Médicis : Darrieussecq, Heijmans et Alexievitch

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C’est le jour du Médicis. Trois auteurs ont été proclamés. Dans la catégorie roman français, Marie Darrieussecq est l’élue avec Il faut beaucoup aimer les hommes, une histoire d’amour entre une femme blanche et un homme noir. Pas de quoi en faire un plat, dites-vous? Paraît-il que oui, encore aujourd’hui. « Les gens les regardaient […]. Rien : une infime perturbation de l’espace, une légère vacillation dans le regard des passants : un Noir et une Blanche, ensemble

Pourtant, les deux jeunes gens vivent bel et bien à l’époque moderne. Mais des questions se faufilent, qui si elles ne se veulent pas racistes, témoignent d’une vieille engeance avec laquelle les individus et les sociétés se débattent encore, c’est-à-dire les mythes, les préjugés, les idées préconçues, les termes à l’emporte-pièce : « Est-ce que les Noirs n’ont pas tendance à être en retard? Est-ce que les Africains n’ont pas un rapport un temps disons un peu particulier? »  Toutes pensées qui relèguent l’Autre dans une catégorie à part, sans comprendre que pour l’Autre, c’est nous qui faisons figure d’étrangers. Darrieussecq l’exprimait très bien à la sortie de son livre en septembre dernier en résumant : « C’est l’histoire d’une femme qui apprend qu’elle est blanche en aimant un Noir ».

Dans la catégorie roman étranger, le Médicis va à Toine Heijmans pour son premier roman En mer, faisant de lui le premier écrivain néerlandais à remporter le prix. Un homme et sa fille de sept ans naviguent sur la mer quand le père, se rendant dans la cale où dort sa fille, s’aperçoit qu’elle n’y est plus. Il revisite alors ses rêves de grand voyageur en symbiose avec les éléments et réfléchit : « Le problème de l’homme, c’est qu’il anthropomorphise tout. L’homme pense que l’eau a un plan. L’homme veut se montrer plus fort que l’eau, alors qu’il ne s’agit que d’eau : de l’eau sans pensées, sans arrière-pensées. » Une angoissante dérive menée par une écriture nuancée.

Le Médicis de l’essai est remporté par l’auteure russe Svetlana Alexievitch  pour La fin de l’homme rouge ou Le temps du désenchantement. Cette journaliste et écrivaine recense depuis trente ans les propos et témoignages des gens de l’ex-URSS afin de «consigner les traces de la civilisation soviétique » et préserver la mémoire d’un peuple confronté à de grands bouleversements.

Photo de Marie Darrieussecq : © Yann Diener

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