Ça passe et ça casse!

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Avec ses six hold-up racontés par autant de scénaristes et illustrés par autant d'artistes, «Le Casse» n'est pas une série de bandes dessinées au sens traditionnel, mais plutôt une collection d'envergure, dont la réalisation est au-delà de mes attentes!

Un «casse», nous dit Le Robert, est un mot familier pour «cambriolage», comme dans l’expression «faire un casse». Ainsi, dès que le dépliant promotionnel pour la série «Le Casse» est arrivé en librairie, au printemps dernier, j’ai su qu’il y avait là quelque chose pour moi. «Six albums. Six hold-up défiant l’imagination», promettait le prospectus. Pour l’amateur de Westlake et de films noirs que je suis, c’était une promesse alléchante. Maintenant que la publication tire à sa fin (au moment où j’écris le présent article, L’Héritage du Kaiser, le dernier titre, n’est pas encore paru), quel est mon verdict? Les amateurs du genre (littéraire et cinématographique) s’attendent toujours à être surpris: c’est pourquoi il est si difficile de les étonner. Mais «Le Casse», avec un esprit novateur, relève le défi haut la main!

Si vous aviez à dérober plusieurs fois deux millions de dollars en diamants d’une mine du milieu de la Sibérie, ne songeriez-vous pas à changer d’itinéraire à chaque livraison? Un lac gelé, un GPS et quelques hommes dont on peut acheter les scrupules pourraient aisément rendre ce vol possible. Et si votre plan était déjoué? Et si vous vouliez qu’il le soit? Avec certains plans «parfaits», le pire qui peut vous arriver est de réussir… Dans un scénario typique du genre, très réussi quoique accompagné d’un visuel non sans faiblesses, Diamond procure un très bon moment de lecture. Dylan Teague est un dessinateur talentueux, mais les planches de Diamond déçoivent parfois. Serait-ce dû à leur mise en couleurs, qui paraît «plaquée»? Le noir et blanc, toutefois moins vendeur, aurait peut-être laissé au dessin ses subtilités.

Londres, 1977… Les Sex Pistols ont en tête de jouer sur la Tamise pendant le jubilé d’Élizabeth II, tandis qu’une importante livraison d’héroïne se prépare. Et si toute cette drogue servait des buts politiques? Qui a dit «mélange explosif»? Dans cet autre volet intitulé La grande escroquerie, chacune des planches est surmontée d’une petite case qui «résume» en quelque sorte la page. Ces «vignettes» sont une superbe trouvaille narrative, découpant l’album en courts chapitres. Xavier Basset, en colorisant le dessin aux traits expressionnistes de Christophe Quet, évite l’hyperréalisme et contribue ainsi à bien raconter l’histoire.

Gold Rush, quant à lui, est en apparence un western classique grâce à son décor (le Yukon de 1899) et ses personnages (la chanteuse de cabaret, le shérif corrompu, le mercenaire dont la tête est mise à prix et le méchant cruel et intelligent). Son scénario est en fait un classique du cambriolage. Cinq complices doivent se faire confiance, pour réussir le plan qui les enrichira, tout en leur permettant d’assouvir leur vengeance. Pour voler «The Stone» (une pépite d’une taille record), il faut sans doute être magicien. Mais attention: leur adversaire connaît son métier et les protagonistes pourraient être à la poursuite d’une illusion. Une histoire classique, loin d’un réalisme hyper violent, mais avec une bonne dose d’action mâtinée d’humour, et un dessin tout bonnement parfait pour le genre – ou pour n’importe quel genre – font de Gold Rush une véritable pépite.

Nous arrivons aux deux plus grandes réussites de la collection pour mon cœur de fan de «casses». Tout d’abord, Soul man, parce qu’il ne contient que des ingrédients «cool»: un braquage mythique, une évasion bien planifiée, un trésor qui n’est pas celui qu’on attendait (à moins que…) et surtout une dose massive de «black music», celle des Sam Cooke, Ray Charles et autres Otis Redding, qui peuple la cellule et l’esprit du personnage éponyme. On dit que Soul man a commis un vol aux dépens de la pègre, mais qui oserait vérifier? Impossible de savoir où se cache le butin, à moins de le faire sortir. Mais, plus difficile encore, comment le convaincre? J’en ai déjà presque trop dit, mais sachez que tout fonctionne à merveille dans cet album, du scénario inspiré des grands classiques du septième art au dessin, qui rend parfaitement le propos et le rythme de l’histoire. Même les couleurs (ces orange dans les scènes de nuit!) méritent une mention. Attention: coup de cœur!

Mais la plus grande surprise m’est arrivée avec Le Troisième jour. En lisant le dépliant de «Le Casse», cet album dont le sous-titre est «Jérusalem. 6 avril de l’an 30…» me laissait au départ assez froid. Quel genre de «casse» pourrait-on y mettre en scène? Le vol de la Sainte Croix? Non. Puisque la foule a préféré Barabbas à Jésus, les amis de ce dernier ont un plan pour le sortir des geôles des Romains. Je n’ose trop en raconter, mais cette histoire convaincante – ainsi que le superbe dessin de Guérineau et les couleurs de Delf (chaque scène se déploie dans une tonalité différente, ce qui renforce la narration) – proposent une autre version du destin de Jésus. Si mes souvenirs sont bons (rien n’est moins sûr), cette version est tout à fait compatible avec celle du Nouveau Testament.

Au cas où le ton de mon texte ne l’aurait pas révélé, j’ai classé ces cinq tomes dans l’ordre croissant d’appréciation, soit de «très bon moment de lecture» à «grande surprise». Vous en conviendrez, cela donne une excellente moyenne à cette série!

Bibliographie :
Diamond, Christophe Bec et Dylan Teague | 64 p.
La grande escroquerie, Fred Duval et Christophe Quet, 56 p.
Le troisième jour, Henri Meunier et Richard, Guérineau | 64 p.
Gold Rush, Luca Blengino et Antonio Sarchione | 64 p.
Soul man, David Chauvel et Denys | 56 p.
L’héritage du kaiser, Herik Hanna et Trevor Hairsine | 56 p.

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