Après les révélations de dix-huit femmes qui ont conduit au scandale de l’Académie suédoise, au point de reporter le prix Nobel de littérature à 2019, c’est au tour du tout aussi célèbre et prestigieux prix Pulitzer de faire les frais de l’inconduite des hommes et d’être mêlé, par l’intermédiaire de son président Junot Díaz, à une autre affaire d’agression sexuelle. Récompensant notamment des productions et créations dans le registre de la musique, de la littérature et du journalisme, il a été décerné il y a peu au rappeur Kendrick Lamar, au New York Times et au Washington Post pour leurs enquêtes sur le financement russe de la campagne de Donald Trump, et à l’auteur Andrew Sean Greer pour Less (non traduit en français pour l’instant).

L’auteur américain Junot Díaz, président de la fameuse récompense et lui-même lauréat en 2008, était présent au festival des écrivains de Sydney le 4 mai dernier. Alors qu’il participait à une session de questions-réponses, l’auteure américaine Zinzi Clemmons s’est adressée à lui en lui demandant les raisons pour lesquelles il l’avait mise en position de vulnérabilité lorsqu’elle était encore étudiante, rapporte notamment Radio-Canada. L’auteure de What we lose a ensuite écrit sur son compte Twitter qu’elle a « invité Junot Díaz lorsqu’[elle] était encore étudiante, à un atelier sur le manque de représentations en littérature » : « J’étais une inconnue naïve de 26 ans et il en a profité pour me coincer et m’embrasser de force. Je suis loin d’être la seule à avoir subi cela de sa part, et je refuse de rester silencieuse à ce propos plus longtemps. »

 

Tweet de Z.C.

Cette révélation a eu des conséquences immédiates : d’autres auteures, à l’image de Carmen Maria Machado (« Especially Heinous : 272 views of Law & Order SVU ») et Monica Byrne (What every girl shoud now, The Girl in the Road), ont renchéri sur les accusations formulées par Zinzi Clemmons, clamant des comportements agressifs et sexistes; Díaz a annulé ses autres participations à l’événement en Australie et a délégué sa fonction de président du prix Pultizer au journaliste du Washington Post Eugene Robinson, à la suite de l’ouverture d’une enquête indépendante sur ces allégations.

Le festival des écrivains de Sydney a notamment été marqué par une vague de témoignages et de conférences sur les problématiques sociales que l’on retrouve évidemment dans la littérature : le mouvement #MeToo, le racisme, la discrimination… Les organisateurs de l’événement ont publié un communiqué à la suite des désistements de Junot Díaz, pointant son dernier essai où il écrit « Le passé te retrouve toujours ». Ils ajoutent que comme « beaucoup en position de pouvoir, le moment est venu de faire face aux conséquences de son comportement passé. »

Tandis qu’au lendemain de cette confrontation entre Junot Díaz et Zinzi Clemmons, toujours dans le cadre du festival, l’auteure et actrice Nakkiah Lui exhortait les gens à croire les victimes, arguant que « le silence ne fait que donner le pouvoir à l’oppresseur », l’auteur américain, par l’intermédiaire de son agent, affirme « assumer les responsabilités de son passé » et rappelle avoir lui-même été victime de viol et devoir en assumer les séquelles. Si la pensée que l’utilisation de cet argument a pour but de se dédouaner ne nous effleure qu’à peine, cette nouvelle situation est l’occasion de se rappeler que tous les milieux sont concernés par l’oppression masculine et qu’il ne faut ni s’habituer à ces témoignages, ni les banaliser. Désormais, les victimes prennent la parole.

 

Crédit photo : Nina Subin

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