Le centenaire de Swann

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Du côté de chez Swann, qui constitue le premier tome de la Recherche du temps perdu de l’auteur Marcel Proust, fête cette année ses 100 ans. Charles Swann, ce dandy rêveur que l’on retrouve dans Un amour de Swann, la deuxième partie du premier tome, est un personnage incoutournable. Avec ses cent ans bien sonnés, il n’est plus très jeune le monsieur, mais il demeure néanmoins une icône magistrale de la littérature du xxième siècle.

Grande œuvre sur la mémoire et le souvenir, ce qu’on appelle communément La recherche est vénérée par les uns et conspuée par les autres. Il y a les indéfectibles, puis il y a les sceptiques qui s’endorment dès les premières phrases, trop longues et détaillées à leur goût. Quoiqu’il en soit, à la question que Proust se posa avant d’entamer l’écriture de La Recherche, « Suis-je romancier? », personne ne pourra répondre par la négative.

Pour l’anniversaire de Du côté de chez Swann, plusieurs éditeurs publient des ouvrages pertinents sur le sujet ou sur Marcel, son créateur. En voici quelques titres qui sauront ravir les fidèles :

1. Dictionnaire amoureux de Proust – Jean-Paul et Raphaël Enthoven (Plon)

Depuis sa naissance, voici un siècle, l’oeuvre de Marcel Proust n’en finit pas d’être assaillie par des hordes de puristes, de snobs ou de fétichistes, dont les exploits ont parfois gâché le pur bonheur de partir à la recherche du temps perdu…
D’ou ce Dictionnaire amoureux écrit à quatre mains et qui, n’en déplaise aux gardiens du temple, a pris le parti de traiter ce monument de la littérature avec la désinvolture (et l’érudition) qu’il mérite. (…) Ils auront atteint leur but si cette encyclopédie fragmentaire et dictée par le plaisir avive par intermittence, chez ses lecteurs, le désir de (re)lire le plus grand écrivain de tout le temps.

2. Proust est une fiction – François Bon (Seuil)

François Bon fait parler les témoins et la volumineuse correspondance, nous renseigne sur l’époque. Relisant ses gros volumes en papier, exploitant les possibilités de recherche, notamment lexicales, offertes par le numérique, il fait affleurer des thèmes, des obsessions, explore les techniques romanesques, prend la mesure de l’indémodable modernité de l’univers proustien. Mais il va aussi plus loin. En romancier, il se libère des réalités chronologiques pour faire dialoguer Proust et Baudelaire, dans une complicité stimulante et doublement révélatrice. Il nous rappelle aussi quelques grands lecteurs posthumes, notamment Beckett et Koltès. En fin de compte, et à chaque ligne de ce livre, François Bon nous dit en quoi la lecture de Proust a été déterminante pour lui, et combien cette œuvre continue de retentir dans nos vies et de les éclairer.

3. Chambres de Proust – Olivier Wickers (Flammarion)

Gagner et puis garder la chambre. D’abord celle, bien réelle, les volets clos, les rideaux tirés et éclairée à l’électricité où s’enferme à l’automne 1914 un écrivain de quarante-trois ans, Marcel Proust, pour ne plus la quitter des huit années qui suivent. Ensuite cette autre, plus vaste encore – tout un livre – À la recherche du temps perdu, conçu par son auteur comme la plus belle des chambres qui fût. Et puis, toutes celles, si nombreuses, que le roman contient et qu’on visitera au fil des pages, sans toujours savoir ni ce qu’elles dissimulent, ni qui et quoi on rencontrera à l’intérieur, une fois leur seuil franchi. On attendra beaucoup, ici, des unes et des autres, de leur succession, du savant enchevêtrement de ces lieux communicants ou pas – assez pour que, lecteur, à son tour, cent ans plus tard, on accepte de s’enfermer longtemps avec elles.

4. La lampe de Proust et autres objets de la littérature – Serge Sanchez (Payot)

« J’entrepris de parcourir ma bibliothèque comme on le fait de l’entrepôt d’un brocanteur. » Serge Sanchez s’est lancé ce défi pour revisiter avec humour et brio les chefs-d’oeuvre de la littérature au moyen des accessoires de leurs auteurs. Objets réels et rêvés à la fois : réels pour ceux qui ont joué un rôle dans l’existence des écrivains, rêvés pour ceux qu’utilisent leurs personnages.
Une lampe de chevet nous illumine l’écriture de Proust, une drôle de casquette nous révèle les secrets de fabrication de Madame Bovary, des coups frappés à une porte nous font pénétrer dans l’univers de Shakespeare. On découvre un fauteuil de Molière qui n’est pas celui dans lequel il agonisa, plusieurs crânes attribués à Descartes, et bien d’autres choses encore dans ce livre jubilatoire qui se dévore comme un roman à multiples suspenses.

5. Paris du temps perdu – Eugène Atget et Marcel Proust (Hoëbeke)

Une sélection de 124 photographies d’Eugène Atget qui illustrent le Paris légendaire de la Belle Epoque. Elles sont accompagnées d’extraits des oeuvres de Marcel Proust. L’ensemble offre un regard croisé sur un Paris perdu et mélancolique.

6. Lettres à sa voisine – Marcel Proust (Gallimard)

Proust déploie à l’égard de Mme Willliams tout son charme, fait briller son humour, sa culture, son art du compliment. C’est qu’il éprouve pour cette autre recluse, par-delà le désir de plaire à une voisine qui détient les clés du silence, une sympathie réelle, de l’amitié, une forme d’affection. Nous n’avons malheureusement pas les lettres de Mme Williams.
De quoi est-il question dans ces lettres? Du bruit d’abord, des travaux à l’étage du dessus, qui torturent Proust pendant ses heures de sommeil et de travail. Il est aussi question de musique, parce que Mme Williams aime la musique et joue de la harpe ; de roses, naturelles et métaphoriques, échangées avec les lettres ; mais aussi de la maladie (la sienne et celle de Mme Williams) ; de la solitude.

Et bien sûr, l’oeuvre intégrale :

7. À la recherche du temps perdu – Marcel Proust

«Et tout d’un coup le souvenir m’est apparu. Ce goût, c’était celui du petit morceau de madeleine que le dimanche matin à Combray (parce que ce jour-là je ne sortais pas avant l’heure de la messe), quand j’allais lui dire bonjour dans sa chambre, ma tante Léonie m’offrait après l’avoir trempé dans son infusion de thé ou de tilleul. La vue de la petite madeleine ne m’avait rien rappelé avant que je n’y eusse goûté… Mais, quand d’un passé ancien rien ne subsiste, après la mort des êtres, après la destruction des choses, seules, plus frêles mais plus vivaces, plus immatérielles, plus persistantes, plus fidèles, l’odeur et la saveur restent encore longtemps, comme des âmes, à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la ruine de tout le reste, à porter sans fléchir, sur leur goutelette presque impalpable, l’édifice immense du souvenir.»

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