La littérature comme outil de guérison

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C’est à la faculté de médecine de Columbia que Rita Charon a son bureau. Cette pionnière du programme de médecine narrative jure que la littérature peut amener les médecins à plus d’empathie auprès de leurs patients, ce qui augmenterait le taux de guérison des personnes malades. Madame Charon expliquait récemment à la journaliste Sylvie St-Jacques du journal La Presse : « La profession médicale, devenue très spécialisée, en est arrivée à diviser le corps du sujet. Si bien que les spécialistes s’intéressent au corps comme objet : comment le cœur bat-il ? D’où vient le cancer ? Comment régler le taux de glucose ? ».  

Selon madame Charon, en constatant l’ampleur du phénomène des récits publiés qui relatent les histoires de gens aux prises avec des maladies, ils sont écrits et lus par les gens souffrants pour combler un manque quant à l’écoute que les patients n’ont plus. Le système médical étant surchargé, la médecine a, en grande partie, laissé de côté l’humanisation de la pratique pour se consacrer aux faits de la recherche, sous-estimant la part bénéfique de la compassion. Un patient qui se sent considéré, écouté, compris, a beaucoup plus de chance de trouver le chemin de la guérison.

C’est son manque de mansuétude qui a amené Rita Charon à compléter un doctorat en littérature anglaise dans les années 80. Elle y a puisé une importante mine d’histoires qui l’ont rendue plus sensible à autrui. Maintenant, elle enseigne la littérature narrative aux étudiants de deuxième cycle du domaine de la santé. Elle tente d’intégrer la littérature à leur pratique. Elle donne également des sessions intensives à des médecins pratiquants et résidents et elle promet que ça change bel et bien quelque chose. « Lors de mes séminaires, je leur faisais lire un poème ou le début d’un roman, et nous en discutions. Au bout d’un moment, ils sont devenus de meilleurs lecteurs et écrivains. Par la suite, je les invitais à penser à un patient particulièrement difficile et à en parler en équipes. Ils ont appris ainsi à collaborer. »

Bien que le programme de médecine narrative soit novateur, ses sources remontent très loin puisque médecine et philosophie ont longtemps été de pair. Sir Thomas Browne (XVIIe siècle) par exemple prônait la lecture de Shakespeare pour approfondir sa connaissance de l’humain.

Contrairement à certaines croyances, madame Charon assure que le médecin ne doit pas se couper de ses émotions envers les gens qu’il soigne. Loin de le léser, elles le rendent plus conscient et sensible aux autres. « Plusieurs de nos diplômés veulent devenir médecins orthopédiques, pour des questions d’argent, et aussi parce qu’ils espèrent traiter des patients en santé, ou aspirent à devenir “le médecin de l’équipe des Jets de New York”. Ce seul phénomène en dit long sur l’état actuel de la médecine. Mais dans les faits, c’est une profession où le deuil et la maladie sont omniprésents. Et ce n’est qu’en acceptant la mortalité que l’on pourra donner aux patients ce dont ils ont vraiment besoin. »

Le corps, l’esprit  et l’âme ne représentent qu’une seule entité. Unique et complexe, chaque être humain est un amalgame qui ne se compartimente pas, et la littérature est un excellent observatoire pour l’approcher, l’observer, le comprendre et le soigner.

Conférence de Dre Rita Charon (en anglais)

Source : La Presse

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