Se plonger dans la biographie de différents éditeurs, québécois comme étrangers, permet de plonger dans l’intimité d’une maison d’édition, d’en découvrir les particularités, les défis, les bons coups. Jeter un œil à l’intérieur de ces lieux auréolés d’un certain romantisme mythique met en perspective le présent, permet surtout de jeter un regard lucide sur l’avenir du milieu du livre à la lumière du chemin parcouru. Pour les amateurs, gens du milieu ou lecteurs tout simplement insatiables, voici une petite sélection d’ouvrages qui ont tous en commun de mettre de l’avant des gens hautement passionnés par le livre.

Gaston Gallimard : Un demi-siècle d’édition française
Gaston Gallimard (Folio)

« Pourquoi Gallimard? Parce qu’il fut unique et exceptionnel. Certes, de grands éditeurs, il y en eut d’autres et non des moindres. Mais de tous ceux qui s’étaient lancés dans cette aventure au cours de la première décennie du siècle, il fut certainement le seul, au soir de sa vie, à pouvoir éventuellement se permettre de feuilleter l’épais catalogue de sa maison d’édition en se disant : la littérature française, c’est moi. »

Éditeur
Robert Laffont (Éditions Robert Laffont)

« J’avais tout fait trop tôt. Je m’étais laissé glisser sans jamais rien choisir véritablement… J’ai décidé de choisir au moins une chose : mon métier. C’est ce jour-là que je suis vraiment né. »

À l’occasion des 70 ans des Éditions Robert Laffont, voici la réédition du livre de référence de son fondateur. Éditeur, livre à la fois personnel et professionnel, aussi sincère que passionnant, fut le premier d’une collection qui se proposait de donner à des hommes et des femmes, quels qu’ils soient, l’occasion de décrire leur univers, de réfléchir à haute voix sur leur place dans la société. Il a fait date, et demeure d’une incroyable actualité. Robert Laffont y évoque un métier demeuré mystérieux pour le public (et parfois pour les auteurs eux-mêmes!); il y dit ses ambitions, ses conceptions, ses relations avec tous les acteurs de la chaîne du livre, dans un récit truffé d’anecdotes; il y relate aussi ses rencontres les plus frappantes (de Graham Greene à Henri de Montherlant, de Charles de Gaulle à Gaston Gallimard), et les grandes joies que ce métier lui a apportées.

Vous écrivez?
Jean-Philippe Arrou-Vignod (Gallimard) 

Ce petit livre n’est pas un cours. Moins encore une boîte remplie de clefs. Son ambition : tenter de décrire ce qu’est le travail du romancier. Que fait-il lorsqu’il est à sa table? Comment invente-t-il une histoire, des personnages? Comment parvient-il à les faire voir, agir et parler au point de nous donner l’illusion, à nous lecteurs, qu’ils ont une existence? Cette entreprise à laquelle vous vous promettez, que vous avez peut-être entamée déjà – écrire un livre –, en quoi consiste-t-elle? Jean-Philippe Arrou-Vignod ne donne pas ici de recettes pour écrire un bon roman, mais partage un savoir-faire et le goût de son métier. En s’appuyant sur des exemples concrets qui parleront à tous, il examine les grands mécanismes à l’œuvre dans l’art romanesque. Pour celui qui se lance, c’est un chemin vers le plaisir d’écrire et l’espoir de réussir. Pour les autres, qui n’écrivent pas mais qui aiment les histoires, c’en est une passionnante : celle de l’écrivain qui les invente.

Endetté comme une mule
Éric Losfeld (Tristram)

Lire Éric Losfeld, c’est retrouver un Paradis perdu. Quand faire des livres s’apparentait à une guérilla, doublée d’une partie de rigolade. Lire Endetté comme une mule, c’est embarquer avec Losfeld sur un « grand huit ». S’amuser avec Marcel Duchamp et Raymond Queneau. S’évanouir devant la porte d’André Breton. Boire à l’œil dans les cocktails de Gallimard et faillir en venir aux mains avec Hemingway. Déjouer la censure, être rattrapé par la censure. Donner ses lettres de noblesse à la littérature érotique et inventer le roman graphique. Publier Emmanuelle et Barbarella. Miser, gagner, perdre, se refaire. Écrire sous pseudo cinquante romans de gare (il faut bien vivre), mais être l’éditeur de trois cents livres (parmi lesquels beaucoup de chefs-d’œuvre). Qui dit mieux? Publier en 2017, Endetté comme une mule, ou la passion d’éditer, c’est rappeler à une génération de lecteurs — mais aussi de jeunes libraires, journalistes ou écrivains — comment l’esthétique rebelle et culottée d’Éric Losfeld et de ses amis, fondatrice pour notre époque, a finalement triomphé. À égale distance des éditions de Minuit et de San Antonio : un classique. Son autobiographie, parfois vacharde, émaillée d’anecdotes, reparaît dans sa version initiale, non expurgée.

