L'initiative Les libraires conseillent répond à la demande des lecteurs avides de suggestions. Chaque mois, un comité formé d’une quinzaine de libraires établit, après moult discussions passionnées et passionnantes, une sélection de cinq livres. Essais, BD, romans jeunesse ou pour adultes, d’ici comme d’ailleurs, ces cinq livres sont mis de l’avant dans les librairies membres de notre réseau. Cette initiative est une belle occasion de promouvoir des livres jugés particulièrement remarquables, ainsi que de valoriser le rôle primordial de votre libraire. Voici la sélection de mai :

Les constellées
Daniel Grenier (Marchand de feuilles)

Si vous êtes du genre à toujours trouver de l’espace dans vos bibliothèques pour de nouveaux livres, non seulement vous casserez vous la tête à essayer de caser cette brique monumentale dans une étagère, mais ce bouquin fera exploser pour de bon votre pile de livres à lire. C’est que le projet d’écriture tient autant du journal de lecture que de l’exploration intersidérale à travers une constellation d’autrices toutes plus importantes les unes que les autres. Daniel Grenier était mandaté de ne lire que des femmes dans la dernière année par sa directrice littéraire aux éditions Marchand de feuilles. On peut dire que le résultat de l’expérience a de quoi satisfaire tous les appétits littéraires.

Analyses et réflexions personnelles autour des œuvres lues se suivent, mais ne se ressemblent pas au fil que les mois passent. Il faut dire que Grenier ratisse large en puisant partout dans la grande république des lettres, tout en multipliant les angles d’analyse. C’est ainsi qu’on se surprend à admirer des rapprochements inusités entre les livres d’Anne Hébert, de Maryse Condé et de l’Américaine Shirley Jackson ou encore, à se faire le témoin discret d’une conversation littéraire sur l’œuvre de Yoko Ogawa. Nous avons droit à des portraits fouillés de plusieurs grandes oubliées de l’histoire des lettres, sans oublier les sensations littéraires bien de chez nous, telles Naomi Fontaine, Fanie Demeule ou encore Martine Delvaux.

Sans l’ombre d’un doute, ces constellées guideront mes lectures pour les 15-20 prochaines années (au bas mot).
Gabriel Guérin, librairie Pantoute (Québec)

 

Les falaises
Virginie DeChamplain (La Peuplade)

Une jeune femme vient d’apprendre que l’on a retrouvé le corps sans vie de sa mère, rejeté par le Saint-Laurent sur une plage de la Gaspésie, qu’elle avait quittée sans avoir réellement l’intention d’y revenir. Elle va découvrir l’histoire de sa mère, mais surtout celle de sa grand-mère, à travers les journaux de celle-ci. Elle va faire la connaissance de la jeune barmaid du village, Chloé, mais c’est la rencontre avec elle-même qui marque le point de non-retour de la jeune femme.

Ce premier roman remarquable de Virginie DeChamplain dépeint avec sensibilité, mais de façon réaliste, la difficile communion entre trois générations de femmes que tout assemble pourtant! Il y est question d’affiliation et de racines. Où les planter pour se sentir vraiment chez soi, surtout quand tout ce que l’on désire c’est d’être ailleurs?

Les falaises, c’est un grand voyage poétique, beau et mélancolique… L’autrice nous transporte de la Gaspésie à l’Islande par les flots marins, les grands vents salins et les tremblements de la vie… Une jeune écrivaine à suivre!
Billy Robinson, librairie de Verdun (Montréal)

 

Le patron
Hugo Meunier (Stanké)

De prime abord, ce premier roman de l’infiltrateur en pyjama Meunier a tout pour insupporter. Un nouveau patron d’une salle de presse numérique en crise de la quarantaine tâchant d’instiller un minimum de déontologie à une génération autocentrée à l’extrême, le tout grassement saupoudré de référents culturels populaires et de proto-idéologies qui se propagent à la vitesse où les cons se reproduisent. Or, derrière les lunettes fumées à la mode qui servent généralement à pimenter les visages sans relief, on découvre plutôt un humour de franc-tireur, ajustant chaque fois sa mire pour atteindre précisément ce qui dépasse du poncif. Infatigablement, il varie la perspective, s’amusant des codes du roman policier pour passer à la satire avant de se faire plus grave lorsque le sujet l’exige (un fort propos féministe irrigue ce roman). Derrière la rectitude politique qui fait aujourd’hui façade, la société québécoise a-t-elle réellement changé depuis les années 80? En plus de se marrer un bon coup, c’est une des questions que l’on se donnera la peine de se poser avec le philosophe Meunier. Pour le dire plus clairement et être bien certain que vous ne pouvez vous tromper : on mange ici à tous les râteliers, et ce, avec une délectation qui régale autant qu’elle rassasie. Et puis qui sait, peut-être qu’au détour d’un attentat dans un spectacle d’Éric Lapointe il pourrait vous arriver de croiser deux ou trois bricoles qui ne sont pas censées exister sur ce versant de la réalité. Bref, abaissez votre garde et laissez-vous entraîner par ce charismatique roi de la jungle aux dents longues et à l’humour gargantuesque!
Thomas Dupont-Buist, librairie Gallimard (Montréal)

 

Ayiti
Roxane Gay (Mémoire d’encrier)

Dans chacune de ses nouvelles, Roxane Gay dépeint la diaspora haïtienne de l’intérieur, avec des personnages authentiques et lucides, aux aspirations à l’image du rêve américain. Par des histoires où les protagonistes nous rappellent qu’Haïti n’est pas seulement ce que l’on voit dans les médias, l’auteure nous invite dans l’intimité, dans le cœur de ces gens qui ne quittent jamais tout à fait leur pays. Parfois sensuelles, toujours décapantes, jamais mièvres, ces histoires, écrites avec une plume acérée et sans complaisance, nous plongent dans un univers certes rude, mais non moins fascinant.
Chantal Fontaine, librairie Moderne (Saint-Jean-sur-Richelieu)

 

Diane demande un recomptage
Marie-Renée Lavoie (XYZ)

Découverte dans Autopsie d’une femme plate après l’éclatement de son mariage, Diane est de retour dans ce roman drôle et émouvant, avec cette touche charmante que recèlent toutes les œuvres de Marie-Renée Lavoie. Bien entourée notamment par ses enfants devenus grands et sa meilleure amie, Diane jongle avec les aléas de la vie et réalise que malgré son quotidien occupé et accompli, elle aimerait avoir un homme auprès d’elle, surtout qu’elle a de l’amour à revendre.
Alexandra Mignault, revue Les libraires