Les Denis Drolet : Théâtre, BD et jeux de société

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    L’un se caractérise par ses incisives avancées – lui, c’est Vincent Léonard – et l’autre fait office de barbu bourru – lui, c’est Sébastien Dubé. Cela fait maintenant quinze ans que le duo Les Denis Drolet fait rire le Québec avec son humour toqué et ses drôles de chansons. Mais voilà que pour nous, les deux comparses délaissent leur veston brun le temps d’une jasette littéraire.   

    Liés depuis des lunes, Sébastien et Vincent mettent pour la première fois le feu aux planches pendant la finale de « Cégeps en spectacle » en 1999. Depuis ce temps, l’inénarrable paire n’a cessé de faire des siennes, de l’École nationale de l’humour jusqu’à la tournée de « Comme du monde », son troisième spectacle dont le texte intégral, truffé d’inédits, de passages censurés, de photos inusitées et d’illustrations concoctées par le Denis à palettes, est sorti en librairie le 6 mai dernier.

    Au début de leur carrière, Les Denis Drolet pouvaient passer des nuits blanches à écrire des sketchs ensemble. Maintenant que chacun des complices a sa famille, la formule est un peu différente – la routine du quotidien oblige. C’est habituellement Vincent qui écrit les premiers jets des spectacles qu’il envoie ensuite à Sébastien. Celui-ci les retravaille, les commente, les resserre ou en relâche le rythme. C’est à travers la dramaturgie qu’ils ont puisé leurs premières sources d’inspiration. Car si dans l’enfance ils ont d’abord été happés par la lecture à travers la BD, Vincent avec « Tintin » et Sébastien avec « Astérix » puis « Léonard », c’est le théâtre qui s’impose dès l’adolescence. L’univers éclaté et inventif de Claude Gauvreau les a profondément marqués et ils ont été conquis par le génie de l’absurde, Eugène Ionesco, chez qui ils trouvent encore matière à inspiration. « Il y a des connexions; c’est un type d’humour qu’on avait déjà, qui était assez naturel chez nous même si, chez Ionesco, il y a une dimension qu’on n’a pas chez Les Denis Drolet – chez Ionesco, il y a souvent une critique sociale ou un fond plus dramatique dans son écriture. Mais sur le plan de l’humour et du non-sens, Ionesco est une grande inspiration », précise Sébastien. Ce dernier en profite pour nous parler de son grand frère écrivain, Martin Dubé, aux influences similaires et qui a publié récemment le roman Yannick dans la série « Cobayes », « un bon thriller, avec des moments justement un peu absurdes, un peu éclatés » qui ne sont pas sans rappeler l’humour du duo infernal.

    Au Cégep Lionel-Groulx, Vincent choisit comme champ d’études le programme « Lettres ». À 18 ans, il découvre avec fracas Les misérables de Victor Hugo. Mais par-dessus tout, le livre phare qu’il continue de relire régulièrement et qui constitue un lieu de ressourcement nécessaire demeure Le grand cahier d’Agota Kristof. Quand viendra le tour de Sébastien de nous parler d’une œuvre marquante, il évoquera également ce livre troublant qu’il a découvert à l’adolescence.

    S’il délaisse la lecture au début de l’aventure des Denis Drolet, Vincent y revient en force avec le roman graphique : « Ça a commencé avec Maus d’Art Spiegelman. J’ai été foudroyé. Maintenant, je suis toujours à la recherche de l’image qui accote le roman et qui vient mettre une touche de cinéma dans tout ça ». Il s’est donc laissé émouvoir par les « Paul » de Rabagliati, par Persepolis de Marjane Satrapi et dernièrement, la série « Blast » de Manu Larcenet n’a pas démenti sa passion pour la fiction graphique. S’il n’est pas très friand du genre humoristique en matière de littérature, lui préférant des histoires ancrées dans la vérité, il avoue avoir bien rigolé à la lecture de Hyperbole, un récit illustré d’Allie Brosh qui raconte avec dérision les souffrances causées par la dépression: « Les illustrations sont faites avec le programme Paint sur l’ordinateur, alors c’est un peu cheap (rires), mais tout va bien ensemble, l’objet est vraiment merveilleux ». Sébastien, quant à lui, se souvient de « l’humour grinçant » de Gotlib qu’il dévorait étant adolescent et se rappelle avec grand plaisir l’esprit intelligent de Woody Allen dans le livre Destins tordus.

    S’il pouvait choisir de rencontrer un personnage de fiction, Vincent aimerait bien se « payer la tête de Tournesol dans Tintin », jugeant que les autres protagonistes des livres qu’il a aimés « sont peut-être un peu trop tourmentés ». De son côté, Sébastien aimerait voir s’incarner devant lui l’inspirante Alice de l’univers riche et complexe de Lewis Carroll pour s’entretenir avec elle de « son fameux bad trip ».

    Sébastien avoue consacrer moins de temps à la lecture que son acolyte. Comme il est un grand amateur de jeux vidéo et de jeux de plateaux d’envergure, dont une seule partie peut durer de 5 à 6 heures, il épluche fréquemment… les livres de règlements. C’est d’ailleurs ce qui se trouve actuellement sur sa table de chevet. Il peut ensuite instruire ses invités quand vient le temps de se faire une partie entre amis, avec les copains des Appendices, par exemple (on imagine les soirées que ça peut donner!).

    Quand vient le temps de parler du rôle que joue la littérature dans nos vies, c’est avec ferveur que Vincent s’exprime : « Ça nous apporte tellement, ça ouvre sur l’imaginaire, ça nous transmet l’amour des mots; chez nous, j’ai trois enfants, et je peux vous dire que l’engouement pour la lecture est vraiment quelque chose de partagé et d’essentiel. » Il est d’ailleurs en train d’accompagner sa fille de 8 ans dans sa lecture des « Harry Potter », entrecoupée par celle du Petit Prince de Saint-Exupéry.

    Lorsque Les Denis partent en tournée, Vincent tente toujours de dénicher « la petite librairie, l’endroit caché » qui lui ouvrira le coffre aux trésors. Amateur de lecture mais aussi d’écriture et de dessins, il est d’autant plus heureux d’avoir réalisé le premier livre du duo et confie qu’il aimerait plus tard exploiter davantage le médium avec la création d’un album graphique sous son propre nom. Sébastien aussi est fier de ce premier livre publié – un précédent dans le domaine de l’humour –, qui rejoint l’époque du secondaire où ils montaient des pièces comme Les voisins de Claude Meunier, imaginant que d’autres pourront le faire avec cette fois-ci les dialogues des Denis Drolet.


    Photo : © Jocelyn Michel

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