La ville de Québec, laquelle se positionne toujours avec une grande fierté comme ville de littérature UNESCO, propose pour une quatrième année consécutive son initiative collective Une ville, un livre. Dans un esprit rassembleur, cette activité invite les citoyens à lire un même livre, tous en même temps au cours du mois de mars. Cette année, c’est l’autrice de Québec Valérie Boivin et sa bande dessinée Rien de sérieux (Nouvelle adresse) qui sont mises à l’honneur.

Afin de donner envie aux citoyens de Québec – et à tous les autres aussi, d’ailleurs! – de plonger dans cet ouvrage et de participer aux activités et discussions entourant Une ville, un livre autour de Rien de sérieux, nous vous proposons de lire ci-dessous notre entrevue réalisée avec la bédéiste. Mais d’abord, en guise de mise en bouche, voici le commentaire de Chantal Fontaine, de la Librairie Moderne, sur cette œuvre : « L’illustratrice Valérie Boivin se lance dans la bande dessinée avec une œuvre rafraîchissante et teintée d’autodérision. Utilisant son expérience avec Tinder, elle nous dessine une trentenaire un peu désespérée de trouver l’amour et qui franchit le pas de tenter de le dénicher en ligne. En ressort un texte léger, introspectif et empreint d’un regard lucide et sans compromis sur le célibat et les manières de rencontrer des gens. Son coup de crayon aérien et plein de douceur ajoute une joyeuse touche à ce roman graphique dont on espère que ce ne sera pas le dernier de l’autrice. »

Vous avez à votre actif huit albums jeunesse. Quel a été le plus grand défi pour vous lorsque vous êtes passée de la force de l’album à celle de la bande dessinée?
Le plus grand défi auquel j’ai dû faire face a été d’apprendre à mettre beaucoup d’information dans de petites cases. Dans l’album jeunesse, les plans sont très larges et on a de l’espace à profusion. La bande dessinée, quant à elle, demande d’être plus minutieux et judicieux dans l’utilisation de cette ressource limitée.

La bande dessinée demeure très similaire aux albums jeunesse, puisque le but est de raconter une histoire avec des mots et des images, mais il y a quelque chose de plus cinématographique avec la BD (et ça, j’ai adoré en faire la découverte). On peut vraiment jouer avec le rythme de l’histoire, étirer des scènes par exemple pour ajouter un peu de malaise entre les personnages.

Votre livre a été sélectionné pour être celui qui sera à l’honneur pour l’initiative Une ville, un livre, où tous les résidents de Québec sont invités à lire un même livre au cours du mois de mars. Pensez-vous que le fait que le livre sélectionné cette année soit une BD, et qu’il parle de Tinder de surcroît, trouvera écho chez bien des lecteurs? [Notre réponse à nous est « oui, bien entendu! ».]
Je l’espère sincèrement! J’ai eu beaucoup de plaisir à réaliser cette BD et je pense que ça se sent, à travers les pages. J’ai plein de feedbacks de lecteurs qui ont aimé. Le dernier en date me plaît beaucoup : une femme m’a écrit pour me dire qu’elle avait commencé à lire mon livre debout dans la bibliothèque, elle a été incapable de s’arrêter et riait toute seule. Pour moi, c’est le plus beau des compliments.

En quoi cette initiative sera-t-elle bénéfique pour l’artiste que vous êtes?
Je suis complètement honorée que mon livre ait été choisi cette année. La visibilité est incroyable et a permis à mon livre de bénéficier d’un deuxième tirage, c’est une grande fierté pour moi! Mais surtout, ça me donne des ailes (et le courage!) de faire une deuxième BD. Parce que faire une BD, c’est tout un sport… ça s’étire sur des années. Comme le dit si bien mon éditeur Renaud Plante : « Un album jeunesse, c’est un sprint et une bande dessinée un marathon ». On ne voit jamais la ligne d’arrivée. Quand elle arrive enfin, on croit à un mirage, on se pince. Le processus est si long!

