C’est à l’âge vénérable de 92 ans que le romancier et animateur culturel Naïm Kattan s’est éteint à Paris le 2 juillet dernier entre les murs de l’hôpital Saint-Antoine. Son départ creuse dans le monde littéraire un vide immense.

Né à Bagdad en 1928 et issu d’une communauté juive, Naïm Kattan apprend le français sur les bancs des écoles de l’Alliance israélite universelle. Il décrira abondamment ce tiraillement, apparu dès son enfance, entre ses racines de Juif irakien et sa fascination pour l’Occident dans son premier roman Adieu, Babylone (1975). Après avoir étudié à la faculté de droit de Bagdad, puis à Paris, à la Sorbonne, il s’installe à Montréal en 1954, lieu de sa troisième naissance comme il avait l’habitude de dire :

« Je suis né à Bagdad, c’est réel, c’est mon enfance, ma famille, mes racines. Je suis né à nouveau à Paris, où j’ai découvert en vrai et pas seulement dans les livres la culture et la civilisation de l’Occident. Ma troisième naissance, la plus fondamentale, s’est faite à Montréal : une ville qui contient toutes les autres, où toutes les ethnies, les religions et les langues survivent, mais où il doit y avoir une langue commune pour que les gens puissent s’entendre et se parler : le français. »

Dès son arrivée en sol canadien, Naïm Kattan se fraie une place dans le milieu culturel. Il devient critique littéraire, membre de l’Académie des lettres du Québec, se positionne à la direction du Service des lettres et de l’édition du Conseil des arts du Canada et, surtout, ne cesse d’écrire. Hervé Foulon, président du Groupe HMH de 1979 à 2018, lui accorde ces quelques louanges :

« J’ai eu la chance et le privilège de connaître Naïm dès mon arrivée au Québec en 1973. Il publiait alors Écrivains des Amériques. Les Éditions Hurtubise ont publié la plupart de ses essais, ses romans et ses nouvelles, mais au‐delà des relations éditoriales c’est une profonde amitié quasi familiale qui s’est développée entre nous. Naïm c’était la réunion du Moyen‐Orient et de l’Occident, c’était l’ouverture d’esprit, la tolérance, la curiosité, mais également l’homme de famille avec un grand F. »

Il faut désormais lire Naïm Kattan pour rendre hommage à son travail exceptionnel, écouter l’expression de son identité d’auteur migrant dans Le réveil des distraits (2012) et Châteaux en Espagne (2006), se délecter de ses confessions livrées dans Carrefours d’une vie (2016) et, enfin, s’imprégner de l’aura universelle et cosmopolite de son œuvre qui aura marqué le parcours de plus d’un lecteur.

Photo de Naïm Kattan : © Martine Doyon

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