Les libraires craquent: littérature étrangère

Slammed (t. 1) : Sans regret

C’est une romance qui raconte l’histoire de Laken, une femme de 18 ans, qui déménage subitement à la suite d’un drame familial. Son nouveau et mystérieux voisin, Will, aura une grande influence sur sa vie. Mais impossible d’en dévoiler davantage sans gâcher votre plaisir de lecture! Heureusement, la suite est déjà disponible; vous trouverez d’ailleurs ce voisin comme narrateur dans le second et avant-dernier tome. C’est un roman qui fait du bien, une histoire de coup de foudre comme on les aime. J’ai adoré les insertions de poésie, elles apportent beaucoup d’originalité et un rythme différent au texte en plus de venir confirmer la profondeur des sentiments des personnages. Vous tomberez sous le charme de la première série qui a fait connaître Colleen Hoover!

Ségurant : Le chevalier au dragon

Plus jeune, j’ai lu Le Cycle du Graal de Jean Markale, qui racontait la ligne la plus complète des histoires arthuriennes et des chevaliers de la Table ronde. Les notes de bas de page nous instruisaient des différentes variantes qui existent autour de ces récits. Quelle ne fut pas ma surprise de voir apparaître un chevalier, oublié de tous, reprendre vie grâce au médiéviste Emanuele Arioli! Ses recherches ont tranquillement fait surgir des archives et des musées ce très gourmand et invincible jouteur dénommé Ségurant. Curieusement, sa quête de prouver qu’il est le meilleur chevalier du monde le poussera à suivre un dragon imaginaire et, ironiquement, fera en sorte qu’il sera oublié de ses contemporains. Pour les passionnés du genre!

L’amour

Ah, l’amour! Les feux d’artifice, la passion… Mais est-ce seulement ça? Dans ce très court roman, François Bégaudeau raconte l’histoire d’amour sans feux d’artifice ni passion de Jeanne et de Jacques, et pourtant, on est ému.es et attendri.es. Cet amour qui se déploie dans le quotidien et la routine à travers les enfants, la maladie et l’évolution de la société et qui survit malgré tout. Malgré les défauts, les manies, les petits irritants et les pas de travers. L’auteur parvient à rendre crédible cette histoire d’amour qui dure cinquante ans — jusqu’à ce que la mort les sépare — en quelque 90 pages, dans une écriture caractérisée bien sûr par une économie de mots particulièrement redoutable. Un livre si court et si beau que l’on a envie de le relire sitôt terminé.

À mon frère

Elle est bizarre et a une tendance odieuse : elle idolâtre son frère chez qui elle squatte malgré ses revenus réguliers d’employée de bureau de poste, un job qu’elle déteste. Elle déteste beaucoup de choses et beaucoup de monde, il faut dire… surtout les nombreuses « possibelles » de son si séduisant frère, prétendantes au titre de petite amie officielle. Elle leur met de pervers bâtons dans les roues, autant qu’elle pourrit la vie de son propre amoureux, absolument transi. Bref, elle (on ne connaît pas son prénom et ce n’est pas grave) est pénible à souhait. Une anti-héroïne que l’on ne peut s’empêcher de trouver drôle et à laquelle on s’attache, avec son mal-être, sa lucidité empreinte de cynisme, ses idées lubriques et ses obsessions plus ou moins saines. Il y a du génie chez E. L. Karhu, par ailleurs dramaturge renommée en Finlande, qui signe un premier roman flamboyant, brillamment traduit par Claire Saint-Germain. Vous n’avez jamais rien lu de pareil, on peut vous l’assurer.

Les aiguilles d’or

Ce livre au petit format de Michael McDowell est d’une densité incroyable. Que ce soit dû aux personnages les plus colorés les uns que les autres ou bien aux événements qui défilent sans attendre la fin du précédent, il est très difficile de laisser tomber ce roman. Nous ne sommes pas dans le réalisme magique comme dans la série Blackwater, mais plutôt dans un réalisme pur et dur, du genre Les misérables, mais mélangé avec un film de gangsters. Un livre à lire quand vous ne voulez pas voir passer votre journée.

