La lecture a toujours pris une place de première nécessité dans la vie de la comédienne Magalie Lépine-Blondeau. Depuis toute jeune jusqu’à aujourd’hui alors qu’elle est porte-parole du Prix littéraire des collégiens, elle puise dans la littérature autant d’expériences qu’il y a d’œuvres.

D’abord amenée à la lecture par l’exemple puisque ses parents sont aussi de bons lecteurs, elle a poursuivi tout naturellement l’exploration du territoire qui lui apportait, selon ses propres dires, une richesse inouïe. « Quand on découvre la littérature très tôt dans notre vie, c’est par elle qu’on découvre le monde. C’est nos premiers voyages, nos premières amours, nos premiers émois, nos premiers deuils. Par le prisme de la littérature et de la fiction, on accélère le processus de ce que l’on s’apprête à vivre. » Les livres nous donnent des indices, des moyens, nous apportent une maturité précoce qui s’avère précieuse dans notre compréhension du monde.

La vie adulte et le travail sont venus réduire le temps consacré à la lecture, mais la comédienne prend bien soin depuis quelques mois de réintégrer ce phare qui lui permet de prendre ses repères. « De nos jours, il faut vraiment être vigilant pour que les Netflix et les réseaux sociaux de ce monde ne prennent pas toute la place », affirme-t-elle, se rappelant l’incommensurable prodigalité des livres. Ce n’est donc pas par dépit qu’adolescente elle passe, intensément absorbée, toutes ses heures de lunch à la bibliothèque municipale. « C’est là que j’ai découvert les vers de Racine, l’univers de Ducharme, Baricco, Duras. » Comme on peut le constater, Magalie Lépine-Blondeau n’est pas entrée en littérature par la porte de côté. Parmi la grande diversité des livres lus, quelques joyaux un peu plus lumineux que les autres, comme Le livre de l’intranquillité de Fernando Pessoa vers lequel elle revient souvent. « C’est l’œuvre d’une vie. Des réflexions très profondes, à la fois sur la spiritualité, sur l’art, tantôt avec une vision pessimiste mais toujours avec un regard pointu et cette langue sublime qui est la sienne. » Dans un autre ordre d’idées, elle cite La renarde et le mal peigné, une correspondance amoureuse entre Pauline Julien et Gérald Godin, un livre qui n’est jamais bien loin dans sa bibliothèque. Bonjour tristesse de Françoise Sagan subit le même sort, lu plus d’une fois; elle dit avoir besoin de revenir épisodiquement à cette œuvre-là.

Devenu très vite un incontournable dans le milieu et auprès du public lecteur, le Prix littéraire des collégiens a choisi Magalie Lépine-Blondeau pour porte-parole, un choix d’évidence. C’est avec fierté qu’elle assure le mandat. « Je crois à la prise de possession par les mots, et l’âge auquel s’adresse le Prix littéraire des collégiens en est un crucial, celui où apparaissent les premières manifestations des choix qu’on fait sur notre vie. » Elle insiste pour dire, en ayant elle-même fait l’expérience, qu’il n’y a pas de solitude dans la vie quand on côtoie les livres.

Les amitiés profondes
Si Magalie Lépine-Blondeau le pouvait, elle ressusciterait Simone de Beauvoir pour passer une semaine complète avec elle, ayant en réserve plusieurs questions à lui poser. « J’ai aussi un amour très profond pour Dany Laferrière. J’ai un attachement pour Haïti, son pays d’origine, où je suis allée. J’ai vraiment l’impression d’entretenir un rapport d’intimité avec sa plume, de connaître cet homme-là, alors que c’est faux. J’ai tellement partagé ma vie avec ses romans que j’aimerais le rencontrer pour poursuivre la conversation. » C’est souvent en amitié que l’on parcourt l’œuvre d’un écrivain.

Notre invitée a beaucoup de bons mots pour la littérature québécoise actuelle, qu’elle trouve réjouissante et inventive. Du côté de la France, il y a Leïla Slimani qu’elle a découverte avec Chanson douce. « C’est une œuvre assez coup-de-poing, j’ai hâte de voir où elle s’en va. » Elle en profite pour dire qu’elle déplore le fait qu’une parole de femme soit encore marginale et aimerait qu’on lui offre une vitrine plus importante.

Quant aux librairies, c’est chaque semaine qu’elle les visite. « Je me suis attachée à la librairie Drawn & Quarterly qui n’est pas loin de chez moi, c’est presque impossible que j’y aille et que je ressorte les mains vides. Le Port de tête est aussi un incontournable. J’aime les libraires là-bas, ils savent guider les lecteurs. » Elle mentionne également la librairie Du Square récemment ouverte sur Bernard. « Ces derniers temps, on dirait que j’ai envie de lire des essais, des réflexions qui vont nourrir la mienne. » Les thèmes explorés vont de la photographie à l’histoire du rap en passant par le cinéma québécois au féminin.

À part les livres de la sélection du Prix littéraire des collégiens trône sur la table de chevet de Magalie Lépine-Blondeau Écrire la vie, une anthologie de douze ouvrages d’Annie Ernaux. « C’est majeur comme apport à la littérature. En fait, je connaissais davantage sa démarche que ses écrits et il y a quelques années, j’ai offert le livre à une amie pour Noël; j’en ai été très jalouse! » Elle a finalement décidé de se faire aussi ce cadeau. Comme elle aime bien les correspondances, « c’est peut-être un petit côté voyeur », elle lit avec délectation les mille deux cent dix-huit Lettres à Anne de François Mitterrand. « Ça me touche d’autant plus de penser que ça s’inscrit dans le réel. »

Plaisirs coupables
Elle dit dans un rire : « J’adore lire des polars, mais ce n’est pas toujours une lecture que j’assume. Il y a de grands polars, certains sont de véritables études sociologiques, mais reste que c’est un peu un plaisir coupable, donc j’essaie maintenant d’en lire un seul par année. » Zulu de Caryl Férey l’a beaucoup marquée. Philip Kerr et Henning Mankell font aussi partie de ses préférés. Elle a également une véritable passion pour le livre jeunesse, la variété proposée, les illustrations souvent superbes. Elle en possède plusieurs, notamment ceux qui traitent du monde animal. « Et dans la continuité de mon amour pour Dany Laferrière, j’offre souvent Je suis fou de Vava, il n’y a aucun enfant autour de moi qui n’a pas cet album. »

C’est un peu plus tard qu’elle aborde la bande dessinée avec entre autres Persepolis de Marjane Satrapi, qui lui donne envie de continuer à découvrir le genre. Depuis, elle est devenue une grande fan des romans graphiques de Guy Delisle, de ceux de Joe Sacco, et a adoré L’Arabe du futur de Riad Sattouf. Bref, des bandes dessinées qui racontent le politique à travers le personnel. « La littérature, c’est une façon de transmettre mais aussi de revisiter l’Histoire, c’est un peu notre mémoire collective en même temps qu’une réflexion sur le monde. » Notre lectrice parle de « l’impudeur » que nécessite l’acte d’écriture grâce auquel les auteurs arrivent à « sonder profondément l’âme humaine ». Celui qui ouvre un livre a la possibilité d’en tirer force et inspiration, quand ce n’est pas simplement de la beauté.

Photo : © Julie Perreault

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