Les lectures d’Edward Snowden

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Digne d’un très bon polar, l’affaire ne se trouve cependant pas entre les pages d’une fiction mais bien dans la « vraie vie ». Edward Snowden, autrefois employé de la NSA (National Security Agency), a été accusé d’espionnage par la justice des États-Unis. Après avoir demandé l’asile à la Russie, il est présentement bloqué à l’aéroport de Moscou, et ce depuis le 23 juin dernier, en attente des papiers officiels qui devraient lui permettre d’entrer sur le territoire russe. Il erre donc dans les couloirs de l’aéroport et afin de le faire patienter tout en l’instruisant, l’avocat russe de Snowden, Anatoli Koutcherena, lui aurait offert quelques lectures nationales à-propos.

En effet, Karamzine, Tchekhov et Dostoïevski ont été les auteurs soigneusement choisis par l’avocat qui affirme vouloir « aider Edward Snowden à mieux comprendre la Russie ». On sait que Crime et Châtiment de Dostoïevski se retrouvait dans le sac marron remis par l’avocat Koutcherena et quand on se rappelle les thèmes de l’auteur russe, on se rend compte bien assez vite que la sélection est loin d’être anodine: Raskolnikov, le personnage principal du roman, est un jeune étudiant qui aurait un bel avenir si sa pauvreté ne le privait pas de tous ses moyens. C’est alors qu’il croise sur son chemin une vieille usurière à la fortune considérable et qui pour sa part a la majorité de sa vie derrière elle et qui de l’avis de Raskolnikov n’est plus d’aucune utilité à la société. Tandis qu’elle possède l’argent, il a les promesses de l’avenir. Croyant au bien-fondé de sa pensée, il commettra en toute objectivité le meurtre de la vieille mais une fois le crime perpétré, plutôt que de jouir des roubles perçus, il sombrera peu à peu dans les remords douloureux, emporté par les noirceurs de sa conscience.

Livre de la souffrance et de la rédemption, Crime et Châtiment est une immense œuvre qui a été abondamment lue et analysée partout dans le monde. Nietzsche, entre autres, a dit : « Dostoïevski est la seule personne qui m’ait appris quelque chose en psychologie ». Traquant les mécanismes de l’esprit et de l’âme, Dostoïevski est un superbe révélateur de la nature humaine qui est indéniablement complexe, entremêlée, parfois même retorse, mais qui n’en est pas moins passionnante et fort instructive à qui veut appréhender sa conscience. Si Edward Snowden veut y voir quelque chose, nul doute qu’il le pourra.

Source : L’Express 

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