La culture japonaise est de plus en plus présente en Occident, les restaurants à sushis n’étant plus d’un exotisme délirant et les tavernes japonaises poussant ici et là dans les quartiers branchés. Si vous souhaitez vivre une incursion tout en humour et en authenticité dans le pays du Soleil-Levant ou si vous comptez visiter les contrées nipponnes sous peu, le faux guide de voyage Zviane au Japon (Pow Pow) saura vous plaire et vous instruira grâce à quelques petites recommandations d’usage!

Dans Zviane au Japon, vous mettez en évidence plusieurs éléments du quotidien nippon qui diffèrent de ce à quoi un Occidental est habitué (comment fonctionnent les toilettes, le sens de la circulation, les machines distributrices, les particularités de l’écriture japonaise, les mœurs et habitudes observées, etc.). Une fois le projet entamé, est-ce que nécessairement votre attention a été portée davantage sur ces différences qu’avant que vous ne vous décidiez à colliger le tout sous la forme bédéesque? Avez-vous dessiné l’entièreté de cette BD en sol japonais?
C’est sûr que je me suis mise à observer plus, mais je dirais que le principal facteur qui me faisait observer, ce n’est pas tant les BD, mais les stories sur Instagram. Je traînais un routeur portatif qui me permettait d’avoir accès à Internet tout le temps; et souvent, je m’arrêtais pour filmer un petit quinze secondes de ce qui me semblait intéressant, pour le montrer aux gens qui me suivaient sur Instagram. Des pancartes routières, de la bouffe bizarre, des lieux enchanteurs, des systèmes absurdes… Je racontais aussi parfois les bourdes que j’avais faites, les questions que je me posais. C’était assez spontané.

Filmer quelque chose, c’est plus immédiat et chaotique qu’une bande dessinée, mais c’est plus proche de l’observation : c’est brut et pas du tout synthétique.

Les BD, je les faisais avant de me coucher dans mon Airbnb à Kyoto. Je trouvais un thème pendant la journée, je notais des trucs quand j’avais des idées ou quand je voyais des choses, et le soir, avec une boisson bizarre et la télé ouverte, je me laissais aller dans les petits dessins, d’après ce que j’avais remarqué. C’était plus travaillé que les stories, mais ça restait quand même spontané : il n’y avait pas de crayonné et à peu près pas de découpage, j’y allais direct. Les BD me permettaient aussi de raconter des petites anecdotes drôles, qui se racontent plus facilement avec la synthèse que m’offre la BD.

Quel a été votre plus grand défi pour la confection de cette BD ? Faire attention à ne pas tomber dans les clichés raciaux? Écrire loin de votre bureau de travail habituel ou de vos habitudes?
Oh là là! Ça n’a pas été très difficile à faire ! Je faisais ces petites bandes dessinées pour m’amuser, je les mettais sur Instagram; honnêtement, je n’y vois pas beaucoup de « défi » à proprement parler. Et les clichés, je m’en balance un peu. Je raconte ce que j’ai observé, que ce soit cliché ou pas, pour moi, c’est la vérité qui compte. Sinon, je suis habituée de travailler sur d’autres bureaux que le mien, donc ça non plus, ça n’a pas été trop toffe. La partie la plus difficile a probablement été d’adapter les pages pour en faire un livre. Le contenu diffusé sur Internet est plus éphémère, donc on se prend moins la tête pour faire quelque chose d’irréprochable. Le livre, je sais qu’il va durer, qu’il va circuler, qu’il va rester sur des tablettes de bibliothèques; il faut que je donne le meilleur de moi-même! J’édite ma propre revue depuis maintenant deux ans, j’ai développé une petite passion pour l’édition de livres, donc même si je devais respecter les contraintes des éditions Pow Pow, je m’en suis donné à cœur joie pour créer un petit objet joli et su’a coche.

En 2017, vous avez fait partie de la cohorte de bédéistes québécois invités pour l’exposition sur l’histoire de la BD québécoise intitulée « Connaissez-vous la bande dessinée du Québec? La BDQ en 25 moments et 7 auteurs », présentée au Musée international du manga de Kyoto, mais aussi ailleurs dans le monde. Ce fut, en fait, la raison de votre visite au Japon, qui a donné naissance à Zviane au Japon. Quel a été l’impact, au Japon comme ici, de votre visite, de votre exposition et de vos conférences sur le milieu de la bande dessinée québécoise? De quelle façon est perçu le travail de nos bédéistes d’ici par-delà les océans?
Ça m’a beaucoup surprise que le Japon s’intéresse à la bande dessinée québécoise, le manga étant tellement fort dans leur culture. J’ai cru comprendre qu’il y a, depuis quelques années, des petits groupes de passionnés qui s’ouvrent à la bande dessinée à travers le monde. J’ai entre autres rencontré Masato Hara, un traducteur du français au japonais, qui se spécialise dans la bande dessinée. Il me racontait qu’il avait créé un cercle de Japonais curieux qui se rencontrent quelques fois par année pour se faire découvrir des bandes dessinées internationales. L’expo sur la BD québécoise l’a amené à découvrir plein de titres, et j’ai vu plus tard sur Twitter qu’il les avait montrés aux membres de son groupe. Là, en ce moment, à moins que je me trompe, ils s’intéressent à la bande dessinée d’Argentine!

Il y a aussi quelques artistes japonais qui sont venus au Festival de BD de Montréal cette année, il s’y est fait des rapprochements, un petit projet de collectif est d’ailleurs en chantier. Tout ça, je trouve ça pas mal le fun! Mais bon, on ne se le cachera pas : les échanges culturels sont plus faciles en anglais qu’en français… Et même… Je discutais d’ailleurs de ça avec mon ami pianiste Charles Richard-Hamelin, qui s’est retrouvé à Tokyo en même temps que moi pour une tournée. De mon côté, c’est difficile de partager mes livres, puisqu’ils sont en langue française, et que la plupart des Japonais ne parlent pas français. Même l’anglais, des fois, ce n’est pas évident. Charles, il s’installe au piano, il joue une œuvre de Chopin et il se fait comprendre instantanément.

Illustration : © Zviane

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