La poète et romancière Valérie Forgues, qui partage son temps entre l’écriture, son travail en bibliothèque et son implication dans le milieu littéraire, se joint à l’équipe du Lézard amoureux, en tant que codirectrice littéraire, en collaboration avec Catherine Morency. La nouvelle codirectrice littéraire cherchera « des projets dont les voix l’étonneront autant qu’elles sauront l’ébranler. Une attention particulière sera portée aux textes qui s’aventurent sur les territoires de l’intime, de l’identité, du corps, de l’amour, de la mémoire et de la mort, ainsi qu’à ceux qui utilisent le langage de façon singulière », peut-on lire sur la page Facebook de la maison d’édition.

Valérie Forgues a notamment publié Jeanne Forever (Le lézard amoureux), écrit avec Stéphanie Filion, Janvier tous les jours (Hamac), Une robe pour la chasse (Le lézard amoureux) et Adèle encore une fois (De Courberon). Ses mots l’ont fait voyager dans divers festivals et dans des résidences d’écriture au Québec, au Liban, au Mexique, en France, en Suisse, au Cameroun, en Allemagne et en Roumanie.

On a profité de l’occasion pour lui poser quelques questions.

 

Que représente pour vous ce nouveau défi?
Au moment de la fondation du Lézard, à Québec, en 2005, on en avait beaucoup parlé. C’était une époque moins faste qu’aujourd’hui pour la poésie et il y avait quelque chose d’audacieux dans le fait d’ouvrir cette maison, une belle promesse et une foi en la poésie. Mes deux derniers livres de poésie ont été publiés chez Le lézard amoureux. Je m’y suis sentie chez moi. Les choses se sont faites naturellement pour me conduire à assumer la codirection littéraire de la maison, en collaboration avec Catherine Morency, qui est elle aussi très attachée au Lézard; elle est la première auteure à y avoir publié. Je vois mon nouveau rôle comme un grand privilège. C’est une marque de confiance importante de la part de l’équipe en place et des auteurs avec qui je vais travailler. Entrer dans l’univers d’un poète, l’accompagner, pousser le texte à sa pleine expression, c’est quelque chose qui m’anime beaucoup. Je prends cette fonction au sérieux, par amour de la poésie, par respect pour les auteurs et les lecteurs, et parce que je sais tout le travail qu’il y a derrière les livres qu’on tient entre nos mains.  

Que souhaitez-vous apporter au Lézard amoureux?
Il y a eu plusieurs changements sur le plan de la direction littéraire depuis sa fondation. Ça a donné des couleurs différentes, un peu comme des cycles. Bien humblement, et accompagnée de Catherine, je veux apporter une certaine stabilité sur ce plan-là. Je veux aussi consolider la signature de la maison. Évidemment, j’arrive avec ma sensibilité à certaines esthétiques, à certains thèmes aussi, je pense que ça va transparaître dans les choix que je ferai. Le lézard amoureux a un certain panache, il a publié Gaétan Soucy, François Charron, Margaret Atwood, ainsi que des livres aux qualités littéraires et formelles indéniables au cours des quinze dernières années. Je pense aux premiers livres d’Annie Lafleur, à Sans Ouranos, de Catherine Morency, aux Territoires occupés, de Christiane Frenette, plus récemment, le superbe Animalumière, de Toino Dumas, Particules mélancoliques, de Simon Poirier, Tout explose, de Charles Quimper, et j’en passe. J’aime quand la langue s’emporte et détonne, quand elle est exigeante aussi, quand je suis déstabilisée par les choix lexicaux, la construction ou la déconstruction des images et des vers. Je souhaite pouvoir aller dans cette direction et surprendre les lecteurs.

Qu’est-ce qui vous anime dans la poésie? Qu’est-ce qu’elle vous inspire? 
C’est très personnel, mais c’est la façon qu’a la poésie d’être l’espace de tous les possibles. Elle ne ramène pas les morts ou ceux qui me manquent, mais rend leur absence moins douloureuse. C’est aussi une connexion très forte avec la vie intérieure que je porte, qu’on porte tous. Elle ouvre la vie, la déplie, elle sait me montrer ce que je ne vois pas, me permet de nommer l’innommable, de mettre encore plus de lumière sur ce qui m’obsède. Elle peut être un baume sur mes blessures, elle peut aussi être la blessure, elle est une langue secrète qui tend vers l’ouverture. Dans les livres que je lis, j’aime la voir changer de forme, se faufiler en moi et du même coup, me transformer.

Quels sont les livres de poésie qui vous guident?
J’ai mes classiques immuables : Anne Hébert et Marie Uguay. Elles ont dit l’amour, la mort et la vie avec une fureur qui me bouleverse. Même chose pour Sylvia Plath. Ces femmes étaient totalement engagées face à l’écriture. Les livres d’Annie Lafleur et de Roxane Desjardins sont toujours à portée de main, toujours, ce sont mes nouveaux classiques, pour l’engagement que je sens, justement, quand je les lis, pour la force de leur écriture, les lieux qu’elles visitent; ceux de Rose Eliceiry, de Daniel Leblanc-Poirier, de Benoît Jutras, ne sont jamais loin non plus. On m’a conseillé cet été la poésie de Tania Langlais, qui m’a soufflée, et je me suis plongée cet automne dans les poèmes d’Ingeborg Bachmann. Je pourrais vous dresser une liste beaucoup plus longue, à commencer par les livres de mes amis poètes, qui se reconnaîtront et qui chacun à leur manière, nourrissent mon amour de la poésie et mon désir d’écrire comme je l’entends. 

Photo : © Marilyn Forgues

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