En juin dernier, on annonçait la nomination de Madame Monica Gattinger à titre de présidente du comité éditorial des Presses de l'Université d'Ottawa (PUO) pour les trois prochaines années. Cette dernière, qui possède une feuille de route impressionnante, est également directrice de l'Institut de recherche sur la science, la société et la politique publique, professeure titulaire à l'École d'études politiques et présidente/fondatrice d'Énergie positive à l'Université d'Ottawa. Nous avons voulu savoir comment elle entrevoyait ses nouvelles fonctions.

Pendant votre mandat de trois ans, quels sont les grands objectifs que vous souhaiteriez mener à bien?
Mon rôle de présidente représente un beau défi. Le comité éditorial est le garant ultime de la qualité, de la rigueur, et des valeurs du programme éditorial des PUO, et ce, pendant une période fort mouvementée dans le monde de l’édition – la montée de l’édition numérique, le libre accès, la justice sociale, pour ne pas mentionner la pandémie.

Les Presses de l’Université d’Ottawa ont connu un essor remarquable au cours de la dernière décennie et ont su innover dans un monde en mutation. Depuis mon arrivée au comité éditorial des Presses, en 2011, j’ai été témoin de nombreuses innovations technologiques qui ont révolutionné la façon de faire des éditeurs. En parallèle, les domaines de recherche ont évolué, et de nouveaux plans stratégiques ont été adoptés à l’Université, comme au vice-rectorat à la Recherche, dont relèvent les Presses.

Tout en relevant ces défis, les Presses ont toujours veillé – et doivent toujours s’en assurer, d’ailleurs – à réaliser pleinement leur mandat de bilinguisme. Ce n’est pas une mince affaire compte tenu des façons de faire, des traditions intellectuelles et des réseaux souvent distincts entre les mondes de l’édition de langues française et anglaise. Sans mentionner, pour un nombre croissant de chercheurs, l’attrait de l’anglais comme langue de publication. Cela requiert une équipe polyvalente avec plusieurs expertises, compétences et connaissances, mais le bilinguisme des Presses est un avantage stratégique fort alléchant, que nous comptons continuer d’exploiter.

Au-delà de notre mission à l’appui des communautés francophones et du bilinguisme, l’Université d’Ottawa a fait de l’internationalisation, l’interdisciplinarité, l’impact, l’engagement communautaire, le savoir autochtone, la justice sociale, la santé, l’environnement durable et la technologie des priorités stratégiques. Les Presses doivent négocier ce virage pour demeurer pertinentes et viables. Pour des presses universitaires de taille moyenne comme les PUO, il est essentiel de trouver l’équilibre entre l’étendue (breadth) et la spécialisation (depth) des domaines de publication du programme d’édition. Ce travail d’élaboration est toujours un défi, mais il l’est d’autant plus lorsqu’il s’agit de monter un programme d’édition bilingue. Ajoutons à cela le fait que nos presses sont dotées d’un dynamique programme de libre accès, certes un beau service à rendre à la communauté, mais qui a forcément une incidence sur nos résultats financiers.

Mes objectifs sont donc d’aider les Presses à naviguer le milieu très dynamique qu’est l’édition savante et de veiller à ce qu’elles se réalisent pleinement. Je veux rehausser le profil, la pertinence et la rigueur scientifique des publications, développer des moyens novateurs pour mobiliser la recherche, notamment par l’entremise de partenariats créatifs, intégrer les technologies de pointe en édition. Par-dessus tout, je veux développer le programme éditorial des Presses, et miser tout particulièrement sur deux de nos grandes forces – la politique publique et la francophonie. Nous sommes, après tout, situées dans la capitale nationale du pays, à deux pas des décideurs publics, des ambassades et de nombre d’organismes publics, privés et à but non lucratif pancanadiens.

En travaillant avec le comité éditorial et l’équipe des Presses, je compte bâtir sur les succès des dernières années et sur les nouvelles ouvertures qui s’offrent à nous pour faire des Presses un phare profondément enraciné dans le mandat de recherche et d’enseignement de l’Université d’Ottawa, mais aussi un acteur incontournable dans le monde de l’édition savante de langues française et anglaise au Canada.

En quoi les presses universitaires en général sont-elles importantes?
Notre époque est marquée par l’incertitude, la volatilité et des mutations perturbatrices. Nous avons assisté ces dernières années à la polarisation politique, à la désinformation, à la politique partisane, tout autant qu’à la diminution du niveau de confiance qu’a le public dans nos institutions – gouvernements, institutions commerciales, médias.

Dans ce contexte, la recherche, le savoir et la prise de décision fondée sur les données probantes prennent une importance inégalée. Les presses universitaires sont au fondement même de la recherche et de la mobilisation des connaissances : elles font le lien entre les chercheurs et les lecteurs, et vice versa. Elles veillent à ce que la recherche de pointe soit mobilisée au profit des professeurs et chercheurs, des étudiants, des gouvernements, des industries et des intervenants des secteurs sans but lucratif. Elles assurent la qualité et la rigueur scientifiques des publications qui portent leur colophon. Elles défendent la liberté de parole et la liberté universitaire. Elles sont essentielles à une société éclairée et à une économie du savoir. Elles ont, au final, une mission très noble en temps normal, et une mission critique en cette époque de pandémie et de fausses informations.

