Diane Lavoie : Une histoire à faire trembler le coeur

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Tremblement de mère raconte l’histoire d’un séisme émotif, d’une fissure au cœur de l’être, mais aussi d’une reconstruction improbable. De ce premier ouvrage de Diane Lavoie, on sort ébranlé.

Diane Lavoie a 47 ans lorsqu’elle décide d’adopter une petite Haïtienne. Le processus, qui doit durer plusieurs mois, voire quelques années, déboule à une vitesse vertigineuse quand survient le tremblement de terre de janvier 2010. À peine neuf mois après avoir entamé les démarches d’adoption, la Québécoise se retrouve nez à nez avec une fillette de 3 ans qui a perdu tous ses repères. Mère et fille sont complètement secouées, c’est le moins qu’on puisse dire.

Ce livre, Diane Lavoie l’a d’abord et avant tout écrit pour sa fille. « Quand tu adoptes, ils suggèrent d’écrire à l’enfant pour lui raconter d’où il vient. Ça peut même être une fiction. Comme je suis de nature assez pessimiste, j’étais sûre qu’à l’adolescence elle allait me le reprocher si je ne lui écrivais pas ce livre. », lance l’auteure, mi-sérieuse mi-rieuse. « Donc, au départ, j’écrivais vraiment juste pour elle. » C’est donc un concours de circonstances qui a mené ce récit autobiographique sur le bureau d’un éditeur… en fait, de trois éditeurs, devrait-on dire. « Mon ami Éric Salvail a toujours fait des blagues en disant qu’il deviendrait agent dans ses vieux jours, alors je lui ai demandé un peu à la blague s’il voulait devenir agent littéraire! Finalement, on a envoyé le manuscrit à trois maisons d’édition et les trois ont répondu. À la fin, il y avait même une mise aux enchères! » Ce sont finalement les éditions Flammarion Québec qui ont mis la main sur cette histoire incroyable et touchante. Touchante non seulement en raison du processus d’adoption, mais surtout parce que la nouvelle maman se livre tout entière, sans censure, même lorsqu’elle n’apparaît pas sous son meilleur jour.

« Comme je n’avais pas l’intention de publier quand j’ai écrit le livre, je ne me suis jamais demandé ce que les gens allaient penser en apprenant que j’ai séjourné dans un hôpital psychiatrique. Est-ce que ça me dérange aujourd’hui qu’on sache que j’ai été internée? Je ne me suis pas vraiment posé la question. En même temps, je suis une personnalité très ouverte. Dans mon métier, les vedettes finissent par se retrouver en sous-vêtements devant moi et, pour les mettre à l’aise, j’ai développé une familiarité à la limite de la grossièreté », explique cette costumière à Radio-Canada, avec le naturel qui la caractérise en effet, mais sans l’ombre d’une grossièreté.

Plus qu’une histoire d’adoption, Tremblement de mère est en effet un récit sur la nature humaine, sur ses forces, mais également ses faiblesses. À bout de ressources, à bout de forces, la mère monoparentale qu’elle est devenue du jour au lendemain entame une lente descente aux enfers. Ses remparts psychologiques ne survivent pas au séisme et près de la moitié du livre aborde le sujet de la dépression et critique, sous le couvert de l’humour, un système qui ne parvient pas à venir en aide aux personnes qui en sont victimes. « Oui, je suis critique, mais en même temps, je ne suis pas sûre qu’il existe une solution à la maladie mentale. On est toujours tout seul, quelque part. Dans notre société individualiste, on développe un noyau de proches très réduits. Et si tu n’as pas d’amoureux, tu as une aide “à la carte” et si tu ne t’arrêtes pour dire que tu as besoin d’aide, il n’y a personne. »

Tremblement de mère ne s’adresse donc pas seulement aux futurs parents désireux d’adopter ou à ceux et celles qui sont déjà passés par ce processus parfois éprouvant. « Il y a un homme qui m’a écrit pour me remercier d’avoir écrit pour tous les gens qui ont des cailloux sur leur chemin. C’est vraiment ça », résume l’écrivaine. D’ailleurs, compte-t-elle continuer à écrire, bien que ce premier livre soit né de circonstances exceptionnelles? « Je ne sais pas! Je dis toujours que je suis un peu comme un filtre à café : je ne suis ni l’eau ni le café, et cette histoire-là est passée à travers moi tout simplement. En même temps, j’ai toujours aimé écrire. Chose certaine, si j’écris à nouveau pour être publiée, la pression va être beaucoup plus forte, maintenant que j’ai vécu tout le processus d’édition. Je ne regarderai plus jamais mes phrases de la même manière! », lance-t-elle en riant. L’autre chose qui est certaine, c’est qu’elle n’écrira plus sur sa fille, « par pudeur, par fidélité, par amour ».

Un tremblement court, mais d’une intensité saisissante. 

 

Crédit photo : © Julien Faugère

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