Dans L’allégorie des truites arc-en-ciel, un premier roman charmant, Marie-Christine Chartier sonde l’amitié et l’amour, ainsi que les hésitations qui surviennent parfois entre les deux. Max et Cam, deux personnages attachants qui se racontent chacun leur tour, sont des amis très proches. Ils sont également amoureux, mais ça, ils refusent de l’admettre, voulant préserver leur amitié. À moins que ce soit la peur qui les empêche d’avancer. Après tout, l’amour, comme les êtres humains, c’est souvent complexe.

Quelle a été l’étincelle de départ de votre roman?
J’écris depuis que je suis toute petite, et j’ai toujours voulu écrire un roman, mais cette histoire est celle qui m’est venue le plus naturellement. Je me suis attachée aux personnages très tôt dans le processus de rédaction.

J’ai eu initialement l’idée de deux amis qui discutent après la première date de l’un d’entre eux. L’image du café, de la route, tout était très clair. Ensuite, les mots sont pratiquement sortis tout seuls. Je pense que c’est une histoire qui était dans ma tête depuis un moment et qui ne demandait que d’être écrite.

Dans le roman, Cam et Max se racontent tour à tour. Pourquoi avoir choisi de présenter cette histoire par le biais de deux voix?
J’adore ce style d’écriture parce que ça permet vraiment d’avoir une vue d’ensemble de l’histoire. Lorsqu’on a seulement un narrateur, on sait ce que le personnage principal pense, mais avec les deux, on a accès à toutes les informations. On sait ce que les deux ressentent, ce qui les motive, ce qui leur fait peur… On apprend à connaître les deux personnages à un autre niveau. C’est ce qui rend la lecture doublement plaisante, je pense, et dans le cas de ce roman, peut-être aussi doublement frustrante…

Max dit de Cam qu’elle est comme une truite arc-en-ciel, qu’il faut prendre son temps avec elle. D’où le titre, L’allégorie des truites arc-en-ciel. Est-ce que ce titre a également une autre signification pour vous?
J’ai toujours eu de la difficulté avec les titres. Comment synthétiser une histoire en une seule ligne? Ça a été différent cette fois-ci, par contre : le titre, un peu comme l’histoire, m’est venu naturellement. Je pense que c’est tout simplement parce que le moment intime et doux avec le père de Cam est un de mes passages préférés du roman, sinon mon préféré. Je n’ai jamais envisagé un autre titre que celui-là. Et puis, c’est différent et j’aime que ça pique la curiosité.

Cam et Max ne veulent pas admettre qu’ils sont amoureux, parce qu’ils ont tous les deux peur, peur notamment d’être blessés et de perdre l’amitié qui les unit. Quelle difficulté y a-t-il à traduire en écriture cette peur qui empêche d’avancer, mais également cette mince ligne entre l’amitié et l’amour?
La beauté de l’amour, c’est qu’il existe sous toutes sortes de formes. Ça peut aussi être ce qui rend difficile de discerner l’amitié de l’amour. Une chose que je savais, c’était que je voulais que cette forte amitié transparaisse dans le roman. Au-delà d’un amour potentiel, ils sont réellement de grands amis. Ensuite, une relation plus romantique peut se développer, mais un ne découle pas nécessairement de l’autre. Parfois oui, parfois non.

De plus, dans toute relation, même quand on connaît si bien l’autre, chacun vient avec son propre bagage émotif. La difficulté, lorsque c’est quelqu’un de nouveau, c’est qu’on ne connaît pas ce qu’ils ont vécu. Mais quand on est ami avec la personne, quand on la connaît sous toutes ses coutures, c’est difficile d’une autre façon : on sait comment la personne a été blessée, ce qui fait d’elle la personne qu’elle est, et donc on fait doublement attention. D’où, souvent, les hésitations.

En fin de compte, je pense que ce n’est pas plus difficile, ou facile, d’écrire une histoire d’amitié qui penche vers de l’amour, que de parler d’une relation bien établie. Il faut simplement se mettre dans la peau de ces personnages-là – et on l’a sûrement tous été au moins une fois – et peser les pour et les contre. Qu’est-ce que cette amitié m’apporte? Qu’est-ce qu’une relation m’apporterait de plus? Quel genre d’amour ai-je pour cette personne? Celle-là, je pense que c’est la question la plus difficile à répondre, mais c’est aussi celle qui fait tout débouler.

Photo : © Francis Fontaine

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