Manon Trépanier : Pour le meilleur et pour les livres

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Première récipiendaire du Prix d’excellence de l’Association des libraires du Québec, Manon Trépanier, copropriétaire de la librairie Alire de Longueuil, parle de sa voix douce d’une passion dévorante. Portrait d’une intense pour qui l’amour des livres, c’est l’amour de la vie, et vice-versa. 

« Un jour, j’ai ouvert la porte de l’arrière-boutique et Robert m’a dit : “Oh mon Dieu, préservez-moi de cette fille!” », se rappelle, mi-amusée, mi-émue, Manon Trépanier. Nous sommes en 1988 et la jeune vingtenaire vient tout juste d’être embauchée comme libraire par Robert Leroux, propriétaire de la librairie Alire de Longueuil. « C’est lui qui m’avait fait passer l’entrevue et j’avais eu un coup de foudre autant pour la job que pour l’homme. Dans ma tête, je m’étais dit “Je veux épouser ce gars-là et je veux cette job-là.” Et j’ai eu les deux! J’en parlais aux représentants, j’en parlais à tout le monde, de Robert. » C’est à l’encre du plus heureux des romans que ceux que leurs fidèles clients surnomment les libraires amoureux allaient écrire la suite de leur histoire et se dire « Oui, je le veux », pour le meilleur et pour les livres, en 1998. Le cadeau de Robert à son épouse? Des parts de sa librairie. Leur librairie.

Infirmière? Pâtissière? Astronaute? C’est du métier de libraire que rêve, enfant, la petite Manon, son imaginaire nourri par les histoires que lui raconte sa mère le soir. « Je rêvais d’être bibliothécaire, en fait, comme il n’y avait pas vraiment de librairie à Grand-Mère, où j’ai grandi, se souvient-elle. On achetait des livres chez Bonbons Thérèse. »

La première récipiendaire du Prix d’excellence de l’Association des libraires du Québec, remis en mai dernier, et nouvelle présidente de la Commission du livre et de l’édition spécialisée de la SODEC, envisage aujourd’hui son rôle comme celui d’une… entremetteuse! « Un libraire, c’est un accompagnateur qui t’aide à tomber en amour avec un livre, à rencontrer celui qui peut faire une différence dans ta vie », résume de sa voix apaisante cette femme intense, qui ne connaît pas de petits enthousiasmes et parle avec une douce ivresse des romans qui la ravissent.

De Cupidon littéraire à authentique organisatrice de mariage, il n’y a qu’un pas que Manon Trépanier franchissait, janvier dernier, en transformant la chaleureuse enceinte d’Alire en sanctuaire de l’amour où Francis Farley-Chevrier, directeur général de l’UNEQ, et Marie-Ève Lefebvre, éditrice aux Éditions du CHU Sainte-Justine, ont uni leur destinée. « Moi, j’aime ça les mariages! », confie la libraire dans un des nombreux grands éclats de rire qui ponctuent la conversation. « Je ne me pouvais plus quand Francis m’a demandé ça. À mon grand étonnement, Robert aussi ne se pouvait plus. Il a même repeint les toilettes, à l’arrière, pour bien recevoir les invités! »

Malheureusement, cette passionnée de l’amour serait contrainte de suivre à distance la cérémonie, la faute à une grippe carabinée. « Je pleurais chez nous en mangeant ma soupe aux légumes, raconte-t-elle, une grosse note de déception dans la voix. Robert me textait des photos. C’était fabuleux quand même de voir ça. Écoute, un mariage dans une librairie! »

Manon à la radio
« Bonsoir Emmanuel! », lance le dimanche soir sur les ondes de la radio de Radio-Canada Manon Trépanier, en chœur avec ses collègues français, belge et suisse de l’émission La librairie francophone. « C’est vraiment un bonheur et un défi, une des plus belles choses qui me soit arrivée », confie-t-elle au sujet de cette tribune grâce à laquelle la libraire-vedette se double désormais d’une critique littéraire. « Pouvoir communiquer sa passion à deux millions de personnes en même temps, c’est fort. Ça me procure de belles rencontres, avec l’animateur Emmanuel Khérad d’abord, et avec les écrivains invités. Les auditeurs québécois sont généralement assez discrets, mais il y a des Européens qui font un détour par Alire seulement pour mettre un visage sur la voix qu’ils entendent et me demander de leur conseiller un livre. C’est toujours flatteur. »

Quel livre occupe le cœur de Manon ces jours-ci? « L’orangeraie de Larry Tremblay! », répond-elle sans une seconde d’hésitation. « C’est magnifique. C’est l’histoire de deux jumeaux qui vivent sur l’orangeraie familiale dans un pays plein de soleil. Un jour, un bonhomme débarque avec une ceinture d’explosifs et force les parents à choisir un des deux enfants. C’est dur, mais il y a quand même une parole d’espoir. Ça fait quelques semaines que je l’ai lu et plus j’y pense, plus je suis bouleversée. Il faut dire que je suis une fan finie de Larry Tremblay. Je lui embrasserais les pieds tellement je l’aime. » Une intense, qu’on vous disait. 

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