Décès de Gaétan Soucy

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L’écrivain Gaétan Soucy est mort le 9 juillet d’une crise cardiaque à l’âge de 54 ans. Cet écrivain fabuleux, ce philosophe éclairé et cet enseignant inspirant a certainement marqué les lettres québécoises.

Aux éditions Boréal, Pascal Assatiany parle en ces termes à la journaliste Josée Lapointe de La Presse : « Je ne peux m’empêcher de penser qu’il laisse quelque chose d’inachevé. Mais il laisse aussi de très grands livres, tous aboutis. C’était un vrai écrivain, qui appartient maintenant au monde. »

Pour ma part, j’aurais bien pris encore quelques bouquins écrits de sa plume. Mais son oeuvre se trouve bien au chaud dans ma bibliothèque classée par odre alphabétique, entre Soljenistyne et Gertrude Stein; il a au moins de quoi converser!

La plupart des lecteurs se rappelleront de son roman La petite fille qui aimait trop les allumettes, écrit dans un style qui à ma connaissance est sans précédent. À lire les premières lignes du roman, nous sommes déjà fixés.

Nous avons dû prendre l’univers en main mon frère et moi car un matin peu avant l’aube papa rendit l’âme sans crier gare. Sa dépouille crispée dans une douleur dont il ne restait plus que l’écorce, ses décrets si subitement tombés en poussière, tout ça gisait dans la chambre de l’étage d’où papa nous commandait tout, la veille encore. Il nous fallait des ordres pour ne pas nous affaisser en morceaux, mon frère et moi, c’était notre mortier. Sans papa nous ne savions rien faire. À peine pouvions-nous par nous-mêmes hésiter, exister, avoir peur, souffrir.

À la mort du père, les deux adolescents devenus orphelins devront se débrouiller pour survivre, eux qui ne connaissent rien du monde, ayant été isolés de celui-ci depuis toujours. L’un des enfants choisit de répéter la violence du père, tandis que l’autre est à la recherche des bons mots afin de communiquer et de débusquer la vérité et le mode d’emploi du monde. Car outre l’histoire touchante de ces enfants laissés à eux-mêmes, c’est le langage qui surprend et fascine à la lecture de ce roman. Le narrateur (qui se révèlera être une narratrice) est un « secrétarien », le cercueil est une « boîte à trou », les gens du village sont « les semblables ». 

C’était en 1998, et ce roman lui a valu une renommée internationale. Ce récit bouleversant a aussi été récompensé par le Prix Ringuet de l’Académie des lettres du Québec et le Prix du grand public du Salon du Livre de Montréal.

Mais dès 1994, Gaétan Soucy se fait connaître par la parution de L’immaculée conception, puis en 1997 avec L’acquittement. En 2002, il publie l’incroyable Music-Hall !.

Il a aussi reçu entre autres prix le Nessim Habif – Grand Prix de littérature française hors de France. Son oeuvre est traduit dans une dizaine de langues.

L’écrivain Dany Laferrière, qui se trouve présentement à l’université Middlebury au Vermont, a aussi été contacté par la journaliste Lapointe au sujet de la mort de Gaétan Soucy. Dany Laferrière parle avec émotion : « Je suis pris à l’étranger sans un de ses livres à portée de main. Sa prose fiévreuse me manque en ce moment. »

Gaétan Soucy laisse dans le deuil sa fille Sayaka, sa conjointe, son père, sa mère, six frères et sœurs… et des milliers de lecteurs.

Source : La Presse 

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