Les conditions idéales

Pour une personne issue de l’aide sociale à l’enfance, les conditions pour un épanouissement idéal sont rarement réunies. Quand Skander, un jeune Algérien de 10 ans, doit changer une seconde fois de foyer d’accueil, le gouffre insécurisant que provoque l’abandon s’agrandit. D’abord bon élève et curieux de nature, il voit sa personnalité se transformer auprès de sa nouvelle tutrice, madame Khadija. Elle l’initiera à certains rituels religieux, le trimballera dans ses tribulations marocaines et contaminera de manière significative sa relation à l’argent. Roman initiatique et autobiographique, cette histoire montre la longue route aux détours imparfaits de ces enfances en carence d’espoir et condamnées par le déterminisme social. Déjà lauréat du prix Envoyé par La Poste 2023 et finaliste pour les prix Goncourt et Renaudot, Mokhtar Amoudi fait son entrée en littérature par la grande porte!

Voix Éclairs Tonnerres

12 janvier 2010. Un séisme d’une violence inimaginable détruit Port-au-Prince. Des centaines de milliers d’Haïtiens perdent la vie, des millions d’autres en ressortent traumatisés à jamais. La force de l’inoubliable roman choral que consacre Myriam Chancy à ce désastre, c’est de rendre tangibles toutes sortes de tragédies personnelles qui en découlent, au moyen d’une dizaine de chapitres consacrés à autant de personnages tous reliés entre eux dans la vie d’avant. De la folie d’une mère qui a vu ses enfants périr sous les décombres aux viols de femmes dans les camps de réfugiés, en passant par l’inextinguible courage d’une vieille vendeuse de rue, l’autrice nous émeut d’une façon rarement vue. Ce livre a reçu l’American Book Award 2022.

Le portrait de mariage

1561. Voilà un an que Lucrèce, fille de Cosme de Médicis, a été forcée d’épouser à l’âge de 15 ans Alfonso, duc de Ferrare. Son époux vient de l’amener dans une forteresse isolée où la jeune duchesse est persuadée qu’il veut la tuer, lui dont elle a découvert les facettes peu reluisantes depuis leur union, vouée uniquement, elle le comprend, à lui assurer une descendance. Aux événements en cours s’intègrent des retours en arrière dévoilant la vie de Lucrèce au palazzo de son père à Florence. On y découvre une enfant sensible et douée pour les arts, fort différente du reste de sa fratrie, mais formée à l’obéissance pour son plus grand malheur. Un roman prenant, tant par l’écriture magique de l’autrice que par le récit de cette vie tragique.

Le roman de Jeanne et Nathan

Grand livre sur la mégalomanie et les dépendances de notre époque, Le roman de Jeanne et Nathan éviscère sans gants blancs l’existence de deux jeunes adultes en perdition. L’une, actrice pornographique qui désire interpréter les grands mythes grecs dans son plus simple appareil; l’autre, cinéaste raté et recyclé en professeur d’université. Leur désespoir finira par se rencontrer et fusionner jusqu’au syndrome de descente! Dans ce premier roman puissant et fichtrement intelligent, Clément Camar-Mercier ne ménage pas son lecteur et décrit sans fard les travers et obsessions grotesques de l’humain du XXIe siècle. La sexualité à outrance, l’addiction à la drogue et à sa propre image, tout ça est brillamment entremêlé et nous pète au visage. Pour les fans de Despentes, mais aussi de théâtre élisabéthain, car Camar-Mercier traduit Shakespeare et s’en inspire depuis maintenant dix ans!

Petit monde

Quelle histoire dérangeante et intrigante… La jeune Loly grandit dans une secte en Autriche avec sa mère. L’enfant voit cette dernière de moins en moins, car elle a été rétrogradée. Une hiérarchie arbitraire classe les membres suivant Kong, le gourou — « artiste » — égocentrique. Tous font des courbettes pour satisfaire le maître et monter en grade, alors que les enfants sont traités de manière odieuse et cruelle, sous l’aveuglement volontaire des « parents ». Georgia Doll dépeint une certaine réalité incompréhensible pour la majorité d’entre nous avec une plume crue et un regard sans filtre sur la perception des enfants du seul monde qu’ils aient connu.

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