Je vous donne un exemple concret. Les Presses ont réussi à publier en un temps record – sans en compromettre la rigueur scientifique – un ouvrage sur la COVID-19 écrit par une soixantaine d’experts représentant multiples disciplines, dans le but express de contribuer des informations et des recommandations aux élaborateurs de politiques publiques. Voilà une contribution majeure des Presses pour le Canada et au-delà : elles ont su rallier les forces vives de la recherche pour éclairer rapidement les décideurs sur des questions juridiques, politiques, sociales, éthiques, psychologiques et autres en temps voulu. Ce livre de près de 650 pages est par ailleurs offert dans un format libre accès (la version PDF en est gratuite), pour assurer la diffusion maximale de la recherche.

Pouvez-vous nous parler de quelques-unes des prochaines parutions des PUO?
Notre programme éditorial automnal comprend principalement des livres de non-fiction qui mettent de l’avant la recherche du milieu universitaire. Je pense à La vague nationale des années 1968, sous la direction de Tudi Kernalegenn, Joel Belliveau et Jean-Olivier Roy, une étude sur les luttes, les réveils, et le renouveau nationaliste chez les minorités nationales et ethniques; ou encore à Éthiques de l’hospitalité, du don et du care, sous la direction de Sophie Bourgault, Sophie Cloutier et Stéphanie Gaudet, qui cherche à répondre à certains des problèmes éthico-politiques les plus pressantes de notre temps : la crise des réfugiés, le don de temps et de soi dans une économie marchande, la précarité, le travail de soin dit « invisibilisé ». Ces deux ouvrages explorent des questions prioritaires chez nous : la justice sociale, d’une part, et la santé, de l’autre.

J’ai hâte que vous preniez connaissance de The Demons of Leonard Cohen de Francis Mus, dont la version néerlandaise a gagné le Prix littéraire de la Province de Flandre orientale. Ce très beau livre proposera photos, travail d’archives exhaustif, entrevues avec des collègues et témoins privilégiés, et fait état de la réception de l’œuvre de l’auteur-compositeur-interprète montréalais.

L’avenir du passé, par Stéphane Lévesque et Jean-Philippe Croteau, est une coédition avec le Centre de recherche en civilisation canadienne-française. Cette étude présente les résultats d’une vaste enquête sur la mémoire et la conscience historique du Canada français au sein de la jeunesse francophone du Québec et de l’Ontario. L’enquête soulève la question du rapport qu’entretiennent des jeunes milléniaux avec le passé des francophones au pays.

Quai 21 : une histoire, qui paraîtra simultanément en anglais sous le titre Pier 21: A History, par Steven Schwinghamer et Jan Raska, est une magnifique coédition avec le Musée canadien de l’histoire et le Musée canadien de l’immigration du Quai 21, situé à Halifax. Ce livre richement illustré relate un important pan de l’histoire du Canada, tel qu’elle s’est créée dans cet immense hangar maritime où étaient dirigés tous les immigrants qui arrivaient au pays.

Je ne saurais passer sous silence notre programme d’œuvres littéraires, une nouveauté aux PUO conçue pour assurer une présence accrue dans notre communauté et contribuer à l’essor de la littérature canadienne, ottavienne et outaouaise, ainsi que pour contribuer aux études régionales. Je signale la parution prochaine de Memoriam de Michel Picard, un premier roman de type thriller qui propose une approche inédite sur l’Alzheimer et qui amène le lecteur à réfléchir aux limites éthiques de la pratique médicale; et à Odette de Maurice Henrie, le quatrième ouvrage de fiction que l’auteur prolifique publie aux PUO, après Le poids du temps (Prix littéraire Trillium), Donc je suis, et La maison aux lilas (finaliste, Prix du livre d’Ottawa 2020).

Je vous invite à explorer le fonds des Presses de l’Université d’Ottawa et à vous abonner au bulletin d’informations en visitant le presses.uottawa.ca.

Les Presses de l’Université d’Ottawa en quelques points :

  • Les PUO, fondées en 1936, sont la doyenne des presses universitaires de langue française et les seules presses universitaires bilingues en Amérique du Nord.
  • En 2020-2021, les Presses publieront 29 titres (15 en français, 12 en anglais, 2 bilingues). Elles ont publié 31 titres en 2019-2020.
  • Le catalogue des Presses comprend également des revues savantes (Journal of Prisoners on Prisons, Cahiers Charlevoix, Les Cahiers du journalisme et Francophonies d’Amérique).
  • Les Presses ont lancé leurs premiers livres audio l’an dernier et comptent poursuivre sur cette lancée.
  • Les Presses ont récemment fait l’acquisition de 3 catalogues (Invenire, Slavic Research Group et Vermillon). Les titres de ces fonds seront bientôt disponibles.
  • Le personnel compte un effectif de 8 personnes (6 à temps plein et 2 étudiantes) en plus de nombreux pigistes qui s’affairent à la production de ces livres, des acquisitions de manuscrits jusqu’au marketing.
  • En raison de la pandémie et des activités du réseau du livre qui a été mis sur pause un moment (distributeur, imprimeur, librairie, etc.), plusieurs parutions prévues en mars, avril et mai ont été reportées au mois d’août 2020.
  • L’information détaillée se trouve dans notre Catalogue Printemps 2020 (PDF) ou Catalogue automne 2020 (PDF).

Photo : Presses de l’Université d’Ottawa

Publicité