Nous vous l’annoncions en ouverture de ce dossier : cette année, nous faisons place aux fleurons du Québec, que ce soit les maisons d’édition, les illustrateurs ou les scénaristes de notre province. Vous découvrirez ci-dessous un tour d’horizon des principales parutions attendues du côté des bandes dessinées. Amateurs de BD de type franco-belge ou encore de grandes séries à la Marvel? Quelques œuvres phares du côté étranger sont tout de même listées ci-dessous. Mais nous vous invitons à visiter vos librairies : elles regorgeront de choix pour vous combler! D’ici là, cap sur le talent d’ici!

C’est comme ça que je disparais
Mirion Malle (Pow Pow)
Mirion Malle est une bédéiste d’origine française qui demeure à Montréal. Si elle s’était auparavant principalement adonnée à la bande dessinée documentaire féministe, on la retrouve cette fois dans une fiction qui, avec une adresse déconcertante, décortique la dépression. On plonge ainsi dans le quotidien de Clara, poète par passion et attachée de presse de métier, qui tente de se réconcilier avec le goût de vivre. Comprendre la force des amitiés ainsi que celle qui vit en elle constituera son principal défi. D’un trait simple noir, clair et évocateur, cette BD fera assurément œuvre utile en raison du sujet abordé.

 

Bix
Scott Chantler (trad. Éric Fontaine) (La Pastèque)
Véritable tour de force narratif, cette BD en bichromie de 256 pages et presque entièrement sans texte fait la biographie de Leon Bix Beiderbecke, grande vedette de jazz des années 20 qui joua notamment aux côtés de Louis Armstrong. Aux prises avec une dépendance à l’alcool et sans le soutien de ses parents, Bix choisira la difficile voie d’être compositeur-interprète de jazz, malgré sa tendance à l’autodestruction. De tableau en tableau, comme autant de scènes muettes qui gagnent en puissance par la force des images, on accède à ses débuts fulgurants, on suit son parcours de Blanc dans un monde d’Afro-Américains, jusqu’à ce que ses démons s’emparent malheureusement trop tôt de lui.

 

La vingt
Audrey Beaulé (Mécanique générale)
À la fois douce et lumineuse, La vingt a des airs de scrapbook sans colle et à l’équerre, qui collige des parcelles de vie d’Audrey Beaulé, dont il s’agit de la première publication. Si la « vingt » du titre fait référence à la Transcanadienne, qui parcourt le récit d’un bout à l’autre, ce chiffre fait aussi référence à l’âge de la narratrice : joli prétexte pour créer des parallèles entre son existence et la voie asphaltée qui sépare Québec et Montréal. « La vingtaine, c’est un condensé de possibles et d’impossibles », y lit-on, aux côtés de réflexions sur l’amitié, la performance, l’intimité et la recherche de modèles. Pour ceux qui aiment les traits de Benoit Tardif, les réflexions de Catherine Lepage et l’authenticité de Julie Delporte, cette BD libérant une parole intime résonnera en vous.

 

Aliss
Patrick Senécal et Jeik Dion (Front froid/Alire)
Le projet annoncé, les esprits étaient déjà en ébullition : quelle œuvre fantastique ce serait! Avec Senécal au scénario et Dion aux illustrations, le roman Aliss, paru il y a vingt ans, ne pouvait que reprendre vie de façon époustouflante dans sa version 9e art. On y retrouve donc une Aliss qui repousse ses limites en disant oui à tout, même si cela la mène à l’autodestruction. Une BD trash aux couleurs sombres, un trait nerveux et un aspect « sale », où les contrastes ont la part belle et raviront les lecteurs qui (re)découvriront cette œuvre marquante.

 

La bombe
Alcante, Bollée et Rodier (Glénat)
Œuvre monumentale de par sa profondeur, son format (450 pages!) et son sujet, La bombe raconte l’histoire vraie de la bombe atomique. On y découvre ceux qui ont fait l’histoire (notamment les politiciens en place) ainsi que les résidents d’Hiroshima et des inconnus, dont plusieurs scientifiques et un ouvrier afro-américain, à qui on a injecté du plutonium à son insu pour en voir les effets sur l’humain. Extrêmement documentée, cette œuvre graphique est scénarisée par un Français et un Belge, et dessinée par le Québécois Denis Rodier, véritable maître du clair-obscur.

 

À bas les tabous
Sujet tabou s’il en est un, le suicide est mis au cœur d’une démarche autant historique qu’artistique dans Vous avez détruit la beauté du monde : Le suicide scénarisé au Québec depuis 1763 (collectif, Moelle graphik), une grande BD documentaire. Pour restituer ces scènes finales de vie de plusieurs suicidés, des scènes parfois élaborées avec un grand soin, les auteurs de cet ouvrage — historiens, sociologues et criminologues — ont basé leurs recherches sur plus de 20 000 analyses de coroners (photos, descriptions, témoignages, etc.). Avec un grand respect, ces scènes allant de 1763 à nos jours sont ainsi illustrées, permettant ainsi de poser un éclairage majeur sur l’importance du travail des historiens.

