Il est venu le temps des donjons

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« Donjon », de Sfar et Trondheim, a aujourd'hui un peu plus de trois ans. Neuf albums sont parus à ce jour dans cinq séries différentes ; un autre album paraîtra prochainement, quatre autres sont en préparation dans la seule série « Monsters », sans parler du jeu de rôle qui sera en librairie bientôt...

Ma première intention était de profiter de cette chronique pour faire une sortie incendiaire visant à jeter bas ce présomptueux édifice, mais après une relecture attentive, j’ai rajusté mes flûtes, et me contenterai de faire part de quelques-unes de mes inquiétudes.

Un donjon de trop ?

Combien cela me coûtera-t-il ?, se demande l’amateur peu fortuné. La structure actuelle du « Projet Donjon » prévoit 100 albums pour chaque série régulière (« Potron-Minet », « Zénith » et « Crépuscule »), une vingtaine pour la série « Parade » et un nombre indéterminé pour la série « Monsters ». En dollars actuels, le coût total pourrait être d’environ 6000 $. Seulement six albums sont prévus pour l’an prochain ; à ce rythme le cycle ne sera pas terminé avant 2062. Cela laisse largement le temps de ramasser ses sous ou de trouver un meilleur emploi.

Les anciens et les modernes

Lorsqu’ils ont lancé le projet – un peu à la blague –, Sfar et Trondheim commençaient à se faire un nom en dehors des cercles restreints de la bande dessinée d’avant-garde. Il n’était alors pas question de cette surabondance de séries, et il n’est pas exclu que les deux comparses aient été pris dans une tourmente éditoriale qui les dépasse. Tout cela risque de devenir bien répétitif, et je ne crois pas que ces bédéistes innovateurs voient d’un si bon œil la perspective de faire école, ou de s’enchaîner à vie à la construction d’un édifice par trop prévisible. Pour l’instant, la multiplication des séries leur permet de s’entourer de toutes sortes de collaborateurs, de varier le graphisme, et aussi de jouer sur des structures narratives nouvelles. Une trilogie est en préparation où la même histoire sera racontée selon les points de vue de trois personnages différents. Ainsi, le troisième album de la série « Crépuscule », Armageddon, sera complété par deux albums de la série « Monsters » : Le noir seigneur (dessins de Blanquet) et La carte majeure (dessins de Andréas).

Perdre son temps à faire des petits Mickeys…

Il n’est pas facile de vivre de sa plume dans le monde de la bande dessinée. Mais Trondheim a le vent dans les voiles, et tout ce qu’il touche se transforme en or. Plus besoin de se consacrer à de basses taches alimentaires, à dessiner des publicités idiotes de cigarettes : le « Donjon » est là pour renflouer les coffres. Évidemment, la plupart de ses projets en cours pour l’année 2002 concernent le « Donjon », et les amateurs de la série « Lapinot » seront désespérés d’apprendre qu’il leur faudra attendre au moins jusqu’en 2003 pour lire une nouvelle aventure de leur bondissant héros préféré.

En guise de conclusion, quelques conseils de lectures parmi les œuvres des artisans du « Donjon ». De Christophe Blain, que j’affectionne particulièrement, je recommande au lecteur curieux Le Réducteur de vitesse (Dupuis), ou La Révolte de Hop-Frog (Dargaud) sur un scénario de David B. ; de Sfar, on lira le premier tome de Olives noires ou La Fille du professeur (Dupuis, dessins de Guibert) ; de Mazan, on lira avec joie Dans le cochon tout est bon (Delcourt), premier tome des aventures de « Philibert »; de F’murrr, nul besoin de présenter Le Génie des Alpages, si ce n’est pour dire que l’on attend un nouvel opus prochainement.

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