Jean-Philippe Wauthier : Soif de savoir

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    Il partage l’animation de Deux hommes en or et de La soirée est (encore) jeune, en plus d’être aux commandes de l’émission de variétés Les dieux de la danse, dont l’auditoire a atteint cette année le million de téléspectateurs. Tandis que l’acuité de son regard sur le monde en fait un interviewer estimé, son aisance naturelle lui apporte popularité.

    Bien que nous serions tentés de dire qu’il a tout pour lui, Jean-Philippe Wauthier se doit tout de même de rester constamment au fait de l’actualité pour mener ses entrevues avec l’adresse qu’on lui connaît. Et c’est entre autres à travers ses lectures qu’il recueille ses informations. S’il a abordé le roman par le passé, il se concentre désormais sur des écrits qu’il qualifie lui-même d’« utiles », c’est-à-dire qui lui serviront dans les fonctions de son travail. Il ne s’en plaint pas. Ayant étudié en sciences politiques, tout ce qui concerne le sujet a l’heur de lui plaire. La lecture des journaux, il en a donc fait son pain quotidien.

    Avant les grandes études, Jean-Philippe Wauthier était déjà un lecteur. Ayant récemment « forcé » sa blonde à écouter le film Le seigneur des anneaux, cela lui a rappelé le moment où à 12 ou 13 ans, il lisait avec ambition la trilogie de Tolkien. La série des Sherlock Holmes, le célèbre détective créé par Arthur Conan Doyle, fait aussi partie des bouquins qu’il a fiévreusement engloutis. Il se souvient encore de la déception ressentie après qu’il ait épuisé la lecture de la collection complète.

    Wauthier a fréquenté le Liberal Arts College de l’Université Concordia à Montréal, où il avait à lire deux à trois livres par semaine. Platon, Cicéron et un grand nombre des classiques de la philosophie et des sciences humaines et sociales étaient au programme. « Au début, tu les lis parce que tu n’as pas le choix, explique-t-il. Après, tu les lis parce que tu trouves ça intéressant. » Parmi toutes ces propositions, il affine ses propres intérêts, lesquels s’orientent vers les ouvrages historiques. Ces derniers temps, il a mis la main sur Le journal du Diable de Robert K. Wittman et David Kinney, l’histoire du cahier retrouvé d’Alfred Rosenberg, un des idéologues nazis qui était très près d’Hitler. « La Deuxième Guerre mondiale, c’est pas mal ma grosse affaire, j’aime beaucoup ça », précise le féru d’histoire. Dans une tout autre matière, il s’est captivé pour S.P.Q.R. : A History of Ancient Rome de Mary Beard. « C’est le livre le plus récent et le plus complet sur la ville de Rome », explique-t-il. Il y revient souvent, lisant un chapitre de-ci de-là qui le replonge chaque fois dans l’évolution fascinante de la grande cité. Plus près de nous, la découverte de l’Amérique s’est laissée lire avidement par Wauthier avec 1491 : nouvelles révélations sur les Amériques avant Christophe Colomb et 1493 : comment la découverte de l’Amérique a transformé le monde, tous deux écrits par l’Américain Charles C. Mann.

    Ces quelques exemples font déjà état de la grande diversité des thèmes qui stimulent Jean-Philippe Wauthier. En effet, il ne semble pas y avoir de limites à sa quête de connaissances. Pour entériner ce constat, il continue dans la même lancée en évoquant cette fois-ci l’essai Sapiens : une brève histoire de l’humanité de Yuval Noah Harari. L’auteur y scrute notre passé pour tenter d’entrevoir notre avenir, ce qui apporte au lecteur, en plus d’une somme considérable de lumières, le délice de la réflexion. L’humour n’échappe pas aux goûts du lecteur curieux. « Il y en a un que j’ai acheté, mais que je n’ai pas encore commencé, c’est Seinfeldia, l’histoire de la création du sitcom américain Seinfeld. Ça, c’est mon genre de livre », déclare Wauthier, manifestement enthousiaste.

    Même s’il lit peu de fiction, il s’est laissé happer cette année par Naufrage de Biz : « Ça faisait longtemps qu’un roman ne m’avait pas jeté à terre comme ça! », s’exclame-t-il sans réserve. « Il a beaucoup mûri dans son écriture, ajoute Wauthier. Dans Naufrage, il n’y a pas un mot de trop, c’est exactement à la bonne place. » Il a aussi lu Faims de Patrick Senécal, y trouvant une écriture sans complexe et d’une simplicité efficiente. Wauthier ajoute qu’en plus, « la personne Senécal est franchement intéressante. C’est vraiment quelqu’un de fascinant à découvrir. » Pour continuer avec les Québécois, il a adoré Hollywood de Marc Séguin, qu’il aime autant en tant qu’auteur que peintre, et a lu dernièrement Vi de Kim Thúy, une auteure dont il ne se lasse pas.

    L’ascendance de Foglia
    Jean-Philippe Wauthier a un attrait particulier pour la chronique. Selon lui, Pierre Foglia en est un des maîtres incontestés. Il le lisait assidûment, d’abord parce qu’il partageait avec lui la passion du vélo, mais également et surtout pour le style bien personnel de ses écrits que notre invité n’hésite pas à qualifier d’« exploits littéraires ». Par la même occasion, il y glanait les conseils de lecture du chroniqueur : « Je lui faisais confiance, il a eu une grande influence pendant longtemps », estime-t-il. C’est à travers lui que le jeune Wauthier a fait la découverte de nombreux auteurs qu’il a continué par lui-même à explorer.

    Parmi le florilège de ses lectures marquantes, Jean-Philippe Wauthier retient Chien blanc de Romain Gary qui selon lui n’a pas vieilli d’un iota. Publié en 1970, ce roman à teneur autobiographique raconte l’Amérique et son racisme ambiant. Le « chien blanc » est le nom donné aux chiens dressés spécialement pour attaquer les Noirs. Gary et sa compagne, l’actrice Jean Seberg, font la connaissance de Batka, un berger allemand imposant qui se révèle être un de ces chiens blancs. Tandis que Seberg milite pour la cause des Noirs américains, Gary entreprendra, avec l’aide d’un ami, de faire la rééducation du chien. Justice et espoirs humanistes nimbent les pages de ce récit. Une autre œuvre primordiale pour notre libraire d’un jour est La condition humaine d’André Malraux : « L’écriture est assez complexe, mais ça venait toucher mes intérêts pour l’histoire. » Cette œuvre raconte le soulèvement de révolutionnaires communistes dans Shanghaï.

    « Il y a du génie dans tout, mais la littérature est cet art intemporel qui a une importance majeure, je dirais même principale, parce que c’est à travers elle que les sociétés se sont exprimées et s’expriment encore aujourd’hui, constate Wauthier. Inévitablement, on va lire Tolstoï pour comprendre la Russie de l’époque, comme on va lire Michel Tremblay pour comprendre le Québec du XXe siècle. » Il possède également quelques-uns de ces livres qu’il reprend de temps à autre et qui agissent comme repère dans sa vie. C’est le cas par exemple des Pensées de Pascal. « Tu te rends compte que la littérature, quelle qu’elle soit, tu peux la ressortir de temps en temps pour te rappeler quelque chose ou pour t’inspirer. » Une mine intarissable pour la soif inextinguible de Jean-Philippe Wauthier.

    Photo : © Julie Perreault

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