Caroline Jacques : Écrire le monde

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Grande voyageuse qui a parcouru une quarantaine de pays, dont vingt-cinq destinations en famille, Caroline Jacques, aussi connue sous le nom de Maman Globe-trotteuse, publie ces jours-ci son premier roman, Aller simple pour l’Afrique (Hurtubise), le premier tome d’une série intitulée « Globe-trotteuse » qui en comptera au moins deux. Travailleuse sociale de métier, ancienne coopérante, guide de safari en Tanzanie, l’auteure et blogueuse s’est inspirée de ses expériences pour créer cette œuvre authentique, empreinte d’humanité, qui pousse à voir autrement, voire à vivre autrement.

Caroline Jacques, qui a suivi des cours avec des écrivains, écrit depuis toujours, rédigeant notamment des journaux de voyage. Depuis 2011, elle relate ses récits de voyage en famille sur le blogue Maman Globe-trotteuse. C’est d’ailleurs ce qui a attiré l’attention des éditions Hurtubise qui ont approché l’auteure. Cette dernière a eu envie de commencer par dépeindre ce qui venait avant le blogue, avant qu’elle donne naissance à ses trois filles et qu’elle voyage aussi avec elles, puisqu’elle n’avait encore jamais raconté cette période. Et la vie d’après, celle de mère, on devrait la retrouver dans le deuxième tome prévu pour 2018.

L’Afrique, pays de prédilection
Dans Aller simple pour l’Afrique, Carlie, une juriste de 29 ans, spécialisée dans le droit des femmes, quitte le Québec pour retourner au Niger où elle ne croyait plus remettre les pieds après son dernier voyage. Mais comme elle le dit si bien, il ne faut jamais dire jamais. C’est donc le cœur gros, fuyant une rupture et cherchant un nouveau départ, qu’elle arrive à Niamey, ville située dans ce pays le plus pauvre du monde, pour un mandat de coopération internationale. Là, elle devra s’acclimater à de nouvelles réalités, comme se sentir impuissante devant l’extrême pauvreté. Elle entreprendra entre autres de nourrir deux enfants du quartier même si on lui déconseille de poser un tel geste. Ou encore, elle apprendra que lors d’un accident de voiture, elle doit poursuivre sa route, sinon elle risquerait de se faire tuer. Elle vivra des aventures rocambolesques, des lourdeurs administratives, des rencontres marquantes, par exemple, avec le fils du président, des moments difficiles, mais toujours inoubliables.

L’auteure offre donc au lecteur une plongée dans l’Afrique, dont on ne sort pas indemne, où les défis sont nombreux, dans la rudesse du quotidien, avec laquelle il faut apprendre à jongler. Le personnage de Carlie dira d’ailleurs : « Je fais avec. Je dois suivre le rythme de mon pays d’accueil. Faire preuve d’esprit d’analyse et de compréhension quant à la complexité de la réalité. » Caroline Jacques ajoute de son côté : « Ta journée est constituée d’événements qu’on pourrait qualifier de malheureux. Mais il faut que tu ries dans ta journée, que tu trouves des petits bonheurs, de la légèreté. Donc un moment donné, tu n’as pas le choix de faire avec. L’être humain va s’adapter à la misère. » Carlie se liera d’amitié avec des gens formidables qui agrémenteront son quotidien. Si l’amour se pointe en filigrane, c’est surtout une histoire de dépaysement, une aventure hors du commun à l’étranger, une quête de sens par le voyage, dont il s’agit.

Parmi tous les pays visités, pourquoi camper l’histoire en Afrique? Parce que l’auteure y a trouvé une terre d’accueil avec laquelle elle a un rapport amour et difficulté. « Ce n’est pas évident tout le temps. Il y a des pays plus difficiles, dont le Niger. », confie-t-elle. Une perception qu’elle partage avec Carlie : « L’Afrique est un aller simple. Son empreinte est indélébile. Son souvenir se grave profondément dans l’âme. C’est un kaléidoscope de sourires d’enfants, de thé sur les dunes, d’amitié éphémère, de chaleur insupportable, de salamalecs et de rencontres singulières. J’y ai vu le meilleur et le pire. »

Voyager et écrire pour vivre
Ce que Caroline Jacques aime, c’est raconter, « c’est écrire le monde ». « J’ai vu plus de quarante pays, mais je ne visite pas pour voir, mais pour vivre », révèle-t-elle. Les voyages et l’écriture « se nourrissent. Il faut que je sois déstabilisée pour avoir envie d’écrire. Plus je suis déstabilisée, plus ça va sortir. Donc, il faut que je continue à confronter mes perceptions. » Quand c’est difficile dans un pays, il faut justement qu’elle y retourne. Pour comprendre. Pour comprendre pourquoi elle était si heurtée par certains comportements. Pourquoi les enfants sont encore bien nus dans la rue à quémander de la nourriture par exemple. Elle dépasse ainsi sans cesse ses limites puisque ce qui compte, « c’est le fait d’évoluer comme humain », de retirer quelque chose de ses expériences, d’aller à la rencontre de l’autre, de comprendre la culture, de voir ce qui est différent et de le retranscrire avec sa perception.

Pour ce faire, elle utilise les mots les plus précis possible, tente de trouver le meilleur angle, retravaille la structure. Elle aime ce travail des mots par lequel elle incite le lecteur à découvrir l’intrigue, en l’aidant à s’imaginer le Niger grâce à ses descriptions. C’était son défi. Que les lecteurs voient, imaginent comment on vit avec la chaleur, avec les gens autour qui ont faim, que c’est difficile, qu’il y a une incompréhension culturelle parfois. Elle souhaitait amalgamer tout ça avec la vie et les envies d’une jeune femme de 29 ans, pour créer une mosaïque où tout s’imbrique. Après la lecture, ce pays, méconnu, semble justement plus tangible.

On se dit qu’on pourrait l’écouter pendant des heures. Avec un parcours si incroyable et si inspirant, la vie de Caroline Jacques ne peut que nous sembler fascinante et riche grâce aux divers pays visités, découverts, vécus. Au lendemain de cet entretien, la globe-trotteuse s’envolait d’ailleurs pour le Maroc. On se dit aussi qu’elle a beaucoup à partager, un monde à dévoiler, des tonnes d’histoires à raconter. Une chance, elle écrit.

Photo : © Martine Doyon

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