Pour une cinquième année, le réseau Les libraires est fier de supporter l’initiative « Le 12 août, j’achète un livre québécois ». 

Dès le 1er août, visitez chaque jour cette page pour découvrir des suggestions de lectures concoctées par les indépendants. Une sélection vous sera dévoilée chaque jour!

Vous pouvez également consulter le carnet thématique sur les incontournables de la littérature québécoise

Quel que soit votre choix, nous vous invitons à visiter votre libraire indépendant ou à vous rendre sur le site leslibraires.ca!

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#12aoûtchezlesindépendants

 

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Une sélection de Thomas Dupont-Buist, Librairie Gallimard (Montréal)

 

Soifs
Marie-Claire Blais (Boréal)
Syntoniser le premier volume du cycle « Soifs », c’est comme prendre le pouls du monde. L’oreille s’ajuste pour se prêter à cette symphonie romanesque dont le matériau principal est le flux de pensée. Non pas celui qui s’arrête aux parois osseuses d’un crâne, mais celui qui voyage sans cesse entre les pensées, aventurier ignorant les frontières que l’identité s’érige en pensant se préserver. Le mélomane fait panse comble, discernant sans peine les motifs récurrents cachés dans le texte-tapis, s’accrochant aux leitmotivs lorsqu’il pense s’être perdu au détour d’un mouvement et distinguant les notes-personnages qui composent l’idée-accord. C’est beaucoup vous parler de musique pour décrire un livre, mais chez Blais, l’un ne peut se distinguer de l’autre. Et s’il faut certes une bonne dose d’efforts pour entrer dans cette œuvre grandiose, sachez que ceux-ci vous seront retournés au centuple et que les meilleures choses sont aussi parfois les plus difficiles. Peu d’œuvres ont cette ampleur, cette ambition démesurée, frappent avec autant de puissance que celle de Blais, grande parmi les grandes, communicative dans son féminisme, dans son humanisme, dans sa soif de justice et de sens.

 

Avant l’après
Frédérick Lavoie (La Peuplade)
Enquêtant sur le mystère de la publication par une maison étatique cubaine du célèbre roman antitotalitaire 1984, Lavoie en profite pour nous éclairer sur la période transitoire traversée par Cuba, sur son passé de même que sur son avenir. Toujours brillant, sans concessions, il nous régale de ses portraits tout en nous éclairant sur une foule de sujets. 

 

Hôtel Lonely Hearts
Heather O’Neill (Alto)
Dans un style fantasque, O’Neill réenchante le monde même au sein de ce conte cruel, roman d’apprentissage à la dure. En une kyrielle d’images étonnantes, elle nous raconte le destin de deux orphelins géniaux éprouvés par la vie de Montréal à New York. 

 

Dans l’œil du soleil
Denis Ellis Béchard (Alto)
Est-il possible de faire un roman sur la guerre sans la glorifier? Un roman sur la paix est-il nécessairement ennuyeux? Ce sont deux questions qui obsèdent Deni Ellis Béchard et qui ont servi de base à son nouveau livre : Dans l’œil du soleil. À première vue, cette nouvelle œuvre de fiction semble être une critique du milieu de la coopération internationale en Afghanistan. Il serait toutefois réducteur de prétendre ainsi résumer un roman d’une telle ampleur. Derrière les trois archétypes qui servent de personnages principaux à ce récit se cache une réinterprétation des mythes américains, ceux qui n’ont eu de cesse de s’incarner sous une foule de formes différentes depuis l’époque des westerns et d’Hollywood. Habitués que nous sommes à ces schémas narratifs, à ces types de protagonistes, il est d’abord aisé de ne pas les remettre en compte, se laissant prendre au jeu, piégés par la virtuosité de l’auteur qui prépare méticuleusement son renversement de perspective. Dès lors, le lecteur se voit obligé de questionner ce qu’il accepte habituellement d’office comme étant vrai. Voici le tour de force théorique de ce roman, auquel il faut ajouter, pour compléter la liste de ses accomplissements, le lyrisme enveloppant de son style, l’acuité du regard sur des situations géopolitiques complexes et le rythme haletant qu’impose sa structure. De livre en livre, Ellis Béchard ne fait décidément que prendre du galon.

