Il y a quelques semaines, nous avons appris sur les réseaux sociaux l’ouverture d’une librairie à Montréal, la librairie Racines.

Cette nouvelle librairie, qui a pignon sur rue dans Montréal-Nord, est de grande envergure. Et elle l’est non par sa superficie ou les milliers de dollars investis dans sa déco, mais par tout le cœur que sa fondatrice, Gabriella Kinté, a consacré à son projet : « Mettre de l’avant les histoires, les cultures et les conditions de vie des personnes racisées. »

La jeune femme a ouvert les portes de la librairie spécialisée après des mois de bénévolat et de repérage dans des lieux similaires au sien (librairies anarchistes, féministes, espaces de diffusion et de création, etc.), d’autofinancement, et grâce à l’aide de nombreux amis « qui ont mis leur bagage au service du projet ».

Gabriella, rejointe au téléphone, nous confie qu’elle n’a pas peur des défis : « Je suis habituée de faire beaucoup avec peu de moyens. » Et si elle a parfois craint que son manque de connaissance du métier de libraire et de gestionnaire lui nuise, elle s’est vite ressaisie en évoquant qu’elle a confiance en ses capacités.

Pourquoi « racisé »? Le terme ne date pas d’hier, et on l’a utilisé dans bien des contextes au fil des décennies. On l’a même critiqué. Mais Gabriella nous explique que si la définition la plus connue (et la plus concise) d’une personne racisée est « personne non blanche », il faut aujourd’hui la sortir un peu de cette question de couleurs : « Il y a des personnes racisées qui ont la peau très, très pâle, et ça n’enlève rien au fait qu’elles soient d’origine haïtienne, latino, africaine… On ne demande ses origines à personne qui entre ici, évidemment! » La librairie réserve donc son espace à des auteurs et à une littérature racisés, que ce soit en langue française, anglaise, créole, espagnole, etc. Et les activités communautaires programmées ont souvent ceci en commun : l’écriture comme outil de résilience, voire de guérison.

Depuis son ouverture, Gabriella a eu le bonheur de voir beaucoup de lecteurs, d’artistes et d’écrivains franchir le seuil de son petit commerce du 4689, boulevard Henri-Bourassa Est. Mais la victoire apporte aussi son lot d’épreuves, dit-on : « Le revers de la médaille, c’est que je reçois des messages haineux. Des personnes me reprochent d’être raciste… J’ai ouvert cette librairie parce que, petite, je ne me reconnaissais dans aucune bibliothèque ou librairie de Montréal. J’ai voulu créer cet endroit pour que les personnes comme moi soient représentées. »

Si elle ne nous étonne pas, la bêtise humaine a toujours le tour de nous choquer profondément. Et les événements des derniers jours, avec cette nouvelle vague de migrants à deux pas de chez nous, nous rappellent l’importance de garder nos bras et nos cœurs grands ouverts. De telles initiatives – une librairie, un lieu d’échanges et de partage, un espace de création et de diffusion –, voilà toutes ces petites étoiles semées vers l’égalité et le respect.

 

 

Vous pouvez contribuer à la campagne de financement de Racines ici.

(Illustration : Zola.)

Publicité