Plusieurs écrivains ont tenu un journal personnel en parallèle de l’écriture de leur œuvre. L’introspection que nécessite l’écriture d’un journal permet une plongée dans les réflexions profondes du diariste qui mettent souvent en lumière les points forts de ses ouvrages de fiction.

Spécimen de grand intérêt, chacun des dix journaux ci-dessous constitue non seulement un excellent complément à l’œuvre fictionnelle de l’écrivain, mais tient lieu en soi d’œuvre à part entière.

Roland Barthes
Journal de deuil

Du 26 octobre 1977, lendemain de la mort de sa mère, au 15 septembre 1979, Roland Barthes a tenu un journal de deuil, 330 fiches pour la plupart datées. […] Ce livre est une pièce décisive dans la compréhension de Roland Barthes, qui aura vécu toute sa vie auprès de sa mère et ne lui aura survécu que trois ans, les années de l’impossible deuil.  

Witold Gombrowicz
Journal (t. 1) 1953-1958

Le 6 août 1952, Gombrowicz écrivit au directeur de Kultura : « Je dois devenir mon propre commentateur, mieux encore mon propre metteur en scène. Je dois forger un Gombrowicz penseur, un Gombrowicz génie, un Gombrowicz démonologue de la culture et encore beaucoup d’autres Gombrowicz indispensables. » Le Journal est la réalisation de cette folle ambition. 

Hervé Guibert
Le mausolée des amants

On repère, dans la trame de ce livre, plusieurs livres en un, et aussi plusieurs refus de livres : un livre qui s’appellerait Roman posthume, un autre qui s’appellerait Mes parents, encore un autre qui s’appellerait Autobus et métro, une suite des Aventures singulières, un Journal de travail, mais c’est le Récit d’amour qui l’emporte : bâti comme un mausolée pour le corps des amants. 

Etty Hillesum
Une vie bouleversée

De 1941 à 1943, à Amsterdam, une jeune femme juive de vingt-sept ans tient un journal. Le résultat : un document extraordinaire, tant par la qualité littéraire que par la foi qui émane. Une foi indéfectible en l’homme alors qu’il accomplit ses plus noirs méfaits. Car si ces années de guerre voient l’extermination des Juifs en Europe, elles sont pour Etty des années de développement personnel et de libération spirituelle.

Franz Kafka
Journal

Voici le témoignage le plus poignant de toute l’histoire de la littérature. Que devient un homme quand le verbe pénètre en lui, décide de sa vie, et lui fait espérer un mystérieux salut? « Nous avons été chassés du paradis mais le paradis n’a pas été détruit pour cela. » Ce paradis qu’on doit retrouver sera d’autant plus beau qu’on revient de loin. Kafka relate tout ce qui l’envahit et l’abat : peur de la maladie et de la solitude, désir et crainte du mariage, lutte contre le milieu familial et religieux. Étouffé par ses scrupules, il ne perd jamais de vue sa vie spirituelle dont il attend force et lumière. Ce Journal, c’est tout l’ennui de la vie et le salut qui l’éclaire.

Anaïs Nin
Journal de l’amour

La période couverte ici est celle des années 1932-1939, la plus riche et la plus intense de son existence. On y trouvera, en grand nombre, les portraits pris sur le vif des artistes et des écrivains célèbres qu’elle croisa, notamment dans ses années parisiennes, de James Joyce à Marcel Duchamp, de Brassaï à Antonin Artaud, d’André Breton à Jean Cocteau, mais on y découvrira également un modèle inégalé d’« autofiction » mêlant avec un art souverain aveux et fantasmes. 

Sylvia Plath
Journaux 1950-1962

Les journaux, commencés à 18 ans et tenus jusqu’à la veille de sa mort, plongent le lecteur au cœur de la vie intérieure d’une femme qui lutta quotidiennement contre elle-même et n’eut de cesse qu’elle ait transformé en mots la réalité. Exigence tranchante et désir d’absolu ressortent à chaque instant.

Susan Sontag
Journal (t. 2) La conscience attelée à la chair – 1964-1980

Dans ce journal, on découvre une Susan Sontag âgée de 32 ans, prenant conscience qu’elle n’était pas immortelle, que sa vie prendrait fin, de la même façon que la conscience est attelée à la chair. Mais là encore, ce n’est peut-être pas si vrai : le langage, qui peut saisir et incarner la conscience, survit, et a sa propre chair.

Marie Uguay
Journal

Marie Uguay occupe une place à part dans la poésie québécoise. Sa poésie sensuelle, qui chante la beauté du monde, lui a gagné des lecteurs nombreux et fervents. Le destin tragique de Marie Uguay lui confère aussi la marque des êtres d’exception. Comme Nelligan, comme Saint-Denys Garneau, elle est fauchée en pleine jeunesse. C’est le cancer qui l’emporte à 26 ans, en 1981. Il aura fallu attendre plus de vingt ans avant de lire ce journal, publié pour la première fois en 2005 (Boréal). Il fait figure de document unique où prose et poésie se répondent, et qui nous entraîne aux sources mêmes de la création.

Virginia Woolf
Journal intégral 1915-1941

Durant plusieurs décennies, elle note jour après jour ses sentiments, ses illuminations. Avec sa finesse et son humour, un art unique du portrait, elle nous fait découvrir les évolutions sociales et les errements de son époque. Elle y évoque son enfance tout comme la situation politique internationale, des débuts de la Première Guerre mondiale à l’intensification des bombardements nazis sur Londres. Dans son Journal, Virginia commente ses lectures, élabore des théories critiques tout autant qu’elle confie ses projets littéraires, ses doutes, ses réflexions sur son travail d’écriture. 


Les résumés sont ceux des éditeurs.

Publicité