 

Au péril de la mer
Dominique Fortier (Alto)
À mi-chemin entre le roman d’inspiration historique et le carnet de création, Au péril de la mer est un petit livre au sein duquel il fait bon se blottir. Comme les moines qui de tout temps ont peuplé le Mont-Saint-Michel, on se réfugie au creux des remparts érigés par d’autres contre les embruns du monde extérieur, bercés par quelque ambiance magnifique, enchantés par la beauté d’une phrase. On déguste l’ensemble presque comme une poésie, sans se presser, succombant à l’érudition curieuse, s’incarnant un moment dans un personnage ou un autre, en sortant pour partager les réflexions de l’auteure. On pénètre peu à peu dans l’espace que celle-ci s’est aménagé, dans les rares moments qui l’éloignaient de sa jeune fille pour la rapprocher de son lecteur à venir. Si ce livre raconte en partie un deuil amoureux, il raconte surtout sa rémission, l’apaisement que l’art et les mots savent parfois procurer. Un livre qui se dresse sur son promontoire rocheux pour en surplomber la mer livresque qui l’entoure. 

 

Monsieur Ho
Max Férandon (Alto)
Monsieur Ho est un roman si maîtrisé qu’on se demande rapidement comment son auteur a pu devenir virtuose sans d’abord trébucher. On est d’abord frappé par la beauté de la prose et les puissantes images qu’elle évoque. Puis, l’éblouissement premier fait place à une courte narration à la construction sans faille, sorte de conte philosophique sur l’individualité, la plénitude et le rapport au pouvoir. Dans une Chine moderne, gangrenée par la corruption et les aberrations administratives, le fonctionnaire Ho est désigné afin de mener un grand recensement. Prenant sa mission un peu trop au sérieux au goût des gros légumes qui l’ont mandaté, celui-ci se retrouve dans une fâcheuse position. Voici un grand petit livre d’un néo-québécois à suivre à la page.

 

Étincelle
Michelle Plomer (Marchand de feuilles)
Roman d’une rencontre amicale aux féconds échanges culturels et porté par la plume sensible de Plomer, ce livre nous met en contact avec la Chine d’aujourd’hui, aussi inquiétante qu’inspirante.

 

Corps conducteurs
Sean Michaels (Alto)
Captivant du début à la fin, cette trame d’inspiration historique aux accents fantaisistes nous fait marcher dans les pas de Léon Termen, l’autrefois célèbre inventeur du thérémine, instrument étrange et ayant soulevé les foules américaines au cours des années folles. Mais la duplicité du personnage (ou celle que l’oblige à adopter la Mère Russie, toujours plus paranoïaque dans son incessante révolution) ne tarde pas à apparaître lorsque ses aptitudes d’ingénieur sont forcées de faire place à celles d’espion. Sean Michaels a un talent fou pour nous faire entrer dans ses ambiances, nous lier à ses personnages et nous obliger à passer du point à la majuscule sans jamais nous arrêter. Notons aussi ces effroyables, mais très justes pages sur la Kolyma. Enfin, tout cela pour dire que ce premier roman est un triomphe et que vous entendrez certainement de plus en plus parler de son auteur. 

 

