L'initiative Les libraires conseillent répond à la demande des lecteurs avides de suggestions. Chaque mois, un comité formé d’une quinzaine de libraires établit, après moult discussions passionnées et passionnantes, une sélection de cinq livres. Essais, BD, romans jeunesse ou pour adultes, d’ici comme d’ailleurs, ces cinq livres sont mis de l’avant dans les librairies membres de notre réseau. Cette initiative est une belle occasion de promouvoir des livres jugés particulièrement remarquables, ainsi que de valoriser le rôle primordial de votre libraire. Voici la sélection de février.


Chroniques de jeunesse
Guy Delisle (Pow Pow)

Du Delisle comme je l’aime! Une bonne part d’autobiographie, une bonne dose d’informations sur la papetière où il travaillait ainsi qu’un dessin efficace et un rythme fluide. Curieusement, étant donné que l’auteur plonge dans l’époque où il découvre ses influences BD, on a un écho de Rabagliati dans Paul au parc, mais à la sauce Delisle. Bref, j’en prendrais à la douzaine des bandes dessinées comme ça! Encore! Encore!
Shannon Desbiens, librairie Les Bouquinistes (Chicoutimi)

 


Indice des feux
Antoine Desjardins (La Peuplade)

Malgré l’existence d’un nombre étonnant de remarquables auteurs s’étant illustrés par le truchement de ce genre aux possibilités inouïes, de Ferron à Bismuth en passant par Moutier, Archibald, Brousseau, Bock, Myre ou Plamondon, la nouvelle demeure, à tort bien sûr, une forme négligée au Québec. Dans la mesure où la rarissime excellence des premières fois rend d’autant plus mémorables les baptêmes de ceux promis à de grandes choses, les sept nouvelles du premier livre d’Antoine Desjardins comptent parmi les meilleures à avoir été publiées dans les dernières années. Traversées par le fil rouge d’un monde qui n’en finit plus de se déliter, abritant de moins en moins une humanité semblant se croire exonérée des menaces qui la guettent, les fictions  chargées de réalisme poignant de Desjardins circonscrivent habilement l’angoisse contemporaine d’une génération vouée à subir les contrecoups de la nonchalance d’époques désormais révolues. Un recueil à couper le souffle.
Philippe Fortin, librairie Marie-Laura (Jonquière)

 


Rien du tout
Olivia Tapiero (Mémoire d’encrier)

Après la publication de son roman Phototaxie en 2017, l’autrice montréalaise Olivia Tapiero nous revient cet hiver avec Rien du tout aux éditions Mémoire d’encrier. Nous retrouvons avec plaisir cette plume franche et assumée. En moins de 136 pages, l’écrivaine revendique son existence, ce lien intime et souvent incompréhensible que nous avons avec la vie. Dans ce livre, le récit intimiste se mélange parfaitement avec la poésie qui découle des mots d’Olivia. Elle nous offre un voyage au cœur de ses réflexions où chaque idée est décrite de manière très imagée et se révèle à nous sous la forme d’exquis paysages. Tout au long de notre lecture, nous serons témoins de cette douleur que les générations se transmettent et qui ne pourra pas échapper à l’autrice. Il s’agit d’un court ouvrage qui en a pourtant très long à nous faire méditer…
Émilie Bolduc, librairie Le Fureteur (Saint-Lambert)

 


Le tricot
Jacques Goldstyn (La Pastèque)

C’est toujours un plaisir délectable que de découvrir un nouvel album de Jacques Goldstyn. Ses coups de crayon, aussi vifs que précis, racontent de multiples histoires, en plus du récit principal. Les couleurs, les horizons, la fluidité du mouvement, la tendresse qui s’en dégage… quel talent! Par le truchement d’une écharpe, une grand-maman raconte à sa petite-fille rien de moins que sa vie, et les souvenirs qui l’ont marquée. C’est un récit tout en douceur sur la transmission du savoir-faire, le partage des souvenirs, et un hommage aux grands-parents.
Chantal Fontaine, librairie Moderne (Saint-Jean-sur-Richelieu)

 


Frankissstein
Jeanette Winterson (Alto)

D’un côté, il y a Genève, en 1816, où, enfermée dans un chalet pendant des jours d’averses persistantes, Mary Shelley commence à concevoir ce qui deviendra son Frankenstein. De l’autre, il y a Ry, de nos jours, un médecin trans se définissant en tant qu’être hybride, qui a fait en sorte d’avoir un corps conforme à ses désirs. Autour d’eux, une galerie de personnages drôles, intelligents, parfois agaçants, aux idées arrêtées ou au contraire très ouvertes, pris dans un jeu de miroirs entre les deux époques. Au cœur de leurs discussions et préoccupations : le corps, l’âme, la vie éternelle, la différence entre l’homme et la femme, l’être humain versus la machine. Un très bon roman, avec en trame de fond de belles histoires d’amour, qui nous fait à la fois rire et réfléchir.
Véronique Tremblay, librairie Vaugeois (Québec)