Le meilleur de 2015: nos 25 choix!

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Encore cette année, l’équipe de Les libraires avait envie de partager avec vous ses meilleurs livres de l’année 2015. On s’est donc lancé le défi d’en choisir cinq chacun. Un défi quasi impossible : on l’avoue, on a tous essayé de tricher pour en ajouter quelques-uns de plus, on a souhaité augmenter nos choix à dix titres, etc. Comment se restreindre à cinq livres alors que cette année a été si foisonnante de lectures inoubliables!? Finalement, on a tranché, et l’on vous propose la liste de nos coups de cœur, avec commentaires personnalisés, ci-dessous. Mais en 2016, sachez que nous lirons encore ces livres de 2015 dans lesquels on n’a pas encore eu le temps de se plonger!

 

 

Les choix de Josée-Anne Paradis

Panik
Geneviève Drolet (Tête première) 

Panik, c’est une voix originale, c’est une narration sans complexe, c’est un grand tableau du Nord comme on n’en avait pas lu depuis longtemps. Ni éloge ni diatribe, Geneviève Drolet (une jeune auteure que j’adore et qui, avec ce roman affirme réellement son statut d’écrivain) nous entraîne dans ce monde blanc où la violence souffle aussi fort que le vent, où survivre est un combat de tous les jours et où la beauté réside dans ce que la nature a de plus beaux à offrir : ses paysages et ses enfants.
Voir l’entrevue: ici.

 

La nageuse au milieu du lac
Patrick Nicol (Le Quartanier)

Ne pas mentionner que Patrick Nicol a été mon professeur ne serait pas honnête. Ne pas mentionner que j’ai grandi dans la ville qu’il décrit si habilement dans La nageuse au milieu du lac ne serait pas loyal. Mais c’est aussi ça, la littérature québécoise : connaître le visage des gens qui signent des magnifiques romans, avoir arpenté les lieux décrits, se reconnaître. Si Nicol raconte ici l’histoire de sa mère, qui tranquillement perd la mémoire, c’est également une histoire universelle qu’il met en mots car, qui peut se targuer d’être au-dessus de la vieillesse? « Pour ma mère, les oiseaux-mouches s’appelaient des choux-fleurs. Elle les avait baptisés ainsi après les avoir longtemps appelés des brocolis. »

 

Nirliit
Juliana Léveillé-Trudel (La Peuplade)

Même thématique que pour Panik (ce Nord froid où la violence tue ne se fait que plus insidieuse), même bonheur de lecture (la découverte d’un peuple présenté sans le voile de la tradition, mais dans toute sa contemporanéité et sa complexité), même talent littéraire (une écriture hautement respectueuse qui décrit des émotions fortes). C’est une histoire du froid, de la perte, des liens qu’on tisse. Un premier roman magnifique, très bien écrit et d’une grande beauté.

 

Quand le diable sortit de la salle de bain
Sophie Divry (Noir sur Blanc)

Quand le diable sortit de la salle de bain est tout simplement jouissif, digressif et hilarant. Il s’agit des mésaventures d’une chômeuse-écrivaine qui s’appelle Sophie, comme l’auteure – qui tire le diable par la queue, le tout à des lieues du ton complaisant ou larmoyant. Divry possède un talent surprenant pour faire éclater les normes du roman contemporain en usant de calligrammes, de mises en abyme, de néologismes, de bonus en fin de roman, etc., sans que la lecture ne s’en trouve affectée. C’est rafraîchissant, maîtrisé et éclaté!
Voir l’entrevue: ici. 

 

Le caillou
Sigolène Vinson (Le Tripode)

Ce roman, habilement narré et qui possède un ton exquis, raconte l’histoire d’une femme qui souhaite devenir un caillou. D’abord antipathique, l’héroïne, qui est à la recherche d’elle-même depuis qu’un homme a brisé son cœur, se révélera graduellement à nous, dans ses blessures puis dans sa force, dans une puissance qu’on s’étonne de découvrir en elle. On l’accompagne chez son vieux voisin qui sent la vase, puis jusqu’en Corse, où les rochers se poseront en miroir devant elle. C’est le genre de roman qui nous rappelle à quel point la fiction peut avoir une emprise sur nous, à quel point la fiction peut se jouer de nous!   

