Victor Lessard est de retour dans une nouvelle enquête sous la plume de l’auteur Martin Michaud, qui scénarise aussi la populaire série télé* portant le nom du célèbre enquêteur, un personnage tourmenté, téméraire et instinctif. Dans Ghetto X, Victor devra combattre ses démons. Il pourra compter sur son acolyte, Jacinthe, son amie et collègue un peu bourrue mais toujours loyale. Encore une fois, Martin Michaud orchestre une histoire haletante, au rythme effréné, impossible à lâcher. 

Qu’est-ce qui vous a inspiré ce roman ambitieux, aux ramifications multiples, mêlant un groupe armé de l’extrême droite, un journaliste d’enquête assassiné, un attentat ainsi que le passé éprouvant de Victor Lessard qui refait surface et qu’il devra affronter?
J’avais l’idée d’explorer le passé de Victor depuis longtemps (il est le seul survivant d’un drame familial), mais également l’envie que la recherche de sa propre identité résonne à un autre niveau, comme un écho à une quête d’identité plus vaste, plus globale.

Un écrivain de polars est aussi un observateur de son époque, et j’essaie toujours, dans mes romans, de braquer le projecteur sur mes préoccupations. Nous assistons depuis quelques années à la montée du populisme ainsi qu’à un affrontement entre l’extrême gauche et l’extrême droite pour la redéfinition de la norme. Dans la foulée, les médias sont traînés dans la boue par l’homme le plus puissant de la planète, qui les accuse de publier des fake news. En parallèle, des services de renseignements étrangers publient chaque jour, par l’intermédiaire de faux comptes sur les médias sociaux, des nouvelles tendancieuses ayant pour seul objectif de polariser les débats sociaux.

Que le roman s’ouvre sur l’assassinat d’un journaliste d’enquête a une véritable portée métaphorique à mes yeux : la liberté de la presse est l’un des piliers fondamentaux de nos démocraties et, en les diabolisant, on fragilise non seulement le quatrième pouvoir, mais on assassine aussi la démocratie à petit feu.

C’est de ces enjeux et des dérives auxquelles pourraient mener une quête identitaire entreprise par des esprits exaltés par la mer de désinformation dont on nous abreuve dont j’ai voulu rendre compte dans Ghetto X.

Bien entendu, ce qui précède demeure une toile de fond. À l’avant-plan, on retrouve Victor et Jacinthe dans une intrigue aux rebondissements multiples ; plus soudés que jamais, et dans l’œil de la tourmente, ils devront faire face à moult périls afin de comprendre et de parvenir à déjouer les plans de leurs adversaires.

Au final, j’aime penser que ce roman parle aussi beaucoup de leur courage et de l’amitié inconditionnelle qui les lie.

Vos livres s’intéressent notamment à la complexité de l’âme humaine et à ses côtés sombres. Qu’est-ce qui vous fascine dans les failles et les blessures, voire la noirceur, des êtres humains?
Chaque être humain est capable du meilleur et du pire. Mais pourquoi les ténèbres continuent-elles trop souvent d’avancer leurs tentacules au détriment de la lumière? Quels sont les mécanismes de mise en action de la face sombre de l’âme humaine? La noirceur dans laquelle basculent certaines personnes aurait-elle pu être évitée ou même anticipée? Comment certains individus réussissent-ils à convaincre des milliers d’autres de les suivre sur le chemin de la violence?

Une multitude de questions et de réponses possibles, et l’absence totale de certitudes, voilà ce qui me fascine. L’âme humaine est un écheveau complexe, aux possibilités infinies. De l’or pour un romancier; un véritable casse-tête pour un humaniste.

Votre écriture est très rythmée, cinématographique même. Maintenant que vos personnages évoluent également à la télé, écrivez-vous en ayant en tête des images, en pensant au petit écran? Votre rapport à l’écriture a-t-il changé?
J’ai toujours écrit en ayant des images en tête et la télé n’a rien changé à cet égard. Je ne peux d’ailleurs concevoir qu’un romancier ne visualise pas les scènes qu’il écrit dans sa tête : comment raconter aux autres si on ne se fait pas soi-même sa propre représentation, son propre cinéma intérieur?

En revenant au roman, mon défi était de gommer le visage des interprètes de la série télé pour revenir à ma propre représentation mentale des personnages. C’est un exercice ardu qui m’a demandé beaucoup de vigilance afin d’éviter de contaminer l’univers romanesque avec des scories de la série télé.

Écrire des romans et écrire pour la télé représentent deux exercices résolument différents, et sans doute que mon rapport à l’écriture s’en trouve changé. Je manque toutefois de recul pour exprimer comment et, surtout, à quel niveau. Au-delà du médium, une chose demeure toutefois inaltérée : le plaisir de créer et de raconter des histoires. À mes yeux, c’est le rapport le plus pur et le plus organique à l’écriture qui soit.


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Ghetto X, le troisième volet de la série télévisée Victor Lessard, sera diffusé en exclusivité sur Club illico dès le 24 octobre.

Photo : © Julien Faugère

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