On reconnaît certains lieux de Québec dans votre BD, notamment la magnifique bibliothèque de la Maison de la littérature, le bar Le Sacrilège, le Café Saint-Henri, l’épicerie J.A. Moisan, etc. En quoi la ville de Québec est-elle une ville inspirante pour vous?
Ah, je suis vraiment contente que vous ayez reconnu le Café Saint-Henri, c’était bien lui! Hahahaha! En fait, je voulais que ma narration ait l’air crédible et c’est pour ça que j’ai fait une pierre deux coups : j’ai décidé de rendre honneur à mon quartier tout en donnant une aura de véridicité à mon récit en citant visuellement mes lieux chouchous. La ville de Québec est si belle. Je pourrais même aller jusqu’à dire qu’elle est presque un personnage dans mon récit.

Il y a plusieurs profils Tinder qui sont rendus dans votre BD. Sont-ce de réels profils ou au contraire, vous vous êtes amusée à tous les inventer?
J’ai tellement aimé dessiner ces profils Tinder que j’aurais pu en faire un livre juste à eux! En fait, je les ai bricolés à partir de portraits que j’ai trouvés, et de citations terribles que j’ai aussi trouvées. J’ai savamment utilisé le pire du pire pour les accoler ensemble, un peu à la manière d’une couturière. Donc, ils sont à moitié vrais si on peut dire!

Qu’est-ce qui a motivé votre choix du crayon de plomb, dans un style très épuré, sans couleurs?
J’ai toujours aimé le noir et blanc. Tous mes livres jeunesse, je les commence ainsi, au crayon de plomb. Pour ma BD, j’ai cherché à avoir quelque chose d’un peu plus brut et d’imparfait, moins lisse, puisque je me suis rendu compte que c’est ce que j’admirais dans le travail de mes collègues illustrateurs. Je ne me donnais pas la chance de faire un rendu moins léché. Et je me la suis finalement donnée, cette chance. Je suis contente du résultat. Mais je pourrais aussi vous dire que si je l’avais fait en couleurs, je serais encore à travailler sur le livre et il serait sorti en 2050! Car la couleur c’est si long…

Vous avez été bibliothécaire, comme l’est le personnage principal de Rien de sérieux. Qu’avez-vous le plus aimé de ce travail?
Ah, oui, j’ai été bibliothécaire à 17 ans, c’était mon tout premier emploi! J’étais si fière, c’était un rêve qui se réalisait pour moi. Je pense que ce que j’ai le plus aimé de cet emploi d’été, c’était de savoir que chaque personne qui entrait à la bibliothèque avait un point en commun avec moi : l’amour de la lecture. Nous partagions ce bonheur.

Votre travail d’illustratrice est hautement récompensé. En quoi cette reconnaissance vous donne-t-elle des ailes pour continuer ou, au contraire, en quoi cela ajoute-t-il une pression sur vos créations à venir?
Je reste très humble face à ces reconnaissances. C’est sûr que le petit velours que ça crée est vraiment apprécié, mais le but ultime demeure toujours de parfaire notre art et de tenter de nouvelles aventures livresques. Chaque livre que je fais est un peu comme le premier. J’admire le travail de tant de mes ami.es et collègues illustrateurs et illustratrices. Ça aide à garder les deux pieds sur terre!

Soyez prêts pour mars : procurez-vous le livre, en librairies ou en bibliothèques, et tenez-vous prêts à en discuter avec les citoyens de Québec lors d’atelier et de cercles de lecture :

ATELIER BD AVEC VALÉRIE BOIVIN
Maison de la littérature – samedi 12 mars à 14 h

Les participantes et participants seront invités à créer une courte bande dessinée dans le cadre de cet atelier animé par l’autrice et illustratrice. Matériel requis fourni.

CERCLES DE LECTURE EN BIBLIOTHÈQUES
Différents lieux et dates

Les lectrices et lecteurs seront invités à discuter de Rien de sérieux lors de quatre rencontres animées. Pour découvrir quand et où auront lieu ces rencontres, visitez unevilleunlivre.ca.

Photo de Valérie Boivin : © Les 400 coups
Extraits tirés de Rien de sérieux de Valérie Boivin (Nouvelle adresse)

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