 

Les choix de Dominique Lemieux

L’amie prodigieuse
Elena Ferrante (Gallimard)

Jamais – jamais! – je n’aurais levé l’œil sur ce livre si ce n’avait été d’un précieux conseil de libraire (merci Donald!). C’était le début des vacances. L’air était chaud. L’odeur du gazon fraîchement coupé. Le bruit des enfants qui jouent près du jardin. Je me suis plongé dans l’univers singulier proposé par la discrète Elena Ferrante. Ce plongeon au cœur d’un quartier d’une ville italienne m’a captivé. Les personnages sont nombreux, les détours inattendus, la langue savamment travaillée – bravo à la traductrice. Six mois plus tard, je ne sais toujours pas trop en quoi j’ai aimé cela, mais le sentiment demeure aussi puissant.

 

La femme qui fuit
Anaïs Barbeau-Lavalette (Marchand de feuilles)

Un style magnifique, un sujet prenant, une sensibilité certaine. Cette lecture fait partie des grands coups de la rentrée littéraire. L’auteure trace le portrait de sa grand-mère, une figure qu’elle a à peine connue. Suzanne Meloche a côtoyé les signataires du Refus global, a été l’épouse du peintre Marcel Barbeau et a vécu une vie étonnante.

 

Americanah
Chimamanda Ngozi Adichie (Gallimard)

Je n’ai pas tout aimé de ce livre – les amours d’Ifemelu m’ont parfois lassé –, mais il y a de ces moments de fulgurance dans cet ouvrage que je n’ai pas connu ailleurs cette année. Des envies de citer des passages entiers, un besoin de relire un chapitre complet, des questionnements personnels… La narratrice se dévoile et permet un regard juste et neutre sur la réalité d’un type d’immigrant.

 

Ukraine à fragmentation
Frédérick Lavoie (La Peuplade)

Dernier livre lu avant de répondre à ce questionnaire. Un récit d’exception, qui aborde avec justesse la réalité de l’Ukraine. Le récit journalistique à son meilleur – saluons la qualité de l’écriture. Cela nous permet d’espérer que nos médias osent davantage ce type de mises en contexte, de regards réfléchis et approfondis sur des enjeux insaisissables par des brèves placées en page A23. J’attends la prochaine étape.

 

L’oiseau du Bon Dieu
James McBride (Gallmeister)

Une aventure historique rocambolesque et efficacement menée. Dans l’Amérique du XIXe siècle, juste avant la guerre de Sécession, un abolitionniste libère un jeune esclave noir et l’amène dans des aventures souvent désopilantes, toujours enlevantes. James McBride s’avère un conteur de grand talent. C’est corrosif, c’est mordant, c’est le western à son meilleur!

 

Les choix d’Alexandra Mignault

Madame Victoria
Catherine Leroux (Alto)

En 2001, le corps d’une femme est retrouvé près de l’hôpital Royal Victoria à Montréal. À ce jour, on n’a toujours pas réussi à identifier celle que l’on nomme « Madame Victoria ». Voilà le fait divers dont s’inspire Catherine Leroux pour échafauder son histoire. Comme tout est possible dans la fiction, elle invente des vies potentielles de cette inconnue, tristement anonyme et seule. Après l’ambitieux roman La marche en forêt et le somptueux roman Le mur mitoyen, Madame Victoria charme tout autant grâce à une écriture éclatante, envoûtante et tendre. Une œuvre sublime et poétique, comme toutes les œuvres de Catherine Leroux.

 

Ce qu’il reste de moi
Monique Proulx (Boréal)

Après une incursion à la campagne dans Champagne, Monique Proulx renoue avec la vie montréalaise grâce à Ce qu’il reste de moi, un roman foisonnant et magistral auquel elle insuffle magie, grandeur et humanisme. Une œuvre éblouissante qui s’inscrit à contre-courant de la morosité ambiante et du désenchantement. Dans cette fresque impressionnante, ficelée admirablement, l’écrivaine explore notre envie de grandeur et de transcendance avec une acuité incomparable, à travers une multitude de personnages qui sont liés par une quête d’absolu. Après la lecture, ce qu’il reste, c’est la sensation d’être follement vivant, une grande leçon de tolérance et d’humanisme, et, surtout, la certitude d’avoir été happé par un immense roman.
Voir l’entrevue: ici.

