Madame de Staël dans La Pléiade

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La prestigieuse collection La Pléiade des éditions Gallimard a intronisé une nouvelle écrivaine dans ses rangs. En avril, c’est Madame de Staël (1766-1817) qui fut accueillie dans l’illustre temple, soit exactement deux cents ans après sa mort. Bien que la collection fit son apparition en 1939, ce n’est qu’en 1970 qu’on a pu y recenser l’ouvrage d’une écrivaine, George Sand alias Aurore Dupin. Le prénom masculin qu’elle prend pour sien rappelle la réception rébarbative de l’époque (XIXe siècle) que les gens du milieu littéraire entretenaient envers les femmes de lettres. Puis on a vu arriver d’autres femmes promues dans La Pléiade, Marguerite Yourcenar, Colette, Virginia Woolf, Marguerite Duras. C’est au tour de Madame Germaine de Staël, douzième femme de la sororité pléiadienne, d’être publiée à l’enseigne avec un livre intitulé Œuvres et dans lequel sont réunis De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales, Delphine et Corinne ou L’Italie. Portant le numéro 621 de la collection, le bouquin nous livre le caractère d’une avant-gardiste et à l’instar de ses homologues masculins tels Rousseau, Diderot et Voltaire, d’une farouche défenderesse des Lumières. En témoigne l’extrait ci-dessous de l’essai De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales :

« Depuis la révolution, les hommes ont pensé qu’il était politiquement et moralement utile de réduire les femmes à la plus absurde médiocrité ; ils ne leur ont adressé qu’un misérable langage sans délicatesse comme sans esprit ; elles n’ont plus eu de motifs pour développer leur raison : les mœurs n’en sont pas devenues meilleures. […] Il est arrivé ce qui s’applique à tout dans la disposition actuelle des esprits : on croit toujours que ce sont les lumières qui font le mal, et l’on veut le réparer en faisant rétrograder la raison. Le mal des lumières ne peut se corriger qu’en acquérant plus de lumières encore. »

Pour ce qui est des deux romans, Delphine et Corinne ou L’Italie, ils n’en sont pas moins revendicateurs. Le premier raconte l’histoire d’une jeune veuve mue par une dévorante passion et qui subira les interdits de son époque. Le roman fait scandale lors de sa parution (1802) et Germaine de Staël sera condamnée à l’exil. Le second roman présente le portrait d’une poétesse et de la difficile condition d’exercer le métier d’écriture en tant que femme. Celle dont Benjamin Constant, qui fut aussi son amant, disait qu’elle était « un être à part, un être supérieur tel qu’il s’en rencontre peut-être un par siècle » a eu la chance d’éviter le sort de ses consoeurs disparues dans le trou noir de l’oubli.

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