C’est une bien triste semaine que celle qui vient de s’écouler. Le Québec perd quelques-uns de ses piliers. En effet, après Simon Roy et avant Lori Saint-Martin, le poète, romancier, essayiste et dramaturge Jacques Brault est mort le 20 octobre, à l’âge de 89 ans.

Je suis à peu près certaine que le premier recueil de poèmes que j’ai lu en est un de Jacques Brault. C’était Moments fragiles, publié en 1997, en lecture obligatoire au cégep (eh oui, la poésie, si tard dans le programme scolaire, à l’époque). J’ai fouillé dans mes bibliothèques afin de le dénicher; visiblement, je l’ai égaré dans mes errances de jeunesse. J’en conserve pourtant un excellent souvenir.

D’autres que moi ont de meilleurs mots pour qualifier sa prose. C’est le cas de l’écrivaine Hélène Dorion, qui m’a permis de partager ici le statut qu’elle a publié sur Facebook : « Les mots de Jacques Brault m’ont ouvert toutes grandes les fenêtres de la poésie. C’est par lui que j’ai senti pour la première fois le choc d’un poème, la force de cette matière qui crée du sens. Je me souviens du moment précis, je lisais son recueil La poésie ce matin, et j’ai su devant ces mots que la vie – ma vie – ne respirerait plus jamais de la même manière, que quelque chose d’innommable, mais de tout à fait concret, venait d’avoir lieu. Le poème venait de prendre place dans mon corps, dans mon cœur, dans mon esprit. De ma vie, elle occuperait le centre. Et lui donnerait sens.

Parmi nos quelques rencontres, il y en a une dont je me souviens avec une émotion particulière. J’avais l’immense privilège de réaliser un enregistrement audio avec Jacques. Il était seul dans une pièce adjacente au studio, assis à une petite table placée contre le mur, et quand il a commencé à lire, j’ai eu un autre choc, cette fois, c’était celui de rencontrer la voix de son écriture. Elle avait la même profondeur, la même puissance fragile, le même souffle que ses mots sur la page.

Plus qu’aucune autre, son œuvre a été pour moi un apprentissage de la poésie. Je poursuivrai le dialogue, au-delà de cette perte qui dépose en moi quelque chose que seule la mort nous dit du silence.

Il y a tant de poèmes que j’aimerais citer…

Si tu ne prêtes pas l’oreille
au mutisme des maisons
si tu ne prêtes pas regard
aux fantômes des rues
qui percevra le déclin de l’automne »
– Extrait de Moments fragiles.

Lauréat de nombreux prix littéraires, Jacques Brault a notamment reçu le prix Athanase-David pour l’ensemble de son œuvre en 1986. Il a obtenu le Prix du Gouverneur général à trois reprises pour sa pièce de théâtre Quand nous serons heureux en 1970, pour son roman Agonie en 1984 et pour son recueil de poésie L’artisan en 2006. En 2017, Jacques Brault a été honoré en recevant le titre de Compagnon des arts et des lettres du Québec en reconnaissance de sa contribution exceptionnelle à la culture québécoise.

Nos sincères condoléances à sa famille, à ses proches et à tous ceux et celles qui ont été touchés par ses mots.

Photo : © Boréal

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