Après la mort de sa mère, Laure, une psychologue vivant au Québec, retourne en Bourgogne, dans la maison de son enfance où elle essaie de comprendre pourquoi sa mère la détestait. Maintenant que cette dernière est décédée, Laure cherche ses repères, comme si cette haine la définissait. Peu à peu, elle se remémore son enfance. Mais peut-être aurait-il mieux fallu que certains souvenirs restent enfouis… parce qu’ils pourraient tout faire basculer. Avec Sur ta tombe (Druide), Florence Meney tisse un roman noir sur la complexité des êtres humains, sur leurs côtés sombres et sur ce qui les construit.

Comment est né le projet de ce roman, ratissant plusieurs époques, le temps présent et passé, celui de la guerre aussi, et dont l’histoire est campée au Québec et en Bourgogne?
Comme toujours dans mon processus créatif, un événement réel, souvent lié à ma vie personnelle, vient faire germer un thème, une piste ténue, presque insaisissable, que je vais nourrir et à partir de laquelle je vais bifurquer vers des chemins totalement inventés. Ici, un retour difficile aux lieux de ma jeunesse a remué plein de choses. Mais au lieu de creuser un sillon plus autobiographique qui, je pense, n’intéresserait personne, j’ai choisi de m’évader dans une histoire qui touche à plusieurs thèmes qui me sont chers : la quête de l’identité, le devoir de mémoire, mais aussi le maquillage que nous opérons tous (bien sûr à des degrés moins spectaculaires) sur notre réalité, notre passé, sur qui nous sommes. Plusieurs de mes aïeuls ont connu la guerre, de très près, et je regrette de ne pas en savoir plus sur leur rôle. La dualité France-Québec, c’est la mienne, bien que je me sente plus d’ici que d’ailleurs, beaucoup plus même.

Laure a eu une enfance douloureuse; sa mère la détestait. Qu’est-ce qui vous inspire dans l’enfance, cette période charnière qui nous forge?
Tout est inspirant dans l’enfance, car c’est le début de tout. L’enfance n’est pas pour moi un paradis perdu, même si grâce à mes grands-parents, j’y ai connu des moments d’intense bonheur, des moments fondateurs, surtout au contact de la nature. L’enfance s’est aussi révélée forte en angoisse, en souffrance, en questionnements. Je vois mes enfants aujourd’hui et ceux de mon entourage, je constate combien nous nous inquiétons de leur bien-être, de leur devenir, ce qui est normal et souhaitable. Dans quelle mesure ces soins, cette proximité, contribuent-ils à faire de nos enfants des êtres équilibrés, sereins? L’enfance, c’est la page plus ou moins vierge sur laquelle on peut tout écrire. Et ce qui s’écrira, dépend-il tant que cela de l’apport parental? Et dans quelle mesure l’enfant appose-t-il une lecture partiale, fictive, au comportement de ses parents? Plus de questions que de réponses, comme dans mon livre…

Comme dans La mort est ma maison et L’encre mauve, Sur ta tombe s’intéresse notamment à la complexité de l’âme humaine et à ses côtés sombres. Qu’est-ce qui vous fascine dans les failles et les blessures, voire la noirceur, des êtres humains?
Peut-être s’agit-il d’une tentative pour apprivoiser ou exorciser mes propresincertitudes quant à la nature humaine, la mienne au premier chef. Moi qui m’arrête pour ramasser les escargots dans la piste afin qu’ils ne se fassent pas écraser, j’écris des lignes terribles, parfois. C’est étrange et je ne comprends pas entièrement pourquoi. Peut-être suis-je aussi simplement le produit de mes lectures de jeunesse. Chez nous, on dévorait du thriller psychologique très glauque, que ce soit Highsmith ou Rendell. L’être au bord de l’abîme, avec un pied dans la normalité et l’autre dans le drame, et dont on ne sait pas s’il va basculer, me fascine. Mais il me fascine en fiction. La souffrance réelle des autres me bouleverse. Je crois que raconter des horreurs, c’est pour moi l’ultime jeu de l’esprit, la catharsis, comme un enfant qui joue à se faire peur, à s’inventer des monstres, tout en sachant que papa est dans la pièce à côté…


Photo : © Maxyme G. Delisle

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