Ses recettes simples et savoureuses ne sont sans doute pas tellement étrangères à son goût pour les lectures lumineuses qui ravigotent, les livres qui lui accrochent un sourire et font du bien. À la cuisine comme au salon, la nutritionniste Geneviève O’Gleman s’avère franchement douée pour le bonheur.

Nombreux sont ceux qui l’ont connue avec Cuisine futée, parents pressés sur les ondes de Télé-Québec, une émission conçue à l’intention des chefs de clan en panne d’inspiration culinaire et dont elle s’est fait l’hôte avec la journaliste culturelle Alexandra Diaz. Une série de parutions en est née, signe indéfectible d’une marque forte, avant que le grand Marc Labrèche ne les gracie d’une parodie aussi tordante que généreuse à Info, sexe et mensonges. Une petite consécration au rayon de la culture pop. C’est toutefois sans sa complice qu’elle retournera à la lumière des studios et au-devant des caméras. Présenté à Radio-Canada dès le 18 septembre, Savourer s’impose déjà comme le rendez-vous culinaire de l’automne.

Autrice de plusieurs autres bouquins en son propre nom et en solo, Geneviève O’Gleman cultive forcément une fascination pour les petits plats d’autrui, les couvertures cartonnées des recueils gourmands dénichés au détour des pauses ou des escapades qu’elle s’accorde. Il en va presque d’une déformation professionnelle. « J’ai beaucoup de livres de recettes. J’aime les images, j’aime l’objet, mais c’est très rare que je cuisine les recettes des autres parce que j’en crée beaucoup de mon côté. Ceci dit, c’est vraiment de l’ordre de la collection, j’en ai des centaines, des ouvrages de tous les pays que j’achète en quantité chaque fois que je voyage. Il m’arrive également d’en commander en ligne, des parutions de l’Australie, de l’Angleterre et des États-Unis, par exemple. J’ai un mur plein chez moi et j’en ai autant au bureau. J’aime les consulter, voir comment la mise en page est faite, comment les ingrédients sont disposés… C’est inspirant. »

Le reste du contenu de ses étagères est plus volatile, voire carrément éphémère. Les romans qu’elle dévore en quantité ne sont toujours que de passage entre ses murs. Ses trouvailles ne prennent jamais la poussière. « En fait, je prête tous mes livres. Je garde mes livres de recettes, mais c’est tout. Je trouve que ça a quelque chose de triste, un livre qui reste dans une bibliothèque. Dès que j’ai un coup de cœur pour un roman, je le passe et je ne veux pas qu’il me revienne. Après, je souhaite que la personne à qui j’en fais cadeau le donne à quelqu’un d’autre, que ça devienne comme une chaîne. »

Récits biographiques, sagas historiques, romans policiers… Geneviève O’Gleman mange de tout. Les seuls genres auxquelles notre libraire d’un jour n’adhère pas tellement, c’est le fantastique ou la science-fiction. « Il faut que ce soit réaliste, peu importe si l’action se place dans le présent ou le passé. Il faut que j’y croie, que ce soit possible. Je ne suis pas très Harry Potter ou Le Seigneur des anneaux, confie-t-elle en laissant s’échapper quelques éclats de rire. J’aime tout ce qui se peut et tout ce qui est positif, ce qui est beau. La vie est déjà trop stressante pour des livres sombres, tristes ou durs. […] Ça peut être émouvant, ça ne me dérange pas de pleurer en parcourant un livre, mais il faut que l’histoire soit globalement belle. »

Dames de cœur
Arlette Cousture et son Émilie Bordeleau, brave et tendre héroïne personnifiée par Marina Orsini à l’écran, ont laissé une marque indélébile sur la lectrice que Geneviève O’Gleman continue d’être à ce jour. Comme un point d’ancrage, Les Filles de Caleb ont ouvert une brèche vers la littérature québécoise et ses plumes féminines singulières, ses écrivaines à la personnalité débordante qui mettent le verbe à leur main avec aplomb. Erika Soucy, de par son rapport au territoire et sa façon si personnelle de jouer avec les mots, s’inscrit comme l’une de ses plus heureuses découvertes des récentes années. Les murailles l’habite encore beaucoup. « J’ai trouvé que ça me plongeait dans un univers qui m’était étranger. C’est une belle immersion dans le monde des camps de travail de La Romaine, des chantiers de la Côte-Nord que je m’étais souvent imaginés, mais que je ne connaissais pas. »

Les pages rédigées à la première personne du singulier portent en elles une promesse d’immersion qui la captive et la guide dans les rayons des librairies qui croisent sa route entre deux rendez-vous. À cet égard, le parcours cahoteux et authentique d’une Kim Thúy remue en elle une corde sensible. C’est précisément de ce genre de témoignages qu’elle raffole, ce vers quoi l’animatrice télé tend tout naturellement lorsque vient le temps de faire quelques provisions littéraires. « Ru, son premier roman paru en 2009, est un livre très marquant pour moi. Kim Thúy y raconte beaucoup de choses, elle y parle de sa famille, de ses origines, de son arrivée au Québec. Ça m’a beaucoup intéressée. En plus, elle partage avec moi une passion pour la cuisine et elle a publié son propre livre de recettes intitulé Le secret des Vietnamiennes. »

Mais de tous les livres sur lesquels Geneviève a posé ses yeux dernièrement, c’est un ouvrage de Véronique Daudelin qui suscite de sa part le plus vibrant des hommages, les compliments les plus nourris. Elle a adoré Je pars en Inde, un carnet de voyage qui fleure bon le safran, la cardamome et le curry. Une création parue chez Hamac en 2017. « C’est à peu près comme un genre de Mange, prie, aime québécois sauf qu’elle ne rencontre pas l’amour et qu’elle fait juste du yoga. […] Je suis tombée sur ce livre en allant rejoindre une amie sur la Promenade Fleury dans Ahuntsic. J’ai bifurqué par une librairie en passant par là et j’ai demandé à ce qu’on me suggère quelque chose de beau. J’ai été ravie. C’est vraiment bon, je me suis sentie transportée. »

Ouverte et curieuse, Geneviève O’Gleman aborde la lecture à la façon d’un bon repas cuit en marmite ou en mijoteuse, un festin comme on n’en déguste jamais seuls. Comme pour la bouffe, son goût de la lecture s’ancre dans le partage.

Photo : © Maude Chauvin

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