Nicole Bordeleau, connue notamment pour ses ouvrages de croissance personnelle, comme L’art de se réinventer et Revenir au monde, propose cette fois un premier roman, S’aimer, malgré tout. Elle nous raconte ainsi Édith, 36 ans, qui peut se targuer d’avoir une belle carrière. Mais alors qu’elle performe et que son travail prend beaucoup de place dans sa vie, elle est épuisée et vulnérable, ainsi que dépendante à l’alcool. Un jour, en raison d’une trahison, elle perd son emploi. Elle se tourne alors vers les journaux intimes de son père et apprend que les empreintes du passé peuvent être oppressantes. Elle devra se délester de son mal existentiel, chercher un sens à sa vie et découvrir qui elle est vraiment.

Vous avez écrit plusieurs ouvrages de croissance personnelle. Pourquoi avez-vous eu envie d’écrire de la fiction cette fois-ci?
J’ai l’impression de ne pas avoir eu le choix, il me fallait le faire. J’étais à l’écriture d’un autre livre lorsque cette histoire m’est revenue avec une telle force. Quelques années auparavant, j’avais tenté de lui donner forme, en vain. Mais un beau matin, j’ai compris que le jour était arrivé. Je l’ai ressenti comme une injonction. Je n’avais aucun pouvoir de négociation. Je devais l’écrire.

Mais chaque matin, j’avais l’impression de me rendre au bord d’un précipice, car je ne savais que le début de cette saga familiale. Le reste, je l’ignorais. Je me rendais donc à ma table de travail sans savoir ce que j’allais écrire ni vivre à travers mes personnages. Il me fallait leur faire confiance et suivre le fil conducteur que me tendait chaque personnage. Puis, au bout d’un long moment, j’ai compris que je ne pouvais plus faire marche arrière.

À travers cette expérience, j’étais poussée à me réinventer. Même dans le roman, il y a une dimension de soi qui est appelée à se transformer. Cela, je ne l’ai pas compris tout de suite, mais plus tard. Maintenant, je peux témoigner que la personne qui a commencé ce livre et celle qui l’a terminé n’est plus la même. Alors que je croyais que c’était moi qui permettais à mes personnages d’évoluer, aujourd’hui, je réalise que c’était le contraire.

Édith a réussi professionnellement et elle semble mener en apparence une belle existence, mais seule, elle s’avère fragile et jongle avec des démons intérieurs, de l’angoisse et un problème de consommation d’alcool. Qu’est-ce qui vous inspire dans cette dualité?
Cette dualité existe en chaque être humain. L’ombre et la lumière se trouvent en chacun. D’où cette lutte intérieure qui se joue en Édith. Le roman s’ouvre sur un point de rupture, au moment où elle est sur le point de tout perdre. Mais une part d’elle refuse de se laisser sombrer. Cette lutte intérieure contre sa dépendance, ses conditionnements, ses angoisses existentielles fut aussi celle de ceux et celles qui l’ont précédée.

Édith va découvrir le parcours des générations précédentes et comment tout un chacun aura tenté, à sa manière, de se frayer un chemin à travers les turbulences de l’existence. Chacun cherche la voie vers l’équilibre, le bonheur, la liberté intérieure. Ils cherchent aussi des réponses dans le monde extérieur comme dans le plus profond de leurs âmes. Ils traversent les crises de l’existence, les doutes, les périodes de remises en question, et à travers leur histoire, on découvre des clés pour mieux vivre notre propre vie.

Ce livre m’a aussi permis de partager des thèmes contemporains qui m’interpellent, sur lesquels je me questionne, qui me bouleversent, comme ceux de la dépendance chez les femmes, de la solitude qui sévit dans notre société hyper branchée, de la dépression, de la maladie mentale, de la peur de vieillir seul dans notre société ultra connectée.

Qu’est-ce qui vous fascine dans les failles et les blessures des personnages?
C’est à travers leurs failles et leurs blessures qu’on découvre toute leur humanité. C’est là que réside aussi leur plus grande force. Alors que l’on pourrait croire qu’être vulnérable nous rend faibles, c’est le contraire. Lorsque nous arrivons à faire la paix avec le fait que nous sommes fragiles, vulnérables, imparfaits, nous redevenons des êtres de chair, des êtres humains, à part entière. En contrepoint, c’est souvent au cœur même de ses souffrances qu’une autre voix se donne à entendre : celle de notre part spirituelle. Voilà ce qui me fascine et m’émeut dans chaque personnage, chacun cherche à être aimé, malgré tout…

Édith lit les journaux intimes de son père, ce qui lui permet de découvrir qu’une part d’elle est liée à son héritage. En quoi notre histoire nous forge-t-elle?
« Tout n’est qu’héritage », disait le grand philosophe Nietzsche. Tout se dépose en nous. Les liens qui nous rattachent au passé ne sont pas invisibles. Le fil qui traverse notre existence a été tissé par les générations précédentes. Leurs peurs et les espoirs de ceux dont nous partageons le sang et le nom continuent de circuler dans nos veines. Nous sommes les dépositaires, plus ou moins, de leurs efforts, de leurs sacrifices, de leurs rêves échoués ou réalisés. Leur histoire a aussi forgé nos caractères, nos visages. Leurs destins autant que nos destins sont gravés à l’intérieur de nos mains.

Que représente l’écriture pour vous?
L’écriture est une ascèse quotidienne, au même titre que la méditation, dans ma vie. C’est un chemin, à la fois sombre et lumineux, qui m’oblige à plonger en moi-même et grâce auquel, face à une page blanche, j’arrive à mieux me connaître et à mieux me comprendre.

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