Libraire d’expérience qui déploie actuellement ses talents à la librairie Carcajou à Rosemère, Maxime Nadeau dévore les livres. Tellement qu’il a décidé de prendre le micro de la station radiophonique CIBL pour en parler, encore et encore, et poursuivre son investigation littéraire, tel l’archéologue qui fouille les entrailles de la terre pour y découvrir l’origine du verbe.

L’émission Libraire de force, clin d’œil assumé à Ducharme, a pris d’assaut depuis peu les ondes interplanétaires. Avis aux oreilles intéressées!  

Quelle est la mission de Libraire de force?
De parler de littérature! L’espace médiatique accordé à la littérature est réduit à peau de chagrin, et ce qui reste dans les journaux et à la radio à grande diffusion est à mon sens insatisfaisant, pour rester poli. On tentera donc d’y parler de littérature sous toutes ses formes (romans, nouvelles, poésie, essais, théâtre, jeunesse, BD, etc.) de façon un peu plus pointue, tout en demeurant cordial et accessible, le but étant essentiellement de transmettre notre passion aux auditrices et auditeurs.

L’autre mission, c’est de faire partie du plan de relance de CIBL 101,5, radio communautaire de Montréal et véritable institution. J’ai eu la chance et l’immense bonheur de co-animer Poste-frontière et Lectures et châtiments avec Jeremy Laniel et Caroline Le Gal il y a quelques années, alors il était hors de question que je laisse la station en difficulté sans tenter quelque chose. J’y ai vécu tellement de beaux moments littéraires… La station est portée à bout de bras par une véritable armée de bénévoles passionnés et, ma foi, déchaînés! CIBL, c’est un formidable espace de liberté, un laboratoire d’une valeur inestimable. On nous fermera pas notre station aussi facilement!

Y aura-t-il des invités ou encore des intervenants réguliers? Comment est construite l’émission?
J’animerai seul cette fois-ci, mais l’émission reposera sur plein de chroniqueuses et d’intervenantes régulières. Si je mets le pied dans la porte de CIBL, c’est aussi pour y faire entrer d’autres passionnées et leur mettre un micro sous le nez. Bref, je veux donner la parole à des voix pertinentes qu’on n’a peu ou pas entendues. Votre lectorat aura l’occasion d’entendre des voix dont elle apprécie déjà la plume dans Les libraires : les chroniqueuses seront principalement des libraires.

L’émission demeure en développement et en conception même si la première a été diffusée. Sa construction demeurera souple, je crois. Il y aura des invités à toutes les émissions ou presque, au moins une chronique par émission, et des discussions à deux ou à plusieurs sur un seul livre. Je veux aussi couvrir la vie littéraire de Montréal en annonçant les événements à venir qui me semblent les plus intéressants et en parlant de ceux auxquels j’assiste.

Pouvez-vous me parler des grandes lignes de votre parcours littéraire?
Mon parcours littéraire… J’ai toujours beaucoup lu, mais cette passion pour la littérature s’est développée exponentiellement à partir de mes 16 ans, je dirais, à la découverte de Baudelaire et de Réjean Ducharme, grâce à un professeur extraordinaire, Monsieur Antonio Di Lalla. L’année suivante, c’était Miron, puis le Grand Choc quand j’ai vu Aut’ Chose et Lucien Francoeur pour la première fois à la télé. Après je me suis mis à foxer mes cours au cégep pour lire de la poésie à la bibliothèque d’Édouard-Montpetit. Le poète Claude Beausoleil lui avait généreusement fait donation de milliers de recueils.

J’ai étudié en littérature et en linguistique à l’UQAM, et j’ai travaillé deux ans dans une chaîne de librairies pendant ce temps, où la libraire Julie Pelletier m’a beaucoup appris sur le métier. J’ai aussi commencé à travailler dans des salons du livre à ce moment-là. J’ai un peu laissé de côté le monde du livre pendant mes études en linguistique, mais j’allais à la librairie de l’UQAM presque tous les jours. J’avais la piqûre, il était trop tard. Je me suis tranquillement résigné : je suis vraiment libraire de force! Le décès accidentel d’un ami très proche a fini par me faire envoyer valser les études pour vraiment devenir libraire à temps plein à la Librairie Monet. J’y ai vécu de fort belles années en apprenant beaucoup auprès de libraires d’expérience, Céline Bouchard en tête, et en organisant des événements, notamment mes Cabarets des Soirs rouges, des soirées de lecture de poésie. Pierre Monet et Anne-Pascale Lizotte m’ont accordé beaucoup de « temps de glace », et il en a résulté des soirées mémorables.

J’ai ensuite quitté Montréal pour joindre Michel Vézina à bord de la Librairie ambulante Le Buvard, une librairie ambulante dans un camion de pompiers modifié. Nous avons sillonné l’Estrie, avant de fonder Le Salon, Pub-Librairie, un bar librairie spécialisé en littérature tripante, en poésie et en micro-édition. Tournée en camion, l’été en camping pour vendre des livres, soirées du hockey poétique, tournée en Europe… C’était un beau délire, que le Buvard! J’ai cédé mes parts à Michel, qui continue le projet sans moi, et suis de retour à Montréal depuis quelques mois. Après une période à travailler ici et là comme libraire freelance, j’ai été embauché par la Librairie Carcajou, où j’ai le plaisir de travailler depuis quelques mois avec le libraire d’expérience François Dallaire et une belle équipe de passionnés.

Quelle est la plage horaire de l’émission et jusqu’à quand sera-t-elle diffusée? Est-ce sa première année d’existence?
L’émission sera diffusée les vendredis de 8 à 9 le matin et mise disponible en baladodiffusion sur le site de l’émission samedi ou dimanche. Libraire de force en est à ses balbutiements, et elle est programmée jusqu’à la fin de l’été. J’espère qu’elle durera quelques années, mais je devrai continuer de me mériter la confiance du comité de programmation de CIBL. C’est un privilège que d’occuper les ondes, et mes collaboratrices et moi bosseront dur pour que ça continue!

Pouvez-vous me faire part de votre top 5 personnel en matière de livres?
Ouf! Vous êtes dure avec cette question, Madame Beaulieu!

Comme ça, je dirais Les 120 journées de Sodome de Sade, les œuvres de Cioran, la poésie de Jean-Marc Desgent, le cycle Soifs de Marie-Claire Blais, et Hunter S. Thompson, mais c’est en me faisant violence de pas y inclure, en vrac, Dostoïevski, Kurt Vonnegut, Guy Debord, Josée Yvon, Proust, Anne Hébert, quelques Duras, Baudelaire, Saint-Denys Garneau, Ducharme, Rimbaud, Pizarnik, Svetislav Basara, Joyce, Kerouac, Murakami Ryu, Geneviève Amyot, Gérard Bessette, Ingeborg Bachmann, The Universal Baseball Association de Robert Coover, Gogol, Flaubert, et tant d’autres… Sans compter beaucoup de coups de cœur des cinq dernières années que je laisserai mijoter encore un peu avant de les inclure dans mon panthéon personnel. Le dernier date d’il y a deux semaines : Crapalachia de Scott McClanahan (Cambourakis). J’ai tendance à croire que c’est absolument génial, mais je vais essayer de redescendre un peu et de le refeuilleter avant de le proclamer haut et fort.

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