Monique Proulx : l’extraordinaire aventure humaine

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Après une incursion à la campagne dans Champagne en 2008, l’auteure et scénariste Monique Proulx renoue avec la vie montréalaise grâce à Ce qu’il reste de moi (Boréal), un roman foisonnant et magistral auquel elle insuffle magie, grandeur et humanisme. Une œuvre éblouissante qui s’inscrit à contre-courant de la morosité ambiante et du désenchantement.

Tout a commencé par un vertige. L’écrivaine Monique Proulx, qui vit à proximité du parc Jeanne-Mance et de la rue du même nom, a été allumée par « la folle entreprise » de la fondatrice de Montréal, dont le patronyme marque l’urbanité de la métropole. En plus de poser les jalons du roman, les débuts incroyables de cette grande héroïne laïque ont peut-être semé ce qu’il reste de nous aujourd’hui, soit notre envie de grandeur et de transcendance. C’est ce qu’explore l’écrivaine avec une acuité incomparable, à travers une multitude de personnages qui gravitent dans ce roman choral : un prêtre exorciste, un scénariste, des artistes, des itinérants, un restaurateur soufi, un homme qui fuit sa communauté hassidique, une professeure de français, etc.

Entre Jeanne Mance et ces divers visages du Montréal contemporain, on sillonne « l’héritage intangible qu’on laisse derrière nous » et on découvre que « l’histoire est un fil ininterrompu », révèle l’écrivaine. La grandeur qui galvanisait Jeanne Mance se perpétue encore aujourd’hui dans la ferveur de la religion, notamment, mais elle se retrouve également dans « l’étincelle que tout le monde a », la soif de dépassement, le désir de s’élever plus haut que la mêlée. Cette quête d’absolu, de sens, lie les différents personnages qui se croisent dans cette fresque impressionnante, ficelée admirablement. Par le fait même, les personnages nous semblent tout à coup moins seuls, moins individualistes. Tous les êtres humains ne sont peut-être pas si différents, finalement : « Si on s’ouvre un peu, on s’aperçoit qu’on participe tous au même courant. » Il y a de l’espoir, donc.

Malgré toutes les références à la métropole (Montréal en lumière, le mouvement Occupy, les Canadiens de Montréal, la crise du verglas, etc.), c’est bien plus que Montréal qu’on entend résonner; c’est l’humanité qui émerge. « Montréal est un miroir, un microcosme qui reflète très bien l’état du monde […], une mini tour de Babel où il y a toutes les langues, toutes les cultures », corrobore Monique Proulx. Dans ce sens, on a l’impression de voir l’invisible, d’effleurer l’intangible et de saisir l’essentiel. « C’est ce qui est extraordinaire dans l’aventure humaine. Il y a une jubilation à être vivant. »

Après la lecture, ce qu’il reste, c’est la sensation d’être follement vivant, une grande leçon de tolérance et d’humanisme, et, surtout, la certitude d’avoir été happé par un immense roman.


Photo : © Catherine Gravel 

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