Les éditions québécoises La Pastèque fêtent leurs 20 ans! Très appréciée des lecteurs et des libraires, cette maison dynamique et inventive possède un catalogue époustouflant. Beauté, créativité et originalité se constatent et se vivent au fil des pages.

Parce qu’on n’a pas tous les jours 20 ans, nous avons posé quelques questions aux fondateurs, Frédéric Gauthier et Martin Brault. 

Racontez-nous la petite histoire de la création des éditions La Pastèque.
La Pastèque a reçu ses lettres patentes en juillet 1998 et sa première publication, Spoutnik 1, a été publiée en décembre de la même année. Le projet a été créé par Frédéric Gauthier et Martin Brault.

C’est en écoutant une table ronde sur la bande dessinée québécoise au Salon du livre de Montréal en novembre 1997 que l’idée de fonder une maison d’édition nous est venue. Ce jour-là, nous avions eu droit au sempiternel constat pessimiste sur la bande dessinée québécoise. Nous avons eu alors envie de brasser la cage et d’insuffler un peu d’optimisme à cette morosité ambiante.

Nous voulions prendre le pari que les Québécois, comme les francophones d’Europe apprécieraient une bande dessinée plus personnelle, plus intimiste. Nous voulions mettre de l’avant nos talents et en développer de nouveaux.

Pouvez-vous nous pointer quelques moments charnières des vingt dernières années de La Pastèque?

La publication du premier livre de la série « Paul », Paul à la campagne en 1999. Nous en étions à notre troisième titre publié avec un maigre tirage de 500 exemplaires. Rien n’annonçait le succès qui allait suivre, bien que nous étions confiants de tenir un réel talent.

La publication du livre L’appareil qui nous a définis comme éditeur. En effet, avant la publication de ce titre, la plupart des gens nous connaissaient comme « l’éditeur des Paul », mais pas vraiment comme La Pastèque. Pour ce livre, nous avions une vision précise de ce que nous voulions accomplir et nous prenions de gros risques financiers. En investissant dans le design et dans la mise en marché, ce livre a connu un fier succès et a remporté plusieurs prix.

La publication de Harvey de Janice Nadeau et Hervé Bouchard en 2009 a été un livre marquant dans notre histoire. Nous avons pu travailler avec Janice pour développer l’album vers une ligne narrative près du roman graphique, donnant un souffle visuel au texte extraordinaire de Hervé Bouchard. Ce livre a remporté pour la première fois deux Prix du Gouverneur général du Canada en plus de nous ouvrir les portes à l’international pour les ventes de droits.

En 2013, nous avons présenté une exposition pour nos 15 ans au Musée des beaux-arts de Montréal, une autre première. Cette exposition, qui jumelait quinze de nos artistes à des œuvres du musée, a été présentée sur plus six mois et a reçu près de 75 000 visiteurs. Lors du vernissage, Le Devoir publiait une édition entièrement illustrée par des bédéistes, la plupart de La Pastèque. Un livre a accompagné cet événement historique.

Qu’est-ce qui caractérise La Pastèque?
La Pastèque s’est toujours définie par son souci du détail sur toutes les facettes de la production d’un livre. De la conception : design, travail typographique, choix du papier et de la reluire; à notre relation de proximité avec nos auteurs qui prennent part à la création de l’objet autant que la création du contenu. La Pastèque s’est aussi définie par sa prise de risque et d’innovation. Notre maison d’édition se donne comme défi de bâtir un catalogue cohérent, qui va se lire sur plusieurs générations.

D’où vient le nom La Pastèque?
Le nom vient du livre Sucre de pastèque de Richard Brautigan. Nous voulions un nom sympathique qui ne faisait aucune référence au monde de la bande dessinée.

Qu’est-ce qui vous aiguille dans le choix des ouvrages que vous décidez de publier?
Nous cherchons des auteurs et des dessinateurs qui ont un style unique avec qui on peut développer leur vision. Cette approche se valide aussi quand nous faisons des achats de droits. Nous sommes également alertes au niveau des tendances, mais ultimement ce qui nous allume, c’est de transposer la vision de nos auteurs.

Quels sont les plus grands défis auxquels doit faire face une maison d’édition comme la vôtre?
Un de nos défis est de faire face à la surproduction dans le monde de la bande dessinée et du livre jeunesse, particulièrement en Europe où ces deux milieux font face à un nombre élevé de publications chaque année.

Un autre défi reste de rejoindre les lecteurs à travers le prisme médiatique ou sur les réseaux sociaux. L’espace média s’est considérablement réduit dans les dernières années et cela reste un grand défi d’y faire sa place et donc de rejoindre notre public. Également, ça reste difficile pour une petite équipe comme la nôtre de croître, vu la taille de notre marché. Nous devons tous devenir des personnes multitâches, ce qui peut parfois épuiser nos ressources.

Pouvez-vous nous confier un ou deux moments qui font partie de vos plus beaux souvenirs? 
Frédéric : J’ai deux moments emblématiques. Le premier est lié à l’exposition des 15 ans où lors du vernissage, nous avons prononcé un discours devant plusieurs centaines de personnes qui venaient de plusieurs milieux. Ça été un moment marquant. Le second se déroule à Bologne en 2014 où nous savions que nous remportions le prix Ragazzi pour Le Noël de Marguerite d’India Desjardins et Pascal Blanchet, mais à notre grande surprise, nous avons remporté aussi le BOP (Best of Publishers) pour l’Amérique du Nord!

Martin : L’ouverture de la galerie-boutique en mars dernier. Ce nouvel espace nous offre une opportunité incroyable pour développer notre marché et créer de nouveaux liens avec notre milieu. 

Que souhaitez-vous pour les vingt prochaines années de la maison (projets en cours, rêves fous)?
Notre désir est d’assurer une meilleure présence en Europe francophone. Bien que nous y soyons présents depuis vingt ans, il reste encore beaucoup d’espace à prendre et de lecteurs à gagner.

Nous souhaitons solidifier notre équipe par une croissance contrôlée où la qualité ne sera jamais sacrifiée.

Avec notre nouvel espace boutique-galerie, nous commençons à développer une gamme de produits dérivés.

Sinon, nous souhaitons continuer à innover et à poursuivre nos projets exploratoires comme le projet Tout garni qui nous ouvre les portes de la production audiovisuelle avec deux projets de séries animées et le développement d’un jeu vidéo. Si tout va bien, cette branche production va nous permettre un développement plus large et nous donner de nouvelles possibilités de diffusion.

 

 

lapasteque.com

Sur la photo : Martin Brault et Frédéric Gauthier

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