Les libraires craquent: littérature québécoise

Selfies : Autoportraits d’enfants du siècle

Que diriez-vous d’une visite dans un musée où chaque œuvre puise son éclat dans un questionnement qui refuse d’être timoré dans son miroitement? C’est dans ce contexte que Kiev Renaud se transforme en commissaire d’exposition, réunissant ces trente reflets fragmentaires souhaitant plus que jamais redéfinir l’autoportrait littéraire. Le résultat est un collectif qui donne le goût de prendre l’avion à répétition et de se lancer dans les airs chaque fois dans le seul but d’utiliser ces textes uniques comme des parachutes, de se laisser flotter par leurs différentes sensibilités. Angoisses, souvenirs, complexes et expérimentations; les réflexions à l’œuvre derrière ces selfies, on y pense tous les jours, et pas juste en se brossant les dents!

Monumentaux, illuminés

Monumentaux, illuminés est une œuvre qui s’ancre parfaitement dans l’imaginaire culturel, historique et littéraire québécois. Son auteur, Laurent Lussier, raconte les parcours superposés de cinq jeunes visionnaires québécois.es du XXe siècle, qui rêvent tous et toutes de mener le projet architectural révolutionnaire qui entraînera enfin le Québec et son territoire unique vers sa destinée. C’est parmi les projets aussi loufoques qu’ingénieux de la descendance des Gérin-Lajoie, des Cinq-Mars, des Crête, des Godin et des Bibeau que Lussier nous présente une véritable leçon historique, un imaginaire des possibles de notre univers québécois, tout en s’appuyant sur des références historiques et littéraires culturellement signifiantes.

Les détournements

Rien qu’à voir sa couverture, on sait qu’avec ce livre, on s’embarque dans quelque chose qui va nous brasser… et on n’y manque pas. En plongeant dans les détournements de Marie Demers, inévitablement, on plonge un peu en soi-même. Par le talent qu’elle a à manipuler les mots et par l’authenticité de ce qu’elle nous livre, l’auteure nous transporte, nous fait réfléchir sur ce qui nous entoure. Quelques éléments derrière le processus de l’ouvrage ont été débattus dans les dernières semaines… mais, à mon avis, ce qu’on ne peut remettre en question est la qualité de l’écriture qui nous est offerte. Loin d’être linéaires, l’histoire et les souvenirs s’entremêlent avec une fluidité captivante. Les images qui se dégagent des mots sont fortes, tout comme les émotions qu’elles suscitent.

Kanatuut

J’ai beaucoup aimé le mélange de modernité et de culture autochtone ancestrale de ce recueil. Ancrées dans le présent et ouvertes sur le monde (Nouvelle-Zélande, Hawaii, etc.), les nouvelles de Kanatuut mettent en relief divers aspects du monde autochtone (l’attachement au territoire et aux animaux, l’importance du rêve, etc.). Aussi, elles transmettent très bien le déchirement des Autochtones face à leur situation actuelle. À elle seule, la nouvelle « Refaire le chemin à l’envers » illustre à la perfection les pertes subies par les Autochtones et leur désir de retrouver leur identité. J’ai relu plusieurs fois le cri du cœur du carcajou Kuekuatsheu tellement il m’a ému. À lire absolument si la question vous intéresse!

Un lac le matin

Louis Hamelin nous transporte ici dans l’univers d’Henry David Thoreau, un auteur pour qui on lui sent tout de suite beaucoup d’affection. Pour ajouter une touche personnelle à cette histoire déjà bien connue, Hamelin imagine dans ce roman une amitié naissante entre Thoreau et un jeune coureur des bois canadien-français du nom d’Alex. L’écriture est également très proche de celle du célèbre auteur américain : la nature est omniprésente et le style est souvent contemplatif. Les amateurs de Walden se sentiront immédiatement chez eux!

