Mélissa Grégoire: Ode à la connaissance

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Enseignante de littérature depuis une dizaine d'années, Mélissa Grégoire signe avec L'amour des maîtres un livre splendide, véritable révélation pour un premier roman, qui sonde au plus profond des relations maîtres-élèves pour en révéler les ambiguïtés.

Du curé du village qui lui dispensait des cours de botanique à ce professeur universitaire dont les mots la font frémir, Agnès, son personnage principal, entretient depuis son plus jeune âge une fascination pour les hommes qui lui ouvrent les portes de la connaissance. Bien que cet enrichissement intellectuel l’aide à s’émanciper du milieu rural qui l’emprisonne, son ravissement deviendra ingérable, puisqu’il fusionnera désir, besoin de reconnaissance et érudition. «Il arrive assez souvent qu’un étudiant confonde le savoir et le professeur qui l’incarne, par amour pour le savoir, par désir de la vérité. C’est au professeur à mettre une distance. Sa tâche est d’aider l’étudiant à s’émanciper, à se libérer de la fascination qu’il exerce sur lui», précise l’auteure avant d’ajouter qu’elle a vu plusieurs jeunes femmes tomber sous cette domination et en être anéanties, sombrant parfois entre silence et dépression. «J’ai voulu parler en leur nom et au nom de la jeune femme que j’étais à 19 ans», révèle celle qui, maintenant, ne pourrait envisager la vie sans l’écriture. «L’écriture me ralentit, me permet de vivre plus intensément chaque instant. Elle me permet aussi de me détacher de l’expérience vécue, de l’émotion, d’explorer ce que je ne comprends pas, ce qui m’échappe», partage Mélissa Grégoire.

Grande lectrice de Camus, Primo Lévi, Hillesum, Antelme, Tolstoï et Pessoa, Mélissa Grégoire gratifie son récit de riches références littéraires qui feront saliver les amateurs. Entre classes bondées et étudiants ambitieux, le lecteur aura droit à de véritables cours de littérature. Déformation professionnelle? Peut-être, puisque son métier lui tient à coeur: «Le professeur de littérature a une énorme responsabilité. Il doit non seulement transmettre son amour des lettres, mais travailler à former le jugement de ses élèves à travers de grandes oeuvres, c’est-à-dire des oeuvres qui nous éloignent de la culture de consommation et qui nous plongent dans une réflexion éthique. Enfin, le professeur doit aussi donner l’exemple, être un modèle.» Malheureusement pour Agnès, rares sont ceux parmi ses maîtres qui atteindront ce stade ultime. La richesse du récit réside ainsi dans cette part d’ombre

Bibliographie :
L’amour des maîtres, Leméac, 248 p. | 25,95$

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