Michel Désautels : Libre lecteur

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Admiré par le grand public comme par ses pairs pour ses talents de communicateur et son assurance souriante, Michel Désautels est un grand passionné d'équitation, de musique… mais aussi de lecture. Cela n'étonnera certes pas ceux qui savent que le journaliste et animateur vedette de Radio-Canada a passé quelques années à rédiger, presque par jeu, ce Smiley qui lui a valu le Prix Robert-Cliche du premier roman en 1998, bientôt suivi par une deuxième œuvre romanesque, La Semaine prochaine, je veux mourir. Après quelques rendez-vous téléphoniques ratés, Michel Désautels et moi avons pu échanger à la bonne franquette sur son plaisir de lire.

Quel type de lecteur êtes-vous ?

Je me définirais comme un électron libre, en ce sens où je n’ai pas forcément de genres favoris ni d’autel élevé à quelque écrivain que ce soit dans ma chambre. Je vous avouerai par contre que je lis de moins en moins d’œuvres romanesques. C’est à la fois à cause du travail, qui me pousse davantage du côté de l’essai, et aussi à cause d’une baisse d’intérêt pour le roman. Je lis de tout ou presque. Il y a bien sûr des genres qui me séduisent moins, le polar américain, par exemple. J’ai lu quelques titres à la mode il y a quelques années, sans que rien ne m’impressionne vraiment.

Comment choisissez-vous vos livres de chevet ? Vous qui travaillez dans les médias, êtes-vous sensible aux engouements de la faune médiatique?

Comme tout le monde, je suppose. Dès que j’entends quelqu’un parler avec enthousiasme d’un auteur que je n’ai jamais lu, je suis curieux. L’ennui, c’est que j’ai une mémoire très sélective, capable de retenir une quantité phénoménale d’informations tout à fait inutiles, mais aussi de laisser tomber des trucs plus capitaux. Heureusement, comme je fréquente les librairies, je finis toujours par me souvenir des titres qui m’avaient intrigués quand je les aperçois sur les présentoirs…

Vous souvenez-vous de vos premiers émois de lecteur ? Que lisait par exemple le jeune Désautels qui jouait dans la télésérie Rue de l’Anse ?

J’avais sept ou huit ans quand ma mère m’avait offert une édition abondamment illustrée de L’Illiade et de L’Odyssée. Ça m’avait évidemment complètement jeté par terre, d’abord parce qu’il y avait là-dedans un tas de choses que je ne comprenais pas. En termes de culture, c’était tellement loin de mon quotidien que je me sentais sur la planète Mars. Ensuite, vers dix ou douze ans, ç’a été Autant en emporte le vent, autre cadeau de ma mère, en édition de poche en anglais. Je ne maîtrisais pas encore la langue anglaise à l’époque, j’ai dû mettre un an à le lire, ça devait faire dans les 900 pages, mais ça m’a appris qu’on pouvait tripper aussi dans une autre langue que la sienne. Après, j’ai dévoré frénétiquement un tas de classiques de la littérature française, dont tout Balzac, et aussi Gabrielle Roy (Bonheur d’occasion), Gérard Bessette (Le Libraire) ou Réjean Ducharme (L’Avalée des avalés).

On imagine que votre passion nouvelle pour les chevaux a eu une influence sur vos choix de lecture récents !

C’est vrai, mais c’est presque l’effet du hasard. J’ai adoré entre autres ce roman de Jane Smiley, Le Paradis des chevaux, un pavé dont l’action se passe dans le milieu des courses hippiques et qui raconte en parallèle la vie de deux chevaux. J’ai lu aussi avec plaisir un essai de Linda Kohanov, Le Tao du cheval, qui traite du rapport entre les hommes et les chevaux. Il semble qu’on ait beaucoup plus de points en commun avec eux qu’on le croit, même si notre appartenance au modèle prédateur ne nous prédestine pas à nous lier avec ces bêtes. Et puis aussi ce très beau recueil de nouvelles, Quand les chevaux murmurent à l’oreille des hommes. Les trois textes signés Léon Tolstoï, Alexandre Kouprine et Carl Sternheim ont pour point commun d’être narrés par des chevaux et farcis de références concrètes à des chevaux mythiques qui ont réellement existé, à leurs maîtres, à des époques et des lieux loin de nous. Je savais avant de le lire que Tolstoï adorait les chevaux, mais j’ignorais qu’il avait prêté sa plume à l’un deux.

Plus récemment, quels romans ont trôné sur votre table de chevet durant les vacances ?

Cet été, j’ai emporté avec moi en vacances Les Âmes grises de Philippe Claudel et Elizabeth Costello de J. M. Coetzee, qui met en scène cette intellectuelle sud-africaine d’un certain âge qui voyage à travers le monde en compagnie de son fils, de conférence en cérémonie de réception d’un doctorat honorifique. À chaque escale, elle prononce des communications, participe à des débats et nous balade entre références mythiques, surtout gréco-latines, et considérations philosophiques ou écologiques, notamment pour la survie des espèces en voie d’extinction. Elle est dotée d’une culture encyclopédique et s’exprime de la manière la plus chiante qui soit, mais elle est très malade, et tout ça m’a donné l’impression que Coetzee en profitait pour nous faire pénétrer dans un esprit très brillant sur son déclin. C’est fascinant, même si je n’ai pas encore décidé si l’auteur se foutait de notre gueule ou s’il m’avait carrément hypnotisé avec ces discours à la fois rébarbatifs et hallucinants d’érudition.

Bibliographie :
L’Illiade et L’Odyssée, Homère, Flammarion
La Comédie humaine (4 tomes), Honoré de Balzac, Presses de la Cité
Autant en emporte le vent, Margaret Mitchell, Gallimard, coll. Quarto
Bonheur d’occasion, Gabrielle Roy, Boréal Compact
Le Libraire, Gérard Bessette, Pierre Tisseyre
L’Avalée des avalés, Réjean Ducharme, Folio
Le Paradis des chevaux, Jane Smiley, Rivages Poche, coll. Bibliothèque étrangère
Le Tao du cheval, Linda Kohanov, Ronan Denniel
Quand les chevaux murmurent à l’oreille des hommes, L. Tolstoï, A. Kouprine & C. Sternheim, Éditions Du Rocher
Les Âmes grises, Philippe Claudel, Stock
Elizabeth Costello, J. M. Coetzee, Seuil

Les romans de Michel Désautels :

Smiley, Michel Désautels, Typo
La Semaine prochaine, je veux mourir, Michel Désautels, VLB éditeur

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