Je parlerai des amélanchiers de Saint-Maxime-du-Mont-Louis

Un groupe d’amis loue une maison dans un village gaspésien. Ils vivent au rythme des semences, des plantations et des récoltes. Au gré des saisons et des floraisons apparaissent quelques nuages… Une propriétaire narcissique, des souris dans les murs, des amours blessés, des boutures avortées. Au fil de la lecture, le temps semble ralentir. La prose sensible et précise de l’auteur nous ramène au lien indéfectible qui nous unit à la nature, aux gestes et émotions qui composent chaque jour. On parcourt ce magnifique livre comme un journal, de fragment en fragment, une tasse de camomille à la main.

Camouflé dans la chair

Camouflé dans la chair est le troisième roman de Mathieu Leroux. Construit en deux parties, il relate la descente aux enfers du personnage et la réappropriation de son corps qui s’ensuit; comme dans son livre, Mathieu Leroux a perdu l’usage de son corps à la suite d’une pneumonie asymptomatique. Pendant plusieurs semaines, il est resté paralysé, dans un lit d’hôpital, ne pouvant communiquer que par le clignement de ses yeux. On découvre donc son quotidien, ses progrès et les liens qu’il crée avec ceux qui sont à son chevet. Des liens intimes et identiques que l’on retrouve dans la deuxième partie du récit, lors de sa découverte d’un sauna à Amsterdam, quelques années après sa paralysie. Ce roman, c’est la magnifique histoire d’un avant et d’un après, celle de la redécouverte d’un corps qu’on a pensé perdu.

Qimmik

Qimmik est bouleversant et choquant. Suivre la vie nomade d’un couple de jeunes Inuit avec leurs chiens bien-aimés pour ensuite assister au sort incompréhensible et cruel de ces bêtes par les Blancs nous laisse sans voix. Les Inuit respectaient leurs chiens et vice versa. En parallèle, une avocate prometteuse doit défendre un Inuk soupçonné d’avoir assassiné deux policiers de la SQ à la retraite. Comme le présumé meurtrier reste silencieux, les questions demeurent. Pourquoi aurait-il tué ces anciens policiers? Quel lien avec l’ignominie du geste posé envers les meilleurs amis de ses frères et sœurs de sang? Un récit qui informe autant qu’il touche et trouble.

Hexa

Thalie se sent à l’étroit dans la Cité emmurée. La moindre liberté doit être méritée et le climat est de plus en plus oppressant. Quand son père lui obtient un stage à l’extérieur sous le prétexte de reboiser les forêts du Nord avec sa mère, elle n’hésite pas longtemps. Dans la forêt, Hexa lutte pour sa survie et pour celle de l’enfant qu’elle porte illégalement. Nous découvrons ainsi au fil des pages des hommes et des femmes qui apprennent à vivre avec la Nature plutôt qu’à ses dépens. Gabrielle Filteau-Chiba aborde des thèmes très actuels et met en évidence comment nos sociétés exploitent par la même logique le corps des femmes et l’environnement. Elle nous montre surtout que ces forces naturelles ne sont pas prêtes à se laisser faire.

D’enfers et d’enfants

Ce roman se veut une plongée en apnée en plein cœur des confins de l’âme humaine. Là où détresse, noirceur et enfance se côtoient dans cinq tableaux troublants mettant de l’avant des personnages qui combattent leurs dilemmes moraux. La question qui plane tout au long de la lecture est : pourquoi enfers et enfants partagent-ils si souvent une proximité malsaine? On se retrouve donc aux côtés d’un couple s’entredéchirant sur l’identité de genre de leur enfant, d’un homme racontant ses crimes les plus tordus sur la tombe de sa mère, d’un enfant maltraité devenant le petit chien qu’il a toujours voulu. Le talent de Larry Tremblay de mélanger la poésie des mots aux recoins les plus sombres de l’esprit est mis de l’avant dans ce livre qui deviendra un incontournable en librairie.

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