L'initiative Les libraires conseillent répond à la demande des lecteurs avides de suggestions. Chaque mois, un comité formé d’une quinzaine de libraires établit, après moult discussions passionnées et passionnantes, une sélection de cinq livres. Essais, BD, romans jeunesse ou pour adultes, d’ici comme d’ailleurs, ces cinq livres sont mis de l’avant dans les librairies membres de notre réseau. Cette initiative est une belle occasion de promouvoir des livres jugés particulièrement remarquables, ainsi que de valoriser le rôle primordial de votre libraire. Voici la sélection de juillet qui se consacre aux livres de poche, format idéal pour les vacances et les voyages. Un lot réunissant les cinq livres de la sélection sera tiré le 29 juillet 2022 à 8h. Il sera possible de participer au concours dans notre prochaine infolettre qui sera envoyée le 1er juillet à 10h. Pour vous abonner à notre infolettre, suivez ce lien.


Liv Maria
Julia Kerninon (Folio)

Il y a de ces secrets, inavouables, qui vous habitent jusqu’au tourment. Aux prises avec un tel fardeau, Liv Maria tente tant bien que mal de mener une vie à son image : aventureuse, indépendante, chaleureuse. D’une petite île bretonne à l’Irlande, en passant par le Chili, la jeune femme, tour à tour amante, entrepreneure et épouse, cherche à réconcilier passé, présent et futur pour s’abandonner enfin à la vie rangée qui est maintenant la sienne. Julia Kerninon signe avec Liv Maria un roman remarquable empreint de sensualité. Son écriture, tout en finesse, met en lumière la frontière poreuse qui existe entre les apparences et l’intimité, entre les non-dits et le tourment. Une œuvre marquante et insaisissable à découvrir!
Cassandre Sioui, Librairie Hannenorak (Wendake)

 


Le banquet annuel de la Confrérie des fossoyeurs
Mathias Énard (Babel)

On rigole ferme entre les pages du dernier Énard! Les deux pieds dans la terre, celle qui se bêche, nourrit ce qui pousse et génère les litiges les plus divers depuis des temps immémoriaux, on arpente la mythologie champêtre en bondissant par-dessus les siècles comme on franchit la verte colline. D’abord par le biais du journal de terrain foutraque d’un jeune anthropologue parisien en quête de sens et de sensations rurales pour gonfler les prétentions disproportionnées de sa thèse. À l’ombre de Malinowski et de Lévi-Strauss, les rumeurs villageoises se précisent jusqu’à devenir son quotidien, puis son port d’attache. En parallèle, les âmes en transhumances s’agitent, se réincarnent et perpétuent un cercle éternel et dépourvu de sens (hormis bien sûr celui que les vivants et les morts veulent bien lui donner). Pendant quelques jours, toutefois, il leur faudra bien se tenir tranquilles, cesser de s’esquinter à mourir dans de fâcheuses circonstances. C’est que le banquet annuel de la confrérie des fossoyeurs doit se tenir, que les croque-morts puissent enfin se reposer quelques jours de l’incessant labeur. Ce sera l’occasion de faire le point sur la façon de repenser les rites qui accompagnent le trépas pour se conformer au goût de l’époque, à ses progrès et à ses travers. Et bien sûr, gargantuesque ce sera! Nul doute que Rabelais aurait fièrement adoubé le génial Énard pour ce virtuose roman.
Thomas Dupont-Buist, Librairie Gallimard (Montréal)

 


Les aventures de China Iron
Gabriela Cabezón Cámara (10/18)

Bienvenue dans la pampa brésilienne avec China Iron, une mère de deux enfants qui plaque tout lorsque son mari se fait enrôler contre son gré. Elle fuit. Elle embarque dans la caravane de Liz, une Britannique, en quête de son époux qui dirige une estancia. Ces deux-là traverseront le pays, avec le gaucho Rosa, prenant la tête de ce qui devient peu à peu une épopée vers une société libre des obligations liées au genre. Gabriela Cabezón Cámara revisite un classique de la littérature gaucho de José Hernández, Martin Fierro, en bousculant les stéréotypes pour émanciper ses personnages. Il en résulte un récit éclaté, authentique, un véritable western féministe où l’humour et l’amour brillent.
Chantal Fontaine, Librairie Moderne (Saint-Jean-sur-Richelieu)

 


Aurais-je été résistant ou bourreau?
Pierre Bayard (Minuit)

On ne lira jamais assez Pierre Bayard. Surtout Aurais-je été résistant ou bourreau? Enfin éditée en format de poche neuf ans après sa parution originale aux Éditions de Minuit, cette petite pépite d’à peine 200 pages tombe à point nommé. À partir de son histoire familiale, d’exemples littéraires triés sur le volet et d’études psychologiques portant sur le conformisme et nos relations à l’autorité, Bayard l’auteur tente de cerner quelles auraient été les prises de décision d’un Pierre Bayard fictif ayant vécu au moment de la défaite française contre le régime nazi. De cette rencontre entre la fiction, la psychologie et l’Histoire se dégage une typologie de l’engagement et du désengagement aussi claire et fondamentale que Portrait du colonisé, portrait du colonisateur d’Albert Memmi. Si l’actualité politique vous interpelle ou vous choque par les temps qui courent, ce petit essai éclairera à coup sûr vos interrogations.
Gabriel Guérin, Librairie Pantoute (Québec)

 


L’été où tout arriva : 1927, l’Amérique en folie
Bill Bryson (Payot)

Beaucoup tentent d’imiter la manière Bryson avec généralement très peu de succès. Car pour réussir ces livres qui sont autant de monstres d’intelligence, de fine structure et d’érudition, il faut décidément le genre de cerveau capable d’organiser le chaos de l’histoire là où la plupart ne font que se perdre dans le labyrinthe de la postérité. Comment discerner une trame captivante, cohérente dans le fouillis du passé? Comment restituer l’état d’esprit d’époques de plus en plus éloignées de la nôtre, mettre en lumière les caprices de la mémoire et l’arbitraire du commissariat au souvenir? Ce sont là des réflexions qui sont au centre des livres géniaux de Bryson. Dans son plus récent, L’été où tout arriva, le conteur braque son projecteur sur la très courte période de l’été 1927 aux États-Unis. Étonnamment faste en événements extraordinaires pour une période aussi circonscrite, cette saison en compagnie de l’aviateur Lindbergh, du gestionnaire ascendant Hoover et du président nonchalant Coolidge n’aura de cesse de vous étonner. Prouesses de toutes sortes côtoient de très près les plus grandes absurdités : les États-Unis incarnant tour à tour l’avenir enthousiasmant et la bêtise manifeste qui aurait pu mener à un empire eugéniste, prohibitionniste et à quelques pas de ce qu’a été l’Allemagne nazi. Incroyablement passionnant et virtuose!
Thomas Dupont-Buist, Librairie Gallimard (Montréal)