 

Les maisons
Fanny Britt (Le Cheval d’août)

On connaît déjà Fanny Britt comme dramaturge, auteure jeunesse et essayiste, et voilà que l’on découvre son premier roman, une œuvre bien ciselée, où transparaissent son amour des dialogues et son sens du rythme. Même si tout va bien dans sa vie (carrière d’agente d’immeuble, un mari et trois enfants), Tessa a l’impression que quelque chose lui échappe, que la vie n’a peut-être pas rempli toutes ses promesses. Alors qu’un amour du passé refait surface et lui fixe un rendez-vous, Tessa pense être infidèle. En attendant ce moment, elle explore son passé, ses désirs, ses doutes, son quotidien. On se reconnaît dans ce personnage complexe et touchant. Ce roman se lit presque d’un souffle, tellement il nous habite.

 

Nirliit
Juliana Léveillé-Trudel (La Peuplade)

« Le Nord est dur pour le cœur. Le Nord est un enfant balloté d’une famille d’accueil à une autre, le Nord ne veut pas être rejeté de nouveau, le Nord te fait la vie impossible jusqu’à ce que ton cœur n’en puisse plus et que tu le quittes avant d’exploser, et il pourra te dire voilà : je le savais, tu m’abandonnes. » Il faut savourer lentement ce premier roman d’une justesse remarquable, empreint de finesse et de sensibilité, qui va droit au cœur. Dans ce récit puissant et beau, une jeune femme déclare son amour au Nord. Le Nord avec toutes ses splendeurs, toute sa richesse et toute sa dureté.

 

Au péril de la mer
Dominique Fortier (Alto)

Après Du bon usage des étoiles, Larmes de saint Laurent et La porte du ciel, Dominique Fortier émerveille encore et fignole à nouveau un univers où il fait bon errer. Subjuguée par le Mont-Saint-Michel et son histoire, l’auteure navigue entre ses eaux ainsi que celles de l’écriture. Amalgame d’un roman et d’un carnet de création, cette œuvre s’avère un vibrant hommage aux livres. Un ravissement.

 

Les choix d’Isabelle Beaulieu

Madame Victoria
Catherine Leroux (Alto)

Les ossements d’une femme sont retrouvés dans le stationnement de l’Hôpital Royal Victoria à Montréal en 2001. Elle porte sur elle un habit de l’hôpital; pourtant, personne n’est recherché, ni patient, ni employé. À ce jour, son identité demeure totalement inconnue. À partir du reportage qu’a réalisé l’émission Enquête sur le sujet, Catherine Leroux imagine les possibles vies de cette femme à la recherche de son histoire. Outre la richesse de la matière qui le constitue, le roman doit son envergure à l’immense talent de Catherine Leroux, une auteure que je suis résolument prête à suivre n’importe où.

 

Les maisons
Fanny Britt (Le cheval d’août)

L’expérience de l’écriture dramaturgique de Fanny Britt transparaît dans Les maisons, le premier roman de l’auteure qui trouve sa force indéniable dans les dialogues menés avec brio. Mais pas que, puisque la puissance de ce roman se niche aussi dans le discours intérieur de la narratrice, une agente d’immeubles à la trentaine presque révolue qui sera confrontée au retour d’une ancienne flamme jamais tout à fait éteinte. Avec un ton personnel qui n’accuse jamais un mot de trop, l’auteure revisite les moments charnières d’une vie, de celle qui se trame entre les quatre murs des maisons bien ordonnées.

 

Soleil
David Bouchet (La Peuplade)

Soleil est une histoire d’exil raconté par un garçon de 12 ans. Alors qu’il vient d’immigrer au Canada avec sa famille, Souleye, dit Soleil, connaîtra les difficultés propres à tout déracinement, c’est-à-dire la perte de ses repères jusqu’au basculement total de l’univers alors que son père se met à creuser sa folie dans le sous-sol de leur logement. Comment aller de l’avant et intégrer un nouveau monde tout en n’abandonnant pas l’autre pays qui nous a fait et qui nous a construit jusqu’à maintenant? Souleye nous montre par sa résilience que chaque chemin peut être bordé de poésie.
Voir l’entrevue: ici.