À la recherche de New Babylon
Dominique Scali (La Peuplade)
Il arrive que les westerns les plus éblouissants naissent à l’Est. C’est le cas de cet excellent premier roman québécois que son auteure a décidé de camper à des lieux de son quotidien. Dès les toutes premières pages, un souffle épique emporte le lecteur vers une épopée immense l’entraînant sur les traces de cinq personnages cardinaux. Au gré des époques et des lieux, agencés avec fantaisie, les énigmes s’éclairent, les destins s’accomplissent. À la recherche d’êtres ayant su réellement vivre autrement que leurs semblables, le Révérend Aaron arbore sa Bible comme on porte le bouclier. Pugiliste de légende et pyromane notoire, Charles Teasdale cherche désespérément les mots qu’il lui incombera de prononcer au jour de sa mort. En compagnie de Pearl Guthrie, femme cent fois mariée et toujours vierge, Russian Bill chemine toujours plus à l’Ouest, en quête du bon endroit où fonder le paradis des hommes libres; une ville où aucune loi n’aurait jamais cours. Mais tous ne tarderont pas à découvrir que les moyens de réaliser ses rêves sont souvent plus rares que les occasions d’échouer, comme le prouve la longue déchéance de celui que l’on nomme le Matador. À la recherche de New Babylon est, à n’en pas douter, une fresque aventureuse à l’ambition démesurée, alliant l’élégance du style à un goût salutaire pour les grandes questions sans réponses. Quelle promesse littéraire!

 

Les cosmonautes de l’Absolu
Yannick Lacroix (Moult)
Dans l’esprit résolument déjanté d’auteurs emblématiques du catalogue des éditions de Ta Mère (Mathieu Handfield, Mathieu Poulin), Yannick Lacroix concocte ici une belle et brillante connerie romanesque autour de l’absolu et de son chantre, l’illustre et sibyllin Hegel. Composant dans un style mordant, il s’imagine la découverte d’un absolu physique situé aux confins de l’espace, véritable incarnation consommable du concept. Dès lors, la bêtise humaine se met en route pour dilapider ce qu’elle a de plus précieux des plus abjectes façons. Voici un conte philosophique insolent qui donne matière à méditer le sourire aux lèvres, une perle étrangement passée inaperçue à laquelle il faut de nouveau donner la chance de briller.

 

Igor Grabonstine et le Shining
Mathieu Handfield (Ta Mère)
On connaît tous le film de Stanley Kubrick, The Shining, adaptation fort réussie du roman éponyme de Stephen King. On connaît moins le sublime délire contrôlé qu’en a tiré Mathieu Handfield. Remplaçant Jack Nicholson par un personnage fictif du nom d’Igor Grabonstine, l’auteur fabule l’histoire de ce tournage dans un style agréablement ampoulé et entrecoupé de nombreux dialogues empruntant à l’oralité québécoise. L’humour est absurde au possible, assumant entièrement son mauvais genre. Mais là où l’on sent la réelle maîtrise, c’est dans l’élaboration de cette multitude de personnages loufoques. Grabonstine, comédien prodigieux, prétentieux et obsédé de la méthode Stanislavski devient rapidement jaloux de sa réplique, le jeune garçon Danny Lloyd, qui possède un don encore plus grand pour le jeu. Le roman prend alors la forme d’un duel d’interprétation qui attendra des cimes pour le moins étonnantes.  

 

Des explosions
Mathieu Poulin (Ta Mère)
Vous ne connaissez peut-être pas Michael Bay. Et pourtant, peu d’entre nous peuvent prétendre n’avoir jamais vu un seul de ses films. Qui, en effet, n’a pas vu Bad Boys, Armageddon, Rock ou encore Pearl Harbor, ces véritables classiques du cinéma pyrotechnique? Peut-être les avez-vous trouvé sans intérêt ou encore un peu minces intellectuellement. Or, comment savoir si ce ne serait pas plutôt nous, pauvre public laissé dans l’ombre, qui aurait failli à la tâche de comprendre ce que voulait nous dire ce grand homme? C’est là la prémisse passionnante et farfelue du projet de Mathieu Poulin : réhabiliter Michael Bay pour ce qu’il a toujours été; le plus grand génie que ce siècle ait connu. S’appropriant magnifiquement le personnage, Poulin compose l’épopée d’un incompris. Si bien qu’on se prend au jeu, qu’on en vient à percevoir un éloquent discours sur la décolonisation dans un film de policiers et de bandits. Surprenant son lecteur à chaque page, ce premier roman allie un style élégant à une capacité d’invention abracadabrante. L’avenir du rire en littérature s’en trouve assuré.

 
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