Du 1er au 8 octobre prochain, se déploiera la semaine Lis avec moi qui invite les parents et les enseignants à lire avec les enfants de 0 à 12 ans. Différentes façons de le faire sont proposées et plusieurs activités sont au programme : rencontres avec des auteurs et illustrateurs, animations dans les bibliothèques publiques et les librairies, journée consacrée à la famille et un colloque – Lire pour [apprendre, ressentir, réfléchir] le plaisir! – destiné aux professionnels.

Pour en savoir un peu plus sur l’événement, nous avons posé quelques questions à l’auteur Simon Boulerice, le porte-parole 2018. 

Personnellement, qu’est-ce qui vous a donné envie de lire? Y a-t-il eu un déclencheur? À quand remonte vos premières lectures? Enfant et adolescent, quels livres vous passionnaient (types, genres ou titres)?
Enfant, j’étais attiré par les livres, mais je ressentais un vertige devant le nombre de pages qu’ils contenaient, quand il n’y avait pas d’images. J’avais les yeux plus grands que la panse, et je m’essoufflais vite. J’abandonnais mes lectures, que je trouvais parfois trop compliquées pour moi. Puis un jour, à Noël, ma grande sœur Vicky et moi avons reçu chacun un journal intime. Avec une serrure et une clef.

J’étais fasciné par ce que ma sœur y écrivait. Je me doutais qu’elle écrivait sur moi. Je voulais tant lire ce que je lui inspirais, mais le verrou me causait problème. J’ignorais où elle dissimulait sa clef. Un après-midi, alors qu’elle était absente, j’ai tenté de déverrouiller la serrure de son journal avec ma propre clef. Oh, surprise, elle était compatible (à croire qu’elles n’étaient pas de qualité, ces serrures-là!)! En ouvrant son journal, c’était la Caverne d’Ali Baba que j’ouvrais. Je me suis mis à lire comme je n’avais encore jamais lu. Avec avidité, admiration, jalousie, ferveur…

Je peux le dire aujourd’hui, la passion de la lecture m’est venue en lisant le journal intime de ma sœur. Ce n’est pas très noble, j’en conviens, mais c’est ça. J’ai commencé par le journal de Vicky Boulerice, et j’ai continué avec des romans. C’est toujours ce que je dis aux jeunes. Trouvez ce qui vous allume pour commencer. Tu aimes les animaux? Lis sur les animaux! Tu aimes les potins? Lis Échos Vedettes! Tu aimes manger? Lis les ingrédients sur ta boîte de céréales! Tu aimes ce qui est interdit? Lis le journal de ta sœur (c’est simple la vie!). Et à force de lire, tu voudras lire autre chose, lire plus, toujours plus. Et découvrir tout ce que tu ne connais pas encore. Parce que lire, peu importe ce que tu lis, c’est un réseau de possibilités. C’est plus impliquant que regarder la télé, donc c’est plus galvanisant et plus marquant. L’effort rend la chose mémorable.

Vous vous impliquez dans plusieurs événements qui concernent la lecture, en particulier chez les jeunes, et vous semblez toujours le faire avec grand plaisir. Pourquoi ce travail de médiation, en parallèle avec celui de l’écriture, vous tient-il à cœur?
Je pourrais répondre qu’égoïstement, aller à la rencontre des enfants, de leur imaginaire, de leur humour et de leurs obsessions, c’est nourrissant pour ma propre création, et ce serait vrai.

Mais la principale raison est que je me sens redevable dans la vie. J’ai envie de partager ma passion, d’être un passeur, tout comme on l’a été avec moi.

Tout au long de ma jeunesse, j’ai eu des professeurs qui se sont révélés d’excellents tremplins pour me donner de l’élan dans le monde des mots. Je pense à Marie-Andrée, à Gérard, à Janique, à Serge, à Stéphanie. Ils ont jalonné ma carrière de lecteur. Tous m’ont transmis leur ferveur, m’ont glissé entre les mains des livres importants pour eux.

Lire permet de s’ouvrir sur le monde, de rentrer en relation avec les autres, de décrypter ce qu’est l’humanité. Quand un enfant ou un ado m’écrit sur Facebook pour me dire que je lui aie donné envie de lire, je sens plus que jamais que je participe à la société.

Lis avec moi a pour objectif de créer des lecteurs pour la vie. À travers les activités que propose l’événement, pouvez-vous nous donner quelques exemples pour l’atteindre?
Il y a une foule d’activités susceptibles de déployer l’admiration des élèves pour l’univers des mots. Dans le lot, j’ai envie d’en retenir trois : la rencontre d’un auteur, le défi de la lecture à voix haute et la lecture de poésie.

En amont de la visite d’un auteur, les élèves se préparent à la rencontre en lisant des livres de l’écrivain et en s’informant sur lui. Cela crée un engouement qui valorise le travail de l’auteur et son importance dans la cité. Et ça fait prendre conscience aux élèves que l’écriture est un véritable métier, et que les auteurs vivants ne sont pas tous morts, pour citer un festival français au titre éloquent. Écrire est un travail concret, et les jeunes aiment démystifier la provenance des livres, de leur inspiration à leur fabrication.

Le défi de la lecture à voix haute révèle aussi de nouveaux lecteurs. Il y a un plaisir à incarner les mots ailleurs que dans sa tête seulement, à narrer vocalement, à jouer les répliques. Il y a un aspect « comédien » (et des talents insoupçonnés qui surgissent systématiquement), mais il y a aussi l’intelligence du texte qui est sollicitée. Cela demande de la patience, de la lenteur, et appelle une certaine cérémonie.

Et parmi mes activités chouchous que les profs peuvent faire avec leurs élèves, j’adore celui de la poésie. Chaque élève choisit son poème préféré et un élève doit le lire à haute voix. Pendant la semaine, chaque élève lit ce poème à l’interphone. Cette tribune solennelle m’émeut.

J’en suis convaincu : les mots qui résonnent dans l’école ont le pouvoir de transfigurer la vie d’un enfant.

 

http://lisavecmoi.com/

Photo : © Julien Faugere

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