Lorsque notre littérature était jeune : Entretiens avec Pierre Tisseyre
Piette Tisseyre et Jean-Pierre Guay (Éditions Pierre Tisseyre)

À l’occasion des 70 ans de la maison d’édition, la réédition des entretiens avec Pierre Tisseyre tombe à point. Lorsque notre littérature était jeune… est l’histoire des débuts et de l’essor de la littérature québécoise moderne, racontée avec verve et passion par un de ses bâtisseurs les plus importants. Rempli d’anecdotes truculentes qui reflètent le dynamisme et l’extraordinaire degré d’engagement dont témoignait Pierre Tisseyre envers ses auteurs, ses collègues et tout le milieu du livre en général, on comprend mieux pourquoi d’aucuns, encore aujourd’hui, parlent de lui comme du « père de l’édition québécoise ». Mais ce livre est aussi l’histoire d’un homme d’exception et du contexte historique dans lequel il vécut : d’abord en France dans la période de l’entre-deux-guerres, puis brièvement aux États-Unis à l’aube d’une nouvelle vie, avant la décision qui le ramena en France pour défendre sa patrie, et enfin au Québec où il émigra, sitôt libéré après 5 ans de captivité en Allemagne.

 

Laisser-moi vous raconter : 53 ans dans le monde du livre
Marcel Broquet (Éditions Marcel Broquet)

Enfant de la guerre, l’éditeur Marcel Broquet, originaire de Suisse Romande, a su après des études intensives et dans des conditions difficiles, se tailler une place de choix dans la jungle du livre au Québec et ce depuis 53 ans. Plus jeune libraire au Québec en 1959, fondateur avec Henri Tranquille et Paul-André Ménard de la première association des libraires indépendants du Québec, en guerre ouverte avec les cartels du livre de l’époque. Dans la première partie, l’auteur retrace les péripéties de son enfance. Il nous entraîne dans les affres de la France en guerre, raconte son retour en Helvétie et son départ en terre d’Amérique. À cette époque, il voulait suivre les traces d’Alain Gerbault, de Pierre Loti, de Gauguin, Blaise Cendrars et autres rêveurs ou grands voyageurs et son long et interminable cheminement dans les domaines du livre au Québec. Il se permet des échappées dans l’histoire, résultat de ses nombreuses lectures et observations. Parfois intimiste, il évoque dans la seconde partie, une vie pleine de rebondissements, d’échecs, de surprises et parfois de succès. Ce livre n’est pas un catalogue, encore moins l’apologie d’une carrière qui n’en finit plus. Il se permet par contre de jeter un oeil critique sur les rouages de la diffusion du livre et de la lecture et sur les conséquences des profonds changements que le milieu traverse actuellement. Marcel Broquet nous raconte pourquoi il continue d’oeuvrer dans le domaine de l’édition en tant que rêveur, fou du livre et se targue de faire passer son amour du livre avant les affaires.

 

L’aventure : Récit d’un éditeur
Jacques Fortin (Québec Amérique)

Des commencements avec son complice privilégié, Gilbert La Rocque, jusqu’à la grande aventure internationale des dictionnaires Visuel, du Multidictionnaire et du multimédia, en passant par les grandes réussites éditoriales qu’ont été Le Matou d’Yves Beauchemin, les mémoires de René Lévesque, celles de Lise Payette ou Les Filles de Caleb d’Arlette Cousture, c’est tout un panorama de l’aventure éditoriale du Québec qui nous est tracé.

Historique, cela va de soi, cette fresque n’en constitue pas moins une profonde réflexion sur l’ensemble de l’industrie culturelle québécoise. Jacques Fortin y prend des positions qui ne plairont pas à tous et son évaluation de l’actuelle situation du livre au Québec saura déranger et forcer à la réflexion. Bref, voici l’histoire d’un homme qui se souvient, et qui n’en pense pas moins à l’avenir.

 

L’attrape-livres
François Rivière et Frédéric Rébéna (Éditions Robert Laffont)

Une maison d’édition a une vie propre, comme un être : elle a un visage; elle connaît des maladies, des crises de croissance, des déceptions, des joies. Cette vie devient un roman… (graphique) à l’occasion des 70 ans de la maison et en hommage à son fondateur.

L’aventure commence à Marseille, en 1941, ou un jeune homme de 24 ans quitte la voie toute tracée de son existence (HEC, une « bonne situation » dans l’industrie maritime) pour se lancer sur « le chemin qui mène le plus sûrement à la ruine » (dixit son ami Guy Schoeller, avec lequel, trente-huit ans plus tard, il créera la prestigieuse collection « Bouquins ») : l’édition. Comme les « grands » (Gallimard, Grasset…), Robert Laffont donne son nom à la maison qu’il fonde, choisit pour sigle un dauphin chevauché par le poète Arion afin de porter ses (futurs) auteurs aux rives de la renommée, et acquiert une lourde presse en ces temps de guerre ou la pénurie de papier rend les lecteurs avides de tous les livres qu’ils peuvent se procurer. Le premier qui en sort est un classique, l’Oedipe Roi de Sophocle. Soixante-dix ans plus tard, bon pied bon oeil, Arion et son dauphin ont résisté aux tempêtes, accompagné 5280 auteurs, fait découvrir au public plus de 8700 titres ouverts sur tous les horizons, et dans tous les genres.

Porté par la plume de Rivière et le dessin de Rébéna, particulièrement inspirés, le lecteur embarque dans un voyage passionnant au cœur de plus d’un demi-siècle d’histoire de l’édition et de la littérature.

 

Les résumés sont ceux des éditeurs

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