 

À l’état sauvage
Robert Lalonde (Boréal)

Le souffle et l’allant de Robert Lalonde ne se démentent pas. Avec la fièvre qu’on lui connaît, l’écrivain nous fait voir, à travers les sept récits qui composent ce roman, la beauté vibratoire des êtres que l’on rencontre et qui forgent pour une grande part ce que nous sommes. Appareillé d’antennes ultrasensibles, Robert Lalonde, ce fieffé conteur à la dégaine verbale unique, est avant tout un grand observateur de ce monde dont il nous donne à voir tous les détours et les réenchantements.

 

Le parfum de Janis
Corinne Larochelle (Le cheval d’août)

Ce beau roman des origines rapatrie les fragments de jeunesse d’une femme à mi-parcours qui repasse ses souvenirs pour en extraire une sorte de bilan qui arrive à éviter tout sentimentalisme exacerbé. La narratrice s’envole pour Lisbonne, loin de ses ornières, où elle s’emploiera à défaire les couches encombrantes que le temps a déposées sur elle. Elle tentera de démêler le vrai du faux, de départager ce qui lui appartient de ce qui lui a été attribué à tort. Ce pas de côté lui permettra de reprendre, augmentée d’une certaine sérénité, son itinéraire et de tracer ses propres empreintes.

 

Les choix de Marie-Claire Picard

L’arbragan
Jacques Goldstyn (La Pastèque)

J’adore tout ce qui paraît chez La Pastèque, et L’arbragan n’y fait pas exception! Il s’agit là d’un livre jeunesse magnifique dans lequel on explique les aléas de la vie : l’amitié et l’amour qui vont au-delà des différences et de la solitude. Les illustrations sont délicates et cadrent parfaitement avec la sensibilité de l’histoire. Ce qui est doux, avec L’arbragan, c’est que même les adultes pourront y trouver un peu de bonheur et de sourires. Un livre magique à offrir en cadeau! (Moi, c’est ce que j’ai fait.)
Voir l’entrevue: ici.

 

La princesse et le poney
Kate Beaton (Scholastic)

Une jeune princesse qui veut devenir une grande guerrière et un petit poney rondelet qui louche : deux héros qui sortent de l’ordinaire, dans ce monde de valeureux guerriers vikings musclés. Contre toutes attentes, le duo imprévisible réussira à se faire une place et même à enseigner quelques rudiments de gentillesse aux plus redoutables. Sur un ton léger et humoristique, Kate Beaton met en scène une histoire qui déroge des stéréotypes et qui saura plaire à toute la famille (surtout aux princesses-guerrières qui se cachent derrière chacune de nos filles).

 

Chroniques d’une fille indigne (t. 2)
Caroline Allard et Francis Desharnais (Septentrion)

J’étais tombée amoureuse du premier tome et c’est avec bonheur que j’ai retrouvé l’univers de Caroline Allard, illustré par Francis Desharnais. Du bonbon qui se lit trop rapidement, que l’on prend plaisir à traîner avec soi et à partager. Impossible de ne pas tomber sous le charme de la petite Lalie, toujours aussi surprenante avec ses collections de mouches mortes et tous les autres produits de son imagination. Une pause pour retomber en enfance et rire sans retenue.

 

Paul à Québec
Michel Rabagliati (La Pastèque)

Paul à Québec est devenu un incontournable. J’ai profité de la réédition du livre et de la sortie du film en salles pour en reparler sans cesse. Du Rabagliati à son meilleur : la subtilité et la simplicité des traits accompagnent parfaitement la trame de l’histoire, dans laquelle tout le monde se retrouve. À découvrir, ou à relire pour la centième fois! Sortez vos mouchoirs.

 

Les hommes sont des chevreuils qui ne s’appartiennent pas
Mireille Gagné (L’hexagone)

Un recueil de poésie qui met en scène femme, homme, proie et prédateur à la fois. Les hommes sont des chevreuils qui ne s’appartiennent pas se lit le souffle retenu, fait réfléchir sur notre présence et fait comprendre la vie d’une nouvelle façon. J’ai eu la chance de travailler avec Mireille Gagné il y a au près de deux ans. Elle m’émerveille par son dynamisme, et son recueil de poésie m’a permis de la redécouvrir. Sa force se retrouve dans chacun des mots qu’elle utilise et choisit avec précision. Un livre à garder près de soi et à feuilleter à tout moment.

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