Il m’arrive de finir un livre en larmes, que ce soit en pleine journée ou au milieu de la nuit. Parce que la fin est trop belle, trop triste ou encore parce que la structure de l’intrigue est particulièrement efficace et me réserve une pépite pour la dernière page. Ou un peu de tout ça, comme ce fut le cas avec Le fracas et le silence.

Il faut dire que rien n’est facile dans ce livre. Et la narratrice nous prévient dès le départ : il n’y aura pas de fin heureuse. Des moments doux, de l’amitié, de l’espoir, oui, mais aussi une traque implacable, des déchirements, des trahisons. Et la mort.

Jack n’a plus le choix. Son père est en prison pour un crime qu’il a commis avec un homme crapuleux qui attend encore de récupérer sa part. Il a enterré sa mère sous la terre gelée après l’avoir découverte sans vie dans sa chambre. Les factures s’empilent et personne ne veut l’engager, lui qui vient d’une si terrible famille. Alors pour survivre, et afin de conserver la garde de son petit frère, il doit aller voir son paternel et le convaincre de lui révéler l’endroit où il a caché son magot, même si cela signifie lancer sur sa trace tous ceux qui attendent dans l’ombre.

Ava, elle, aurait pu prendre une autre décision. Rester dans l’ombre de son psychopathe de père, à l’abri de tous, sauf de lui. Mais voilà, Jack a été bienveillant à son égard et elle s’en souvient. Plus que tout, elle rêve de vivre, d’aimer. Même si on lui a répété depuis sa naissance que ce qu’elle met dans son cœur lui « fera mal ».

Et même si la fin est brutale, si les souvenirs sont douloureux, elle ne regrette rien.

Tour de force de l’autrice Cory Anderson tant dans la forme que dans le fond, Le fracas et le silence présente une histoire sombre, difficile, mais portée aussi par des personnages plus grands que nature et pris dans une vie qui ne leur fait pas de cadeaux. Des enfants de parents qui ont bifurqué de la route habituelle, mais qui ont pourtant développé une empathie, une bienveillance et une résilience surprenantes, d’autant plus mises en évidence par la froideur et la rationalité des adultes qui les traquent.

« D’où sont venues tes strates, tes courbes et tes aspérités? Tes endroits doux et sauvages? La lumière et l’obscurité profonde et sacrée. Les vallées et les falaises de ton âme. Le fracas et le silence. »

Roman pour grands lecteurs avisés, Le fracas et le silence est complexe en raison de sa temporalité spiralaire et de sa forme, Ava prenant la parole à chaque début de chapitre alors que la suite est narrée par un regard extérieur. La finale est aussi particulièrement réussie, époustouflante dans l’écho qu’elle fait à l’ensemble du roman tout en nous laissant sur le bout de notre chaise, aux prises avec le fracas de notre propre silence, avec les souvenirs de ces personnages qui auraient mérité plus de doux.

De la douceur, c’est exactement ce dont j’avais besoin après cette lecture et je me suis ainsi offert un précieux moment avec deux œuvres fort différentes, mais qui ont en commun d’amener un sourire aux lèvres à ceux qui les parcourent.

La société des dragons-thé y arrive même simplement avec l’illustration de sa couverture, délicate et toute en rondeur, avec son duo de personnages principaux, deux filles en manque de confiance qui trouveront de la force dans leur amitié et dans leur lien avec ces curieuses créatures que sont les dragons-thé, des êtres sensibles qui produisent des feuilles d’une grande richesse.

L’intrigue entraîne ses lecteurs dans un univers de fantasy un peu mielleux, mais parfait pour qui a besoin d’un moment hors du temps. On y rencontre Greta, future forgeronne, qui sauve un dragon-thé et fait ainsi la connaissance d’une bande de personnages atypiques.

Divisée en quatre parties comme autant de saisons et complétée par un dossier d’information sur les dragons-thé, cette bande dessinée se distingue aussi par la diversité qu’elle met de l’avant, de façon tout à fait naturelle, la lenteur (sans ennui) de son intrigue, en plus de son graphisme attrayant. L’ensemble fait l’effet d’une tasse de thé chaude et réconfortante lors d’une journée de neige.

Quant à La boîte aux lettres, le dernier récit de Pierrette Dubé illustré par Aurélien Galvan est plus dans la couleur franche et moins dans la nuance, mais il se révèle aussi être une précieuse lecture pour des moments gris. Difficile de ne pas craquer pour Octave, ce petit chien qui est un peu triste au départ et pense qu’une missive pourrait lui remonter le moral. Pour lancer sa correspondance, il aura donc besoin d’une boîte aux lettres et d’une cousine (heureusement, il peut emprunter celle d’Alfred). Ne lui reste ensuite qu’à envoyer la première lettre. Mais laquelle?

Tout le plaisir de cet album aux illustrations texturées se situe dans le fait qu’Alfred prend vraiment l’idée de la correspondance au pied de la lettre, et échange tout d’abord avec Winifred de simples lettres. Astucieux, La boîte aux lettres est d’autant plus amusant que son lecteur peut aussi, au fil des pages, ouvrir les correspondances. Un livre à partager avec les petits et les grands et qui peut, en plus de faire du bien à ceux qui le lisent, donner envie à certains de s’échanger des lettres, peu importe le sens donné à ces mots!

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