Une autre bande dessinée aborde la question du suicide, cette fois chez Glénat Québec, qui a traduit l’œuvre des sœurs Talhí et Karina Briones. Avec Emmanuel veut juste en finir, voilà une BD aux couleurs en aplat où des démons — seuls éléments qui se démarquent par leurs couleurs — assaillent Emmanuel pour qu’il s’élance du haut d’un toit, car les étranges créatures ont besoin de son corps pour l’habiter — un bien immobilier de premier ordre pour eux. Une histoire sur le désespoir, la mort, mais également une réflexion sur la rédemption. Chez Écosociété, on se tourne vers Comment (et pourquoi) je suis devenue  végane d’Eve Marie Gingras, préfacée par Élise Desaulniers. Dans un récit personnel, la bédéiste dévoile son cheminement et ses questionnements sur la consommation de produits provenant des animaux (voir la chronique de Jean-Dominic Leduc à ce sujet, p. 103). Et finalement, chez Nouvelle Adresse, on retrouvera une première BD autobiographique par Mireille St-Pierre, graphiste et bédéiste québécoise, avec La brume. Il s’agit d’un récit racontant la peur de toute femme enceinte : devoir accoucher d’un enfant mort-né. St-Pierre s’attarde ainsi dans cet ouvrage au processus du deuil et à la détonation que l’événement crée dans le couple, remettant en question les possibles façons de vivre alors qu’une telle souffrance est palpable à l’intérieur de soi.

À lire aussi du côté étranger
L’homme qui tua Chris Kyle, Fabien Nury et Brüno (Dargaud)
Pucelle, Florence Dupré La Tour (Dargaud)
Mon père, cet enfer, Travis Dandro (Gallimard)
Journal d’un enfant de lune, Joris Chamblain et Nalin (Kennes)

Pour le plaisir de lire
Elle a plus d’un tour dans son sac, la mairesse de Montréal. La preuve : elle publie cet automne Simone Simoneau : Chronique d’une femme en politique (Quai n° 5, XYZ), une bande dessinée sur le parcours d’une citoyenne féministe qui choisit de surmonter les défis de la politique et de suivre ses idéaux d’engagement citoyen et de justice sociale. Sans lourdeur et avec le côté rieur qu’on accole à Valérie Plante, on découvre une œuvre ludique, mise en valeur par les superbes dessins de l’émérite Delphie Côté-Lacroix, qui, notez-le, paraît en même temps en anglais chez Drawn & Quarterly.

Le Québécois Yanick Paquette n’en est pas à ses premières armes en matière d’illustrations de héros. Après avoir mis notamment son talent au service de Batman, on le retrouve cette fois dans Wonder Woman : Terre-Un (t. 2), chez Urban Comics en août. Une parution pour souligner le nouveau film de cette héroïne, qui prendra l’affiche en octobre. Chez Nouvelle Adresse, on s’attardera à la réédition d’une bande dessinée qui, lors de sa parution, avait remporté le Bédélys indépendant 2015 : Minimax, de François Donatien. Ce livre personnel met de l’avant les questionnements d’une jeune artiste, une punkette souvent entêtée qui arbore des picots sur le front. Une belle percée dans le milieu de la musique underground, un trait de crayon qui rejoint par moments celui de Robert Crumb. Chez Front froid, on voit enfin arriver, après près de quatre ans d’attente, le tome trois de Far Out, de Gautier Langevin et Olivier Carpentier. Ce western de science-fiction contient toujours autant d’humour que dans les premiers volets et met toujours en scène ces robots-cowboys de l’espace qui permettent d’aborder les grandes thématiques que sont la recherche de liberté et l’idée de colonisation. Impossible de passer sous silence la parution du second tome de Bootblack, de Mikaël, chez Dargaud. On continue de suivre ce merveilleux diptyque où un soldat américain, seul rescapé du front allemand de 1945, se replonge dans ses souvenirs de fils d’immigrés allemands, à New York, où lorsqu’il eut 10 ans, devint orphelin, puis cireur de chaussures.

Chez Pow Pow, on situe le deuxième volet de la série des Mystères de Hobtown entre la série Harry Potter et le Suspiria de Dario Argento. On y suit toujours cette bande de détectives adolescents des années 90 qui se frottera cette fois-ci à des événements davantage dignes de l’horreur et du fantastique que de la simple enquête policière. Le roman graphique idéal pour les nuits d’orage d’automne! Du côté plus humoristique, à l’occasion d’une exposition sur Serge Chapleau présentée au musée McCord de Montréal, les Éditions La Presse font paraître Chapleau, une rétrospective de l’œuvre du caricaturiste dans un livre grand format qui inclut plus de 300 œuvres. Après plus de cinquante ans à disséquer avec humour la politique et le quotidien sous ses crayons, Chapleau voit enfin un livre lui être consacré à la hauteur de son œuvre. Et en novembre, on se réjouira devant chacune des pages du nouveau Tom Gauld publié chez Alto, Le département des théories fumeuses, traduit par Éric Fontaine. Ce même éditeur publiera d’ailleurs en novembre également une version illustrée — et non pas une BD — par Rébecca Dautremer du classique de Steinbeck Des souris et des hommes.

