Décès de Christian Gailly

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C’est le 4 octobre dernier, à l’âge de 70 ans, qu’est mort l’écrivain français Christian Gailly des suites de complications pulmonaires. C’est en 1987, à l’âge de 44 ans, qu’il publie son premier roman, Dit-il, aux éditions de Minuit. Il devient dès lors un protégé de Jérôme Lindon qui dirige la maison d’édition, puis de sa fille Irène qui prendra la relève à la mort de ce dernier. Tous les livres de Christian Gailly sont publiés à cette enseigne.

Amoureux du jazz qu’il pratiquera comme saxophoniste pendant une dizaine d’années (la musique continuera d’apparaître dans presque tous ses romans), il s’intéresse aussi à la psychanalyse. Il ira même jusqu’à ouvrir son propre cabinet qui n’aura pas le temps de voir un seul client. « Je me souviens d’une séance où j’en faisais peut-être un peu trop, mon thérapeute m’a dit: vous devriez l’écrire. Je pense que c’est ainsi que je suis devenu écrivain. » Avec la publication en 2000 de Nuage rouge et d’Un soir au club en 2002, il reçoit le prix France Culture et Livre Inter.

Le véritable élan se fera à la lecture d’une page de Samuel Beckett, un de ses prédécesseurs aux éditions de Minuit. « Et puis, un jour, j’ai eu entre les mains un livre d’Aragon, (…) et là-dedans il y avait la première page d’un Beckett, L’innommable, ce fut comme une révélation, je découvrais un écrivain qui s’autorise à écrire, écrire comme on chante, d’oreille, souvenez-vous, quelque chose comme: je vais vous écrire que je ne peux pas écrire, et je vais le répéter…»

À partir de là, Gailly se décomplexe, prend de l’assurance, ose, trouve son propre style. Un style bref, hachuré, métronomique. « C’est l’attente qui l’épuisa. Brève attente pourtant. Elle ne dura que dix minutes. Épuisante cependant. Quand on attend depuis dix ans. Sans savoir qu’on attend. C’est encore plus tuant. » (Un soir au club) Une simplicité qui dit tout, une économie au service du sens.

C’est après plusieurs refus un peu partout que Jérôme Lindon des éditions de Minuit le contactera. Depuis, une fidélité indéfectible s’est installée de part et d’autre. Christian Gailly a enfin trouvé sa voie, l’écriture, dont il lui trouve une nature hésitante : « C’est un outil de strangulation, mais en même temps un ressort puissant : quelque chose qui peut vous jeter dans l’abîme, mais qui peut aussi vous sauver. Il s’agit d’une force motrice pour laquelle il faut trouver une utilisation, sinon elle tourne à vide comme une chaudière de navire, vous détruit ».

Christian Gailly a su mater la bête, apprivoiser la chose pour qu’elle devienne écriture révélatrice, univers signifiant. « Ça n’est qu’après, quand elle est partie après m’avoir dit : Je ne m’ennuie pas mais j’ai à faire, que j’ai pensé que ça s’était passé, et aujourd’hui je pense qu’il n’existe qu’un temps, le temps littéraire. » (Nuage rouge) Gailly n’aura jamais si bien dit, car maintenant qu’il est parti nous reste au moins encore ses mots, qu’on peut se lire et se relire pour nous convaincre que son absence n’est que partielle.

(Photo Maximilien Lamy. AFP)

Sources:

Le Monde – octobre 2013

Le Monde – janvier 2010

Libération – janvier 2002

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