L’illustratrice et artiste en arts visuels Mathilde Corbeil possède un style unique et singulier qui attire l’attention et frappe l’imaginaire. Elle collabore à de nombreux projets du milieu culturel, notamment en assurant la direction artistique de pochettes de disques, d’affiches de danse, de cinéma et de théâtre. Elle a illustré également plusieurs livres, notamment la compilation de récits Amants (Remue-ménage), les pièces de théâtre J’aime Hydro (Atelier 10) et La nuit du 4 au 5 (Dramaturges Éditeurs) ainsi que le roman L’allégorie des truites arc-en-ciel (Hurtubise). Petit tour d’horizon de son inspirant et vivant univers. 

Qu’aimez-vous le plus dans le fait d’illustrer des livres?
La satisfaction de voir deux langages différents se rencontrer.

Qu’est-ce qui vous a le plus plu dans la pièce J’aime Hydro que vous avez illustrée?
Le processus de création était assez singulier. On a construit le premier épisode de J’aime Hydro pour le OFFTA, sans savoir qu’il aurait un aussi grand succès. Comme c’est du théâtre documentaire, le rôle de l’illustration devait s’ajuster à mesure que l’enquête de Christine Beaulieu avançait. On ne pouvait pas prévoir le déroulement des événements, c’était donc très stimulant pour moi.

Est-ce un grand défi que de mettre en images les mots de quelqu’un d’autre?
En tout cas, un défi inspirant. Je dois trouver un pont vers l’imaginaire d’une autre personne, pour arriver à représenter son univers avec mon trait. En ce sens-là, je ne cherche pas seulement à illustrer l’œuvre, mais à trouver un point de rencontre. Parfois, j’illustre une scène au cœur du roman, d’autres fois, je cherche une manière de représenter en images l’esprit du livre. Bref, ça m’oblige à entrer en dialogue avec une autre œuvre, un autre monde, et souvent ça m’amène dans des zones inexplorées.

Quel rapport entretenez-vous avec le matériel avec lequel vous dessinez?
Je ne sacralise rien dans mon processus de création. Je peux autant dessiner avec une tablette graphique qu’avec des crayons-feutres achetés à la pharmacie. Je pense que j’entretiens le même rapport avec mes illustrations : rien n’est précieux, je ne m’attache jamais à rien. Je peux jeter le résultat de trois heures de travail pour garder un seul détail qui m’a plu. J’assemble, je coupe, je jette, jusqu’à ce que je me retrouve devant un résultat qui me semble vivant.

Pour la coopérative Les libraires, vous terminez un mandat d’illustratrice de saison avec l’illustration de la présente couverture de la revue Les libraires. Comment avez-vous trouvé l’expérience?
Pour moi, c’était une belle opportunité de me pencher pendant un certain temps sur de nouveaux univers. La liberté de création m’a aussi permis, par exemple, d’illustrer deux images de la tétralogie d’Elena Ferrante L’amie prodigieuse, que j’ai dévorée dans les dernières années. Je ne sais pas si un jour j’aurais dessiné Lila et Lena pour mon seul plaisir : la revue Les libraires m’a donné l’occasion de mettre en images des personnages qui m’ont touchée.

Vous avez collaboré à plusieurs projets du milieu culturel, notamment des pochettes de disques, des affiches de danse, de cinéma et de théâtre. En quoi l’univers du théâtre vous inspire-t-il?
Chaque projet m’inspire de façon différente. Parfois, lorsque je dois illustrer une affiche, je me tourne vers le texte — de toute façon, les répétitions du spectacle ne commenceront pas avant trois mois! D’autres fois, comme avec J’aime Hydro par exemple, je suis présente dans la salle de répétition pour produire — en direct, selon les désirs du metteur en scène — des illustrations qui viendront habiller l’espace scénique. Il n’y a pas de recette, et au fond, c’est une immense chance que j’ai! Chaque projet m’oblige à me poser des questions sensibles et à réinventer ma façon de dessiner.

Avez-vous une autre grande passion que l’illustration?
J’ai joué du violoncelle de 4 à 20 ans, ma mère est pianiste, mon frère et mon père ont joué de la batterie. La musique fait donc partie de ma vie depuis toujours.

Avez-vous un autre projet de livre?
Je viens de terminer des illustrations pour le livre très touchant de Rose-Aimée Automne T. Morin, et je travaille sur un essai particulièrement surprenant de Judith Lussier, que j’admire depuis mes 13 ans. Je vais prendre un thé avec Kim Thúy la semaine prochaine et dans mon nouvel agenda 2019, c’est écrit en vert fluo : fais ton propre projet de livre. Voilà.

Photo : © Jerry Pigeon

Publicité