À lire aussi du côté étranger
Les chroniques de l’univers, Richard Marazano et Ingo Römling (Dargaud)
Carbone & Silicium, Mathieu Bablet (Ankama)
New York Cannibals, François Boucq, Alexandre Boucq, Jérome Charyn, Michel Brun et Jeanne Guyon (Le Lombard)
La fuite du cerveau, Pierre-Henry Gomont (Dargaud)
Ramdam Blues, Lewis Trondheim et Franck Biancarelli (Le Lombard)
La chanson de Renart, Joann Sfar (Gallimard)
Le roi des oiseaux, Alexander Utkin (Gallimard)
Le Menhir d’Or, René Goscinny et Albert Uderzo (Éditions Albert-René)
L’odyssée d’Hakim (t. 3) : De la Macédoine à la France, Fabien Toulmé (Delcourt)

Bande dessinée jeunesse
Du côté de la bande dessinée destinée aux jeunes, un arrêt sur L’alerte au feu à La Pastèque est de mise. Signé par André Marois et illustré par Célia Marquis, ce livre plaira à ceux qui avaient dévoré du même auteur Le voleur de sandwichs. Cette fois, en pleine canicule, les trois amis apprennent qu’un réel feu a eu lieu à leur école. Ils sont tous les trois convoqués chez le directeur. Mais… qui a mis le feu? Écrit avec un suspense maîtrisé et une narration qui ne dévoile pas tout d’un coup, L’alerte au feu fera craquer quiconque en entamera la lecture!

Adaptée d’une pièce de Larry Tremblay, illustrée par Pierre Legrenier à La Bagnole, Le garçon au visage disparu plongera le lecteur adolescent au cœur du mal-être d’un garçon fasciné par les zombies et dont le père est missionnaire en Afrique, aussi bien dire totalement absent, plutôt, aux yeux de son fils. Mais le jour où l’humanitaire se fera kidnapper, son fils sera plongé dans un profond désarroi, empreint d’émotions emmêlées. L’ambiance de cette BD est inquiétante, et le tout est présenté un peu à la façon d’un film de suspense dont on attend l’issue. Les 8 ans et plus plongeront avec bonheur dans la suite des aventures de Sven le Terrible, avec Pas de chevaliers pour les pirates! de Rhéa Dufresne et Orbie (Les 400 coups). À mi-chemin entre l’album et la BD, cette histoire met de l’avant Anémone, la princesse devenue pirate qui n’en fait qu’à sa tête, au grand désespoir de Sven. On suivra l’entrée mouvementée au secondaire d’une jeune fille dans Nat (tout court) de Maria Scrivan chez Scholastic, alors que sa meilleure amie a choisi de la délaisser au profit de gens plus cool qu’elle. Un récit sur l’acceptation de soi, pour ceux qui aiment les œuvres de Raina Telgemeier. Et les amateurs de sports trouveront quant à eux leur compte dans Hockey intergalactique : La première étoile du match de Joseph Torres et Tim Levins (Scholastic), où un grand championnat a lieu sur Galaxia, planète où le hockey est encore plus populaire que sur Terre!

Les amateurs d’aventures seront heureux de découvrir la nouvelle série signée Freg et Alain M. Bergeron, MultiMax (Éditions Michel Quintin), qui met en scène un garçon extraordinaire qui peut se multiplier en dix autres « Max », chacun doté d’un superpouvoir! Grâce à cette capacité étonnante, il tentera de découvrir qui commet les délits dans son quartier, pourtant paisible d’ordinaire… Une excellente BD documentaire voit le jour aux Éditions Michel Quintin, signée par Philippe Lemieux et Garry : L’histoire du cinéma : L’image en mouvement. Fascinante, l’histoire du cinéma? Assurément! Et encore plus quand le tout nous est raconté dans la forme dynamique qu’est celle de la bande dessinée. Vulgarisée à souhait, racontée avec soin et sans précipitation, l’évolution de la photo jusqu’au cinéma est ici développée par un duo talentueux. On y croise au passage Muybridge, Edison et Méliès, qui ont chacun à leur façon contribué à ce que nous puissions aujourd’hui jouir de moments passés devant la télé! Ceux qui dévorent les œuvres mettant en scène les Dragouilles seront ravis d’apprendre qu’un tome spécial paraît, alors que les étranges bestioles en forme de patate ailée se retrouvent sur les bancs d’école! Le prétexte parfait, surtout après un tel confinement, pour parler de toutes les écoles, formules et modes d’apprentissage existant sur la planète! À lire dans Les Dragouilles à l’école (Karine Gottot et Maxim Cyr, Éditions Michel Quintin). Et finalement, plus tard en novembre, on surveillera Juliette à Hollywood (Hurtubise), série BD adaptée des romans de Rose-Line Brasset.

À lire aussi
Les Omniscients (t. 1) : Phénomènes, Dugomier et Renata Castellani (Le Lombard)
Pico Bogue (t. 12), Alexis Dormal et Dominique Roques (Dargaud)
Jimmy Tornado (t. 3) : Aux portes d’Agartha, Frédéric Antoine et Jean-François Vachon (Presses Aventure)

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