique générale), un album en couleurs où il est question des rôles que l’on prend, dans nos relations. Dans un dessin noir et blanc plantureux aux courbes voluptueuses, Laureline Mattiussi nous entraîne quant à elle dans Je viens de m’échapper du ciel (Casterman), d’après une nouvelle de Carol Salem. Poe, amoureux fou de Lola la barmaid, est prêt à tout pour elle, même à braquer une banque s’il le faut… Dans Scènes de la vie hormonale (Dargaud), Catherine Meurisse rassemble ses chroniques qui font place à l’amour et aux hormones en ébullition, publiées sous forme de strips dans Charlie Hebdo

 

Pour les lecteurs des bédéistes au féminin
Les amateurs de la nouvelle génération féminine en BD seront heureux d’apprendre qu’on retrouvera Zviane dans À l’école (Mécanique générale), un ouvrage « best of » qui reprendra certaines planches de La plus jolie fin du monde et de Le quart de millimètre, deux ouvrages épuisés, le tout augmenté de nouvelles planches inédites servant à revenir sur le passé, à commenter ou à mettre en contexte. Avec l’humour décalé qu’on lui connaît, Iris Boudreau nous propose de retourner au secondaire pour partager les aventures de ces ados, « les Autres » qui ne sont d’aucune gang. Pour les amateurs, attention : Les Autres (t. 1) chez Bayard, une compilation des planches parues dans Curium! Mais sept inédits s’y retrouvent. La Française Pénélope Bagieu propose ici rassemblés quinze portraits de femmes qui, grâce à leur culot, ont marqué leur époque. D’abord publiés sur le blogue du Monde.fr., ces portraits seront disponibles dans Culottées t. 1 (Gallimard). La scénariste Vanyda s’allie avec Nicolas de Hitori dans une nouvelle BD pour jeunes adultes, qui s’intitule Mia et Co (Dargaud) et qui raconte ces histoires complexes où l’amitié se transforme parfois en amour. Mia, la protagoniste, préfère de loin se tenir avec les garçons, mais cela vient avec son lot de complications.

À lire aussi : Le rose vous va si bien d’Eva Rollins (Casterman)

 

Pour les lecteurs nostalgiques
Martha et Alan (L’Association), du talentueux Emmanuel Guibert, nous plonge dans l’enfance d’Alan Ingram Cope, alors qu’à 5 ans, il devient ami avec Martha. Cette fillette, qui comme lui grandira au gré des bêtises d’enfance et des épreuves de la vie, sera en fait son premier amour. C’est avec un dessin qu’on peut sans gêne qualifier de somptueux que Guibert nous parle du passé, de ces êtres qui nous forgent.

Pour les lecteurs qui n’ont pas froid aux yeux
Les trois carrés de chocolat (Mécanique générale) de Mélodie Vachon Boucher est puissant, dérangeant, douloureux et magnifique à la fois. Une narratrice revient sur son passé, sur les trois viols qu’elle a subis, de façon à forger sa guérison. Rien n’est démontré en images, tout n’est que sensation, tout n’est que faits et émotions brutes, vraies. C’est fait avec délicatesse, adresse et respect. Osons le dire : ce roman graphique est essentiel. Autre univers : celui des gangs de rue en Amérique du Sud grâce auquel on découvre dans Vértigo (Le Lombard) un travail de recherche exceptionnel de la part de Sergeef et Bufi.

