Enfant et adolescent, Pierre-Yves Lord voyait presque toujours la lecture comme une triste obligation. En devenant père, plusieurs années plus tard, il a pris connaissance de l’explosion de l’offre québécoise en littérature jeunesse et il a développé une réelle passion pour les créations d’ici. Ce n’est pas surprenant qu’on remarque des étoiles dans ses yeux quand il anime la nouvelle émission littéraire pour les jeunes Conte pis raconte, sur Tou.tv.

Les dix épisodes de Conte pis raconte font plus que mettre en lumière les livres jeunesse québécois, ils leur font la fête! À coups de 13 minutes, on découvre des suggestions de lecture, on fait des liens thématiques entre certaines œuvres et on plonge dans l’univers créatif des artisans. Ce projet, l’animateur Pierre-Yves Lord en rêve depuis 2017. « En tant que communicateur, je sens une responsabilité d’offrir des trucs qui ne sont pas en surface, explique-t-il lors d’une entrevue en visioconférence. Quand je vois mes enfants regarder Big Brother, je leur demande si on peut aussi regarder Découverte ensemble. »

Celui qui a déjà animé Occupation Double espère ainsi offrir un retour du balancier. « Je ne veux pas mordre la main qui m’a nourri, mais il faut offrir un contrepoids aux téléréalités et au vide sidéral des réseaux sociaux, que j’utilise moi aussi. Avec Conte pis raconte, on présente quelque chose qui a de la substance et qui encourage les jeunes à lire et à apprendre, en célébrant la connaissance. »

Si vous imaginez une émission pointue et fastidieuse, détrompez-vous. Les épisodes sont vivants, colorés, pertinents et débordants d’enthousiasme. « La parade de la littérature jeunesse existait bien avant moi et elle va se poursuivre bien après moi, mais je considère que j’ai construit un char allégorique dans la grande parade. »

Depuis sa mise en ligne, l’initiative a généré une importante couverture médiatique, transformant ainsi son animateur en porte-voix pour les créations jeunesse. Un revirement de situation que n’aurait certainement pas pu prévoir le principal intéressé durant son enfance. La lecture n’était pas inexistante dans son quotidien. Il lisait régulièrement les aventures de Mafalda, de Boule et Bill et de Quick et Flupke, mais sans plus. « La lecture ne prenait pas une grande place dans ma jeunesse. J’étais très actif. J’avais de la difficulté à me concentrer, alors j’avais du mal à lire quelque chose. J’ai compris assez tôt mes limites de lecteur. »

Ses années au secondaire n’ont pas amélioré la situation. « Lire un roman était une punition. Et je remettais beaucoup mes travaux à la dernière minute. Je me souviens d’avoir lu Le Hobbit à quatre heures du matin, la nuit avant mon examen, et de clancher le dernier chapitre avant que la cloche sonne. Tout ça faisait en sorte que la lecture était associée à quelque chose de souffrant. »

Il a carrément arrêté de lire au début de l’âge adulte. « J’étais très concentré sur mon travail et en tant que DJ ou animateur dans les bars, j’avais des horaires atypiques. » Le vent a tourné quand il est tombé sur les livres de Frédéric Beigbeder. « Il est venu m’accrocher avec son cynisme et son petit côté rugueux. À partir de ce moment-là, j’ai recommencé à lire un peu plus. »

Peu après la naissance de son premier enfant, il a eu un coup de foudre pour la littérature jeunesse! « Quand j’ai commencé à acheter des livres pour mon fils, qui avait environ 3 ans, j’ai eu une révélation! Je suis devenu plus attentif aux sections jeunesse en librairie et j’ai été frappé par l’explosion de couleurs et de contenus attrayants pour les petits. Puisqu’il n’y avait pas beaucoup d’enfants dans mon entourage, je n’avais pas pris conscience de l’effervescence dans l’offre en littérature jeunesse au Québec. » Ainsi, il fait de ses nouveaux coups de cœur Les étoiles de Jacques Goldstyn, À qui appartiennent les nuages? de Mario Brassard et Gérard DuBois, Sport-O-Rama de Benoit Tardif, Le livre où la poule meurt à la fin de François Blais et Valérie Boivin ainsi qu’Anatole qui ne séchait jamais de Stéphanie Boulay et Agathe Bray-Bourret.

Sa nouvelle passion a vite pris beaucoup de place. « Ma blonde me disait souvent d’arrêter d’acheter des livres pour notre enfant qui ne savait pas encore lire. Je voulais qu’il voie l’objet et qu’il s’habitue tôt à le toucher et à sentir l’odeur du papier, dans l’espoir qu’il ne soit pas effrayé par les livres et qu’il trouve ça normal de les tenir dans ses mains. »

Dans l’un des épisodes de Conte pis raconte, on apprend d’ailleurs qu’il a promis à son fils, aujourd’hui âgé de 12 ans, et à sa fille de 10 ans de ne jamais leur refuser deux choses dans la vie : des légumes et des livres. « L’autre jour, mon fils en a vraiment profité! Il était heureux de me rappeler cette promesse, et que je doive l’honorer en lui offrant des mangas assez chers : la série au complet coûtait 120$! Ça m’a fait plaisir de lui acheter. »

Il a toutefois l’impression que sa progéniture n’en profite pas assez. « J’ai l’air du père dont les enfants lisent deux livres par semaine, mais parfois, je les tanne avec ma passion pour la littérature jeunesse. J’essaie de trouver un juste milieu pour éviter de les écœurer et j’ai mes tactiques. Je renouvelle les livres qui traînent dans la maison et je vais en déposer quelques-uns dans leurs chambres. »

Si la lecture parent-enfant a toujours été synonyme de plaisir et d’apaisement dans sa maisonnée, elle n’est pas uniquement consacrée aux histoires avant le dodo. « J’aime aussi consulter une encyclopédie ou un atlas avec eux. Les contenus plus instructifs peuvent aussi avoir leur place. Il faut rendre ludiques les mots et le savoir. »

Tous les genres de livres sont les bienvenus chez lui. Les visiteurs peuvent d’ailleurs les remarquer à différents endroits dans la maison. « J’aime installer plusieurs sections un peu partout. Parfois, je classe mes livres durant une heure dans ma bibliothèque, parce que j’aime les bouger pour mieux les voir et être davantage porté à les lire. »

Quand on lui fait remarquer que l’émission Conte pis raconte s’attarde presque uniquement aux albums jeunesse illustrés, P-Y Lord répond qu’il s’agit de la première saison et que les romans, les bandes dessinées, les ouvrages de référence, les récits poétiques et tous les autres genres littéraires pensés pour la jeunesse pourraient être abordés dans le futur, si d’autres saisons sont commandées. Ce qu’on souhaite ardemment, bien entendu!

Photo : © Gaëlle Leroyer

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