L’association: un esprit d’indépendance

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Une hydre dessinée à la manière d’un pictogramme : voilà le logo, révélateur de sa nature, de l’Association, maison d’édition avant-gardiste qui maintient la tête hors de l’eau grâce à sa capacité à vaincre les lieux communs et à se poser en catalyseur d’unicité.

Les albums édités sous la bannière de l’Association font tous la part belle à cet esprit de singularité. Il est en effet bien facile de les repérer sur les rayons d’une librairie grâce à ce format bien particulier, loin des standards de la bande dessinée francophone : couvertures monochromes en papier souple, absence de description en quatrième de couverture, contenu en noir et blanc et codes-barres sur étiquette facile à décoller. L’aspect unique de ces volumes constitue une marque de fabrique de l’éditeur qui, au cours de ses quelque vingt-trois années d’existence, a permis de faire connaître des grands noms de la bande dessinée contemporaine et a su insuffler une plus grande variété dans le monde du neuvième art.

À l’origine de cette petite maison d’édition qui a su se forger une belle réputation, soulignons le désir partagé entre sept jeunes créateurs de bandes dessinées de bouleverser les codes éditoriaux. Leur idée consistait à donner, d’une part, un plus grand pouvoir de décision aux auteurs dans le processus de production des albums et, d’autre part, l’occasion aux lecteurs de découvrir des œuvres plus littéraires ou expérimentales. Les pionniers que sont David B., Patrice Killoffer, Mattt Konture, Jean-Christophe Menu, Mokeït, Lewis Trondheim et Stanislas se sont tout d’abord retrouvés autour d’un projet de revue intitulée LABO et c’est en 1990 qu’ils donnent à leur collaboration une tournure plus officielle, avec la fondation proprement dite de l’Association.

L’indépendance des artistes, qui peut être ébranlée par les contraintes économiques du marché de la bande dessinée, est farouchement défendue par l’Association. Au cours de ses premières années, alors que le catalogue de l’éditeur se développe petit à petit, un système d’adhésion lui permet de maintenir un équilibre financier. En s’acquittant d’une cotisation annuelle, les adhérents ont accès à des titres réservés et reçoivent des objets singuliers et loufoques, dignes de l’esprit de la maison.

Au début des années 2000, l’Association fait sa marque en tant que maison publiant des œuvres originales de qualité. La publication et le grand succès de Persépolis de Marjane Satrapi viennent confirmer l’attrait du public pour cette production. La Guerre d’Alan d’Emmanuel Guibert, L’Ascension du Haut Mal par David B. profitent aussi d’un bel accueil et demeurent encore des valeurs sûres. L’Association ne se limite toutefois pas à éditer des auteurs francophones contemporains. Des auteurs tels que l’Américain Chris Ware, le Sud-Africain Joe Daly et l’Autrichien Mahler profitent de traductions fidèles aux versions originales. Des œuvres méconnues de Massimo Mattioli (M le Magicien) et Jean-Claude Forest (créateur de l’héroïne Barbarella) sont aussi rééditées.

À l’approche de ses vingt ans, la maison d’édition connaît pourtant une grande crise. Les salariés entament une grève afin de protester contre le licenciement d’un certain nombre de leurs collègues. Il ne demeure d’ailleurs à cette époque que très peu d’auteurs qui ont vu la naissance de l’Association. Après maints affrontements et polémiques bien trop médiatisés, qui en viennent à éclipser sa production artistique, l’éditeur retrouve un certain équilibre, probablement grâce au retour de collaborateurs de la première heure : David B., Killoffer et Trondheim.

Ayant frôlé la fin du rêve, l’Association aborde une nouvelle décennie en favorisant un retour aux sources. Le programme d’adhésion est de nouveau encouragé, la revue emblématique Lapin retrouve sa formule originale. L’esprit indépendant et créatif de la maison d’édition est quant à lui resté intact et le lecteur ressent toujours l’enthousiasme communicatif d’auteurs de BD qui ont un jour eu l’idée de créer une maison d’édition qui leur ressemblerait.

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