À lire aussi : Au fil de l’eau de Juan Díaz Canales (Rue de Sèvres) 

 

Pour les lecteurs qui fuient le réel
Alain Farah
(Pourquoi Bologne) plonge pour la première fois dans l’univers du 9e art avec La ligne la plus sombre (La Pastèque), nous invitant à fuir le réel par la voie de la création. Mais il ne le fait pas seul, ayant comme alliée aux illustrations la talentueuse Mélanie Baillargé. Son personnage, un certain Joseph Farah, coule ses vacances dans le Maine lorsqu’un appel lui ouvre tout à coup un champ de possibilités, nous entraînant des bureaux de Radio-Canada aux océans de dauphins, des films d’espionnage au concept de channeling, du roman Dune à la plage avec ses enfants… Dans une société où les robots dirigent la terre, D4ve est un androïde prisonnier d’un travail de bureau qui l’exténue. Comment s’en sortira-t-il? À découvrir chez Ankama grâce à Shangri-la et Mathieu Bablet. Chez ce même éditeur, on continue à découvrir l’œuvre de Stephane Wul, l’un des grands Français de la littérature de genre, adapté en BD. Cette fois, c’est au tour d’Odyssée sous contrôle de renaître sous la plume de Doobs et les dessins de Stéphane Perger. Chez Alto, on retrouve Tom Gauld et ses petites cases intelligentes dans Police lunaire : mêlant humour et mélancolie, Gauld pointe l’absurde de la vie grâce à une histoire où le point de départ est la Lune, lieu colonisé à la fois par les humains et les robots. Avec Pierre-Yves Gabrion, on débarque dans un monde futuriste régit par un gouvernement totalitaire où a lieu une enquête (Karma city, Dupuis).

 

Pour les lecteurs qui n’aiment pas les séries
Lire une série exige de la patience : il faut savoir attendre entre chaque tome! Voici donc des suggestions de one-shot. D’abord, chez Aire libre (Dupuis), on souligne Prestige de l’uniforme (Loo Hui Phang et Hugues Micol), soit l’histoire d’un chercheur dont la vie bascule le jour où une expérience décuple ses forces, et Chroniques absurdes (Miguel Angel Prado) qui regroupe trente histoires aussi absurdes que cocasses et satiriques. Dans Salto, l’histoire du marchand de bonbons qui disparut sous la pluie
(Mark Bellido et Judith Vanistendael, Le Lombard), le titre dit presque tout, sauf que le Salto en question, qui rêve de devenir écrivain, deviendra garde du corps. Miles Hyman adapte un roman de Shirley Jackson, La loterie (Casterman), l’histoire d’un village qui, chaque année, choisi au hasard la mort d’un des leurs… Dans Talc de verre, Marcello Quintanilha, celui qui nous avait offert l’excellent Tunstène, revient en force avec l’histoire d’une femme qui a tout pour plaire, mais qui tombe dans une spirale autodestructrice lorsqu’elle rencontre une certaine cousine. Chez Sarbacane, on plonge dans la vie d’un bourreau, qui, avant la nomination du nouveau maire, peignait plutôt que d’exécuter des gens dans Le petit bourreau de Montfleury (Marty Planchais). Et, du côté québécois, quoi de mieux pour nous faire sourire que de nous rappeler tous les petits bonheurs qui parsèment notre quotidien! C’est ce que
fait Ana Roy dans Les petites choses (Mécanique générale), un hymne aux petits riens qu’on connaît tous, mais qui, sous l’œil d’une conceptrice graphique, redeviennent grands.

À lire aussi :
La drôle de vie de Bibow Bradley de Nicolaï Pinheiro (Sarbacane)
Le 6e Dalaï-Lama de Zhao Ze (Fei)

 

Pour les lecteurs qui aiment rire
Chez Pow Pow, on annonce deux titres qui arracheront assurément les sourires : Je sais tout (t. 2), de Pierre Bouchard, et Yves, fidèle à lui-même, par Yves Bossé et Alexandre Simard. Du côté de La Pastèque, on plonge dans le huitième tome de « Red Ketchup » de Réal Godbout et Pierre Fournier et dans le sixième de Macanudo. On découvre également Cyril Doisneau qui chronique, chaque fois avec un nouveau coup de crayon et un nouveau style, différents restaurants dans Carnets de bouffe. On ne se dilate pas la rate à proprement dit, mais on aura de très nombreux sourires à la lecture de ses impressions personnelles et de ses descriptions.  

À lire aussi : Ma vie de réac de Morgan Navarro (Dargaud)

 
 
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