Prix de la page 112

23
Publicité

Plutôt original comme critère de sélection. Les livres soumis pour l’obtention du Prix de la page 112 sont d’abord examinés par leur centre, la page 112 appartenant au cœur de l’histoire, au milieu ou à peu près, là où parfois la longueur peut apparaître. Car la mission de ce prix est la suivante : Récompenser un ouvrage littéraire dont la tension stylistique ou romanesque sera remarquable de la première à la dernière page. Et pour la petite histoire, il fait référence à une réplique dans le film Hannah et ses sœurs de Woody Allen. Le personnage d’Elliot (Michael Caine) dit à sa belle-sœur dont il est amoureux, « N’oublie pas le poème, page 112 !« . Le fameux poème est de E. E. Cummings et parle d’amour. Il se fait alors porte-parole auprès de la tendre Lee qui se trouve charmée par cette tentative de séduction, qui d’ailleurs réussie. Selon Claire Debru, éditrice, critique littéraire et instigatrice du prix, la technique est efficace:

Située entre le premier tiers et la moitié d’un roman contemporain de format moyen, en plein dans son « ventre mou », la page 112 saura servir d’indice fiable : elle témoigne souvent d’une chute d’attention générale de la part de l’auteur sur sa lancée, de l’éditeur déjà convaincu et du correcteur soucieux de la suite. (…) Notre logique est simple. Si une bonne page 112 est rare, alors il est permis d’espérer que le roman dans lequel elle apparaît soit, lui aussi, remarquable… de bout en bout.

Ainsi, la page 112 est prétexte à sélection. Ensuite, l’œuvre entière est lue et examinée par le jury qui décrète alors un gagnant.

Bien sûr, il y a des iniquités. Les livres contenant moins de 112 pages ou dont la page 112 correspond à une page blanche sont automatiquement écartés. Mais comme l’exprime madame Debru, « Ah oui, la vie est injuste. Les prix littéraires le sont davantage encore. »

Cette année, le prix a été décerné à Thomas B. Reverdy pour Les évaporés, un roman qui se trouvait parmi les trois finalistes au Grand Prix du Roman de l’Académie. « Ici, lorsque quelqu’un disparaît, on dit simplement qu’il s’est évaporé, personne ne le recherche, ni la police parce qu’il n’y a pas de crime, ni la famille parce qu’elle est déshonorée. Partir sans donner d’explication, c’est précisément ce que Kaze a fait cette nuit-là. »

Un roman qui de toute évidence a réussi le pari de la page 112 et vaut la peine d’être traversé de part en part.

Photo de Thomas B. Reverdy : David Ignaszewski/Koboy/Flammarion

LeMonde

SiteClaireDebru

LeFigaro

